Périmètre et calcul appropriés oui

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 4 novembre 2003

N° de pourvoi : 01-13196

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. THAVAUD conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon les juges du fond qu’à la suite du contrôle de la société Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) les agents enquêteurs de l’URSSAF ont constaté que de 1994 à 1997 cette société a confié le transport de journaux à l’entreprise Lançon ; qu’en violation de l’article L. 324-10 du Code du travail cette entreprise a fait travailler des salariés non déclarés aux organismes de protection sociale ; que contrairement aux dispositions des articles L. 324-14 et R. 324-4 du même Code la société NMPP ne s’est pas assurée que sa cocontractante s’acquittait de ses obligations au regard de l’article L. 324-10 susvisé ; que les agents enquêteurs de l’URSSAF ont notifié à la société NMPP le 2 mai 1997 qu’ils mettaient en cause, conformément à l’article L. 324-14 du Code du travail, sa solidarité financière portant sur le montant des cotisations des années 1994 à 1997 non payées par l’entreprise Lançon ; que l’URSSAF a fait signifier le 12 août 1997 à la société NMPP une mise en demeure d’avoir à payer ces cotisations ; que la société a formé un recours qui a été rejeté par la cour d’appel (Paris, 16 mai 2001) ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société NMPP fait d’abord grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir validé la mise en demeure du 11 août 1997, alors, selon le moyen, qu’en vertu des articles L. 244-2 et L. 244-3 du Code de la sécurité sociale, la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ; qu’en l’espèce, la société NMPP avait fait observer qu’étant extérieure à la procédure engagée à l’encontre de l’entreprise Lançon et ayant abouti à un redressement en raison d’une dissimulation de salariés et d’activités, elle n’avait pas eu communication du procès-verbal constatant les infractions commises par celle-ci et n’avait reçu aucune information de la part de l’URSSAF, ni dans sa notification, ni dans sa mise en demeure, concernant le nombre et les noms des salariés qui auraient été affectés aux prestations confiées à l’entreprise Lançon pour le compte de la société NMPP, empêchant ainsi toute vérification de sa part ; qu’en affirmant que la mise en demeure du 11 août 1997 était néanmoins valable en ce qu’elle indiquait le montant global annuel des cotisations sociales dues par l’entreprise Lançon et leur nature sans relever que d’autres éléments d’information avaient été fournis à la société NMPP lui permettant de vérifier l’étendue de sa responsabilité au regard des dispositions de l’article L. 324-14 du Code du travail, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard tant de ce texte que de ceux susvisés ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés la cour d’appel a relevé que le responsable qualifié de la société NMPP a déclaré le 24 février 1997 aux agents enquêteurs qu’il ne pouvait pas produire l’attestation de fourniture des déclarations sociales émanant de l’organisme de recouvrement des cotisations sociales incombant à l’entreprise Lançon, en violation des dispositions de l’article R. 324-4 du Code du travail ; que le 23 mars 1997 les agents enquêteurs ont avisé la société que l’entreprise Lançon faisait l’objet d’une procédure pour travail clandestin et qu’elle pouvait être elle-même mise en cause au titre de la solidarité financière prévue par l’article L. 324-14 du Code du travail en cas de défaillance de la sous-traitante ; que le 2 mai 1997, ils ont avisé la société de la mise en application de cette disposition en rappelant les faits reprochés à l’entreprise Lançon et le montant des cotisations réclamées au titre de chacune des années de 1994 à 1997 ; que cette même lettre a indiqué qu’elle constituait la notification de redressement prévue par l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale ; que la mise en demeure du 11 août 1997 a fait référence à la lettre du 2 mai susvisée et a précisé à nouveau pour chaque année concernée le montant des cotisations réclamées ; que la cour d’appel en a justement déduit que cette mise en demeure, qui permettait à la société de connaître la nature, l’étendue et la cause de son obligation, était régulière ; que le moyen est mal fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société NMPP fait encore grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait application à son encontre de l’article L. 324-14 du Code du travail issu de la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991, alors, selon le moyen :

1 / qu’en vertu de l’article 1134 du Code civil, à défaut de stipulation par les parties d’un terme déterminé, le contrat est réputé conclu pour une période indéterminée ; qu’en vertu de l’article 1273 du Code civil, la novation ne se présume pas et la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte ; qu’en affirmant que le contrat conclu en 1989, pour lequel aucun terme n’était stipulé, n’avait pu se poursuivre jusqu’en 1997 au vu de considérations tenant à l’exécution de ce contrat et non à sa formation, sans relever la volonté certaine des parties de le résilier ou de lui substituer d’autres contrats subséquents, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

2 / subsidiairement qu’en écartant en l’espèce l’existence d’une convention-cadre régissant les relations commerciales des parties depuis 1989 au seul motif, inopérant, qu’étaient intervenus par la suite de multiples envois formant autant de contrats de transport, sans préciser en quoi ces contrats d’application étaient incompatibles avec la convention-cadre de 1989 qui avait pour objet d’en encadrer la conclusion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ;

3 / qu’en appliquant les dispositions de l’article L. 324-14 du Code du travail, issues de la loi du 31 décembre 1991, au motif que de tels contrats d’application avaient été conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, bien que la convention-cadre, en application de laquelle ils ont été conclus, fût établie avant cette entrée en vigueur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

4 / et à titre infiniment subsidiairement qu’en vertu de l’article L. 324-14 du Code du travail, l’obligation qui pèse sur l’entreprise de s’assurer de la régularité de la situation de son cocontractant au regard de l’article L. 324-10 du même Code ne concerne que les contrats d’un montant supérieur à 20 000 francs chacun ; qu’en se bornant à relever, pour justifier l’application de ce texte en l’espèce, l’existence d’envois multiples postérieurement à l’entrée en vigueur de ces dispositions, sans constater que chacun de ces contrats atteignait bien le seuil prévu par le législateur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, l’arrêt relève que si les relations contractuelles entre la société NMPP et l’entreprise Lançon ont débuté en 1989, la convention conclue entre elles a été seulement verbale, et que ni sa date, ni sa durée ni ses conditions ne sont connues ; qu’il constate que de 1994 à 1997, seules années concernées par le contrôle et la demande en recouvrement, plusieurs contrats verbaux ont été conclus entre les parties, pour des objets dont les montants ont toujours été supérieurs à 20 000 francs ; que par ces seuls motifs la cour d’appel a justement décidé que la mise en cause de la solidarité financière de la société NMPP était justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Nouvelles messageries de la presse aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société NMPP à payer à l’URSSAF de Paris la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille trois.

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (18e chambre B) du 16 mai 2001