Procédure régulière - recouvrement validé

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 10 décembre 2009

N° de pourvoi : 09-12173

Non publié au bulletin

Rejet

M. Gillet (président), président

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Gaschignard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le second moyen :

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Montpellier, 10 décembre 2008) que des investigations menées sous la conduite du procureur de la République de Perpignan ayant mis en évidence des infractions de travail dissimulé par dissimulation d’activité et de salarié à l’encontre des dirigeants des sociétés GDB aménagement et GDB construction, l’URSSAF des Pyrénées-Orientales a, le 30 août 2006, avisé la société civile immobilière Coryphène, qui, courant 2004, avait confié des travaux à ces sociétés, de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue à l’article L. 324-14 devenu L. 8222-1 du code du travail ; que l’union de recouvrement lui ayant adressé, le 11 octobre 2006, une mise en demeure de payer une partie des cotisations éludées par les sociétés GDB évaluée en fonction du pourcentage du chiffre d’affaires réalisé avec elles, la société Coryphène a saisi d’un recours la juridiction de sécurité sociale ;

Attendu qu’elle fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande d’annulation du redressement et de la condamner au paiement de la somme figurant sur la mise en demeure alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu’elle entend exiger du client d’une entreprise qui a eu recours au travail dissimulé qu’il acquitte solidairement les cotisations éludées par cette dernière, à due proportion de la valeur des travaux réalisés au profit de ce client, l’URSSAF doit justifier par la production de toutes pièces utiles du montant des cotisations éludées et du chiffre d’affaires global réalisé par l’entreprise prestataire au cours de la période litigieuse, ces deux éléments constituant les base de calcul de la somme qui peut être exigée sur le fondement des articles L. 8222-2 et L. 8222-3 du code du travail ; que l’entreprise rendue solidaire des cotisations dues par son cocontractant doit en effet être mise à même d’en discuter les bases de même que la quote-part de cotisations mise à sa charge ; qu’en validant le redressement opéré par l’URSSAF des Pyrénées-Orientales à l’encontre de la société Coryphène, sans constater que la SCI Coryphène avait été mise en mesure de discuter utilement le chiffre d’affaires des sociétés GDB aménagement et GDB construction et les bases du redressement notifié à ces dernières, notamment par la production de données comptables auxquelles la SCI se plaignait de n’avoir eu aucun accès, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8222-2 du code du travail et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

2°/ subsidiairement que la lettre d’observations du 30 août 2006 ne mentionnait nullement le “calcul opéré pour fixer le montant de la dette sociale des sociétés GDB”, mais seulement le calcul opéré pour, à partir d’une dette sociale réputée indiscutable de la société GDB, fixer à 10 309 euros le montant de la somme exigée en principal de la SCI Coryphène ; qu’en énonçant que cette lettre du 30 août 2006 mentionnait le calcul opéré pour fixer le montant de la dette sociale des sociétés GDB, la cour d’appel l’a dénaturée, et ainsi violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’il résulte des articles L. 324-14 et R. 324-4, devenus L. 8222-1, L. 8222-2 et D. 8222-5 du code du travail, que toute personne qui méconnaît les dispositions relatives aux vérifications imposées au donneur sur la situation de son cocontractant notamment au regard de sa situation vis-à-vis des organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales est tenue solidairement du paiement des cotisations et majorations de retard dues par celui qui a fait l’objet d’un procès verbal pour délit de travail dissimulé ; que la cour d’appel a relevé que les sociétés GDB avaient fait l’objet d’un tel procès verbal et que la société Coryphène avait été dans l’incapacité de fournir les documents attestant qu’elle avait procédé aux vérifications exigées ;

Et attendu que n’étant pas soutenu que le montant des cotisations éludées, tel qu’il avait été fixé à la suite du contrôle des sociétés GDB, avait fait l’objet de contestations de leur part, la cour d’appel, qui a relevé, sans la dénaturer, que la lettre d’observations précisait que la somme dont la société Coryphène était redevable au titre de la solidarité financière avait été fixée, conformément aux dispositions de l’article L. 324-14, alinéa 5, devenu L. 8222-3 du code du travail, au prorata de la valeur des travaux réalisés pour son compte, a exactement décidé que le montant de cette somme était justifié ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Coryphene aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Coryphene ; la condamne à payer à l’URSSAF des Pyrénées-Orientales la somme de 2 500euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Mazars, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile en l’audience publique du dix décembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour la société Coryphene 34

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la SCI Coryphène de sa demande tendant à l’annulation du redressement diligenté à l’encontre de la SCI Coryphène au titre de la solidarité financière et de l’avoir condamnée à payer à l’URSSAF la somme de 11.339 euros,

AUX MOTIFS QUE le procès-verbal de synthèse établi par la gendarmerie le 13 mai 2006 à l’encontre des dirigeants de la société GDB Construction et de la société GDB Aménagement a mis en évidence des infractions de travail dissimulé pour défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, défaut de déclarations fiscales et sociales, défaut de déclaration préalable à l’embauche, en violation des dispositions des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du Code du travail ; qu’il est établi que la société Coryphène a confié à la société GDB Construction qui n’était pas régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, des travaux de construction pour des montants supérieurs à 3.000 euros ainsi qu’il en résulte des quatre factures versées aux débats, afférentes à des travaux exécutés en 2004 ; que la SCI Coryphène ne s’est pas fait remettre à cette date par son cocontractant les documents exigés par l’article L. 8222-1 du code du travail et l’article D 8222-5 1° dudit code ; que le seul document que la SCI Coryphène a été en mesure de présenter est la photocopie d’un document daté du 5 décembre 2005 afférent à l’année 2005 dont le contrôleur assermenté de l’URSSAF a déclaré aux gendarmes enquêteurs qu’il s’agissait d’un faux comme le résultat de la superposition de plusieurs documents ; que par ailleurs, il ressort de la lettre d’observations de l’URSSAF que cet organisme a pris en compte le procès-verbal de gendarmerie dressé à l’encontre de GDB Aménagement et GDB Construction, mais également les bulletins de salaire, le livre de paie, le carnet de chantier et le registre unique du personnel ; qu’en outre, aucune disposition légale ne fait obligation à l’URSSAF de communiquer à l’entreprise donneuse d’ordre que ce soit au moment de l’envoi de la lettre d’observations ou à celui de l’envoi de la mise en demeure, le procès-verbal d’enquête pénale pour travail dissimulé ; que par ailleurs, la SCI Coryphène n’est pas fondée à soutenir l’absence de contrôle au sein de sa société ou l’irrégularité du contrôle effectué au sein de la société FDE (société Holding du groupe M+), au motif que Monsieur X... a été sollicité en sa qualité de président de la société FDE, alors que c’est Monsieur X... lui-même, par ailleurs gérant de la société Coryphène qui a remis aux enquêteurs, assistés du contrôleur de l’URSSAF, le seul document douteux du 5 décembre 2005, pour justifier des documents sus rappelés relatifs à des travaux contractualisés en 2004 entre la dite SCI et les sociétés GDB Construction et GDB Aménagement ; qu’en outre, suite au contrôle effectué, la SCI Coryphène a bien reçu de l’URSSAF le document visé à l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale dans un délai qui ne saurait entacher d’irrégularité ledit contrôle ; que si le donneur d’ordre n’avait pas l’obligation de vérifier la sincérité ou l’authenticité du document du 5 décembre 2005, par contre il avait l’obligation au moment de la conclusion des contrats en 2004 avec GDB Construction et GDB Aménagement de vérifier que son cocontractant s’acquittait à cette date des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du Code du travail, obligation que la SCI n’a pas satisfaite ; que dès lors, tant la matérialité des faits de travail dissimulé que l’absence de vigilance de la SCI Coryphène sont établies de sorte que les conditions de mise en oeuvre de la solidarité financière sont remplies ;

1° - ALORS QUE ne peut faire l’objet d’un redressement par l’URSSAF au titre de la solidarité du donneur d’ordre une société qui n’a pas été contrôlée par cet organisme ou une autre administration ; qu’en retenant, que la SCI Coryphène n’est pas fondée à se plaindre de l’absence de contrôle effectué sur la société dès lors qu’un contrôle avait été effectué sur la société FDE, également gérée par le gérant de la SCI Coryphène, et qu’à l’occasion de ce contrôle, ledit gérant n’avait pu remettre à l’URSSAF que le document du 5 décembre 2005, ne couvrant pas la période litigieuse, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 8222-2 du Code du travail et R. 243-59 du Code de la sécurité sociale ;

2° - ALORS QUE la communication des observations du contrôleur à l’issue du contrôle est destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle ainsi que la sauvegarde des droits de la défense et à permettre un apurement avant tout recours ; que ces observations doivent donc mettre leur destinataire en mesure de contester utilement le redressement envisagé à son égard, toute mise en demeure ne pouvant intervenir qu’à l’expiration du délai imparti au contrôlé pour faire valoir ses observations et devant permettre à l’assujetti de connaître la cause de son obligation ; qu’en conséquence, le donneur d’ordre dont la solidarité financière est recherchée avec le prestataire qui fait l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé doit se voir communiquer avec la lettre d’observations et en tout état de cause, avec la mise en demeure ultérieure, le procès-verbal d’infraction en question, dont l’existence est préalable à la mise en jeu de sa solidarité financière et constitue la cause et l’origine de son obligation ; qu’en retenant toutefois qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne faisait obligation à l’URSSAF de communiquer à l’entreprise donneuse d’ordre, que ce soit au moment de l’envoi de la lettre d’observations ou à celui de l’envoi de la mise en demeure, le procès-verbal d’enquête pénale pour travail dissimulé, la Cour d’appel a violé les articles L. 8222-2 du Code du travail, L. 243-7 et R. 243-59, en sa rédaction, applicable en la cause, antérieure au décret n°2007-546 du 11 avril 2007, du Code de la sécurité sociale ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la SCI Coryphène de sa demande tendant à l’annulation du redressement diligenté à l’encontre de la SCI Coryphène au titre de la solidarité financière et de l’avoir condamnée à payer à l’URSSAF la somme de 11.339 euros,

AUX MOTIFS QUE l’article L. 8222-2 (ancien article L. 324-14 alinéa 1 et alinéa 2 à 4) dispose que : « toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1,… est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : 1° au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dues par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale » ; que l’article L. 8222-3 (ancien article L. 324-14 alinéa 5) précise que « les sommes dont le paiement est exigible en application de l’article L. 8222-2 sont déterminées à dire proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession » ; qu’il est établi que la société Coryphène a confié à la société GDB Construction qui n’était pas régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, des travaux de construction pour des montants supérieurs à 3.000 euros ainsi qu’il en résulte des pièces suivantes : - facture n°1046068 du 16 mars 2004 établie par GDB Construction à l’endroit de la SCI Coryphène pour un montant de travaux de 46.546,44 euros, - facture n°1046069 du 30 mars 2004 établie par GDB Construction à l’endroit de ladite SCI pour un montant de travaux de 27.252,65 euros ; - facture n°304057 du 20 avril 2004 établie par GDB Aménagement à l’endroit de la même SCI d’un montant de travaux de 38.037,87 euros, - facture n°1046072 du 30 septembre 2004 établie par GDB Construction à l’endroit de la même SCI d’un montant de travaux de 7.759,53 euros ; que la SCI appelante soutient que la mise en demeure du 11 octobre 2006 ne lui permet pas de connaître la nature et l’étendue de son obligation ; que cependant, la mise en demeure rappelle la lettre d’observations du 30 août 2006 que la SCI a réceptionnée le 5 septembre 2006 ; que dans cette lettre il est mentionné - que la mise en oeuvre de la solidarité financière entraîne un rappel de cotisations d’un montant de 10.309 euros, outre les majorations de retard dues en application de l’article R. 243-18 du code de la sécurité sociale, - que la SCI a confié en 2004 des travaux à la société GDB Aménagement et la société GDB Construction, lesquelles ont assuré des prestations en violation des dispositions du Code du travail constitutif de travail dissimulé, - le montant des travaux facturés par les sociétés GDB à la SCI Coryphène soit 119.596 euros (ce qui correspond au montant total des quatre factures ci-dessus mentionnées), - le calcul opéré pour fixer le montant de la dette sociale des sociétés GDB à la somme de 10.309 euros ; que dès lors, la société appelante n’est pas fondée à soutenir que la mise en demeure qui se réfère expressément à la lettre d’observations reçue par son destinataire ne lui permet pas de connaître la nature et l’étendue de son obligation ; qu’enfin, il ressort de la lettre d’observations que le calcul de la dette sociale des sociétés GDB effectué en fonction de la proportion entre le chiffre d’affaires global réalisé par ces deux sociétés en 2004 (à savoir 179.814 euros pour GDB Construction et 626.240 euros pour GDB Aménagement) et la valeur des travaux réalisés pour le compte de la SCI en 2004 (facturation de 119.596 euros) n’est pas contraire aux dispositions de l’article L. 8222-3 du Code du travail ;

1° - ALORS QUE lorsqu’elle entend exiger du client d’une entreprise qui a eu recours au travail dissimulé qu’il acquitte solidairement les cotisations éludées par cette dernière, à due proportion de la valeur des travaux réalisés au profit de ce client, l’URSSAF doit justifier par la production de toutes pièces utiles du montant des cotisations éludées et du chiffre d’affaires global réalisé par l’entreprise prestataire au cours de la période litigieuse, ces deux éléments constituant les base de calcul de la somme qui peut être exigée sur le fondement des articles L. 8222-2 et L. 8222-3 du Code du travail ; que l’entreprise rendue solidaire des cotisations dues par son cocontractant doit en effet être mise à même d’en discuter les bases de même que la quote-part de cotisations mise à sa charge ; qu’en validant le redressement opéré par l’URSSAF des Pyrénées Orientales à l’encontre de la société Coryphène, sans constater que la SCI Coryphène avait été mise en mesure de discuter utilement le chiffre d’affaires des sociétés GDB Aménagement et GDB Construction et les bases du redressement notifié à ces dernières, notamment par la production de données comptables auxquelles la SCI se plaignait de n’avoir eu aucun accès, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8222-2 du Code du travail et R. 243-59 du Code de la sécurité sociale ;

2° - ALORS subsidiairement QUE la lettre d’observations du 30 août 2006 ne mentionnait nullement le « calcul opéré pour fixer le montant de la dette sociale des sociétés GDB », mais seulement le calcul opéré pour, à partir d’une dette sociale réputée indiscutable de la société GDB, fixer à 10.309 € le montant de la somme exigée en principal de la SCI Coryphène ; qu’en énonçant que cette lettre du 30 août 2006 mentionnait le calcul opéré pour fixer le montant de la dette sociale des sociétés GDB, la cour d’appel l’a dénaturée, et ainsi violé l’article 1134 du Code civil ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier du 10 décembre 2008