Réparation automobile oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 8 février 2000

N° de pourvoi : 99-82109

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit février deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle Pascal TIFFREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général FROMONT ;

Statuant sur les pourvois formés par :

 X... Rodolphe,

 X... Sébastien,

contre l’arrêt de la cour d’appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 11 mars 1999, qui, pour exécution d’un travail dissimulé, les a condamnés, chacun, à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d’amende ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320 et L. 143-3 du Code du travail, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Rodolphe et Sébastien X... coupables du délit d’exécution d’un travail dissimulé ;

”aux motifs que “(...) il résulte des éléments du dossier et des débats que la garage de Roger X... a fait l’objet d’une procédure collective en 1990, à la suite de laquelle les fils de Roger X..., Sébastien et Rodolphe X..., demeurant à Pouzioux, commune de Chauvigny, ont conservé une partie du matériel de l’ancien garage ; divers renseignements parvenaient à la gendarmerie de Chauvigny au cours de l’année 1996, selon lesquels la famille X... exerçait une activité clandestine de réparation de véhicules automobiles dans un hangar fermé attenant à leur maison d’habitation à Pouzioux ; une perquisition y était faite le 17 décembre 1996 au cours de laquelle la présence d’une partie du matériel de l’ancien garage y était constatée, en particulier, outre du petit outillage, un poste à souder semi-automatique, un compresseur, un chalumeau, un chariot à roulette de travail sous les véhicules, ainsi qu’un portique et un palan permettant l’extraction des moteurs de véhicules automobiles ; interrogés sur les mouvements de véhicules automobiles constatés les mois précédents aux alentours de leur domicile et le séjour de certains de ceux-ci dans leur hangar ainsi que sur l’origine de nombreux dépôts sur leurs comptes bancaires, Rodolphe et Sébastien X... reconnaissaient avoir, à l’occasion, effectué certaines réparations sur des véhicules appartenant à des tiers, en dehors de leurs activités professionnelles sur le site de la centrale de Civaux, Sébastien ayant d’autre part revendu des véhicules automobiles qu’il avait achetés puis réparés ; Rodolphe X... considérait qu’il ne s’agissait pas de travail clandestin mais de travail au noir pour des amis ou des collègues de travail, soulignant que lui-même et son frère n’avaient jamais fait de publicité ; précisant qu’ils travaillaient le soir à l’atelier après la débauche, ou pendant le week-end, mais irrégulièrement, et avoir vendu 5 véhicules en 1995 et 2 en 1996, Sébastien X...

reconnaissait avoir exercé une activité clandestine de mécanique ; au-delà de ces déclarations qui, si elles n’ont pas été maintenues depuis, laissent toutefois apparaître un nombre non négligeable d’interventions mécaniques qui ont été effectuées sur des véhicules automobiles tant par Rodolphe que par Sébastien X... au profit de personnes faisant appel à leurs services, il convient de relever que les auditions d’André C..., (Dédé, magasinier à Socométal), Frédéric K..., Albert A..., Didier B... ou Jean-Luc J... ont confirmé ces déclarations sur les réparations que Rodolphe et Sébastien X... ont faites sur leurs véhicules automobiles, à leur demande, ces réparations portant sur l’embrayage d’une CX en novembre 1995 pour 1 000 francs payés en espèces, sur le changement de freins et d’amortisseurs d’une R9, sur le changement d’injecteur et d’une courroie de distribution d’une RI I, sur les soupapes, allumage et culbuteurs d’une R5 ou sur un changement de moteur de R20 ;

nonobstant l’absence de comptabilité ou de fichier clients, 3 autres personnes ont été retrouvées qui ont déclaré avoir eu recours aux services de Rodolphe et Sébastien X... pour des réparations faites sur leur véhicule automobile, Alain H... pour le chromage d’un pare-choc en mai 1995, payé 1 000 francs, pour des réparations portant sur l’embrayage et un cardan de R9 ou Laurent E... pour la réparation d’un véhicule Audi payée par chèque de 3 800 francs le 25 juillet 1996 ; certes, Rodolphe et Sébastien X... n’ont pas eu recours à la publicité pour démarcher une clientèle et les personnes qui ont eu recours à leurs services font partie de leurs relations à des titres divers, notamment de leurs relations de travail ; toutefois, il résulte de ce qui précède que le nombre des réparations faites sur des véhicules automobiles appartenant à des tiers, à la demande de ceux-ci, par Rodolphe et Sébastien X..., pendant la période visée à la prévention a été important et dépasse par le nombre des opérations faites et le nombre des personnes qui en ont profité, une simple entraide, dont les contours seraient de plus à définir ; par leur nombre, ces opérations qui nécessitent de surcroît des qualités et connaissances techniques particulières, s’inscrivent en réalité dans le cadre d’une véritable activité professionnelle de réparation automobile ; s’y ajoute une activité de vente de véhicules automobiles par Sébastien X..., après remise en état par ses soins de véhicules achetés, ainsi la vente d’un véhicule Visa le 14 janvier 1995 par Jean-Claude D..., celle d’un véhicule Fiat Tempra payé 44 000 francs par chèque le 14 mars 1995 par Philippe G..., celle d’un véhicule Golf en décembre 1995 payé 39 000 francs par Xavier F..., celle d’un véhicule Fiat Uno pour 26 000 francs payés en espèces le 16 février 1996 par Bruno I..., celle d’un véhicule 309 payé 12 000 francs en espèces début 1996 par M. Y... ou celle d’un véhicule Fiat payé 40 000 francs en avril 1996 par Sébastien Z... ; le nombre des véhicules achetés, remis en état et revendus sur cette période exclut qu’il s’agisse de véhicules achetés pour ses seuls besoins personnels par Sébastien X... ;

par leur nombre, ces ventes s’inscrivent en réalité dans la cadre d’une véritable activité professionnelle ; ni Rodolphe, ni Sébastien X... n’avait requis leur immatriculation ou leur inscription au répertoire des métiers ou au registre du commerce pour une activité de mécanique automobile ou de vente de véhicules ; il résulte, d’autre part, des dispositions de l’article L. 234-11 du Code du travail que les activités mentionnées à l’article L. 324-10 sont présumées, sauf preuve contraire, accomplies à titre lucratif lorsque elles sont effectuées avec un matériel ou un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel ou lorsque la facturation est absente ; il résulte de ce qui précède que les diverses réparations de véhicules automobiles ont été faites par Rodolphe et Sébastien X... à l’aide du matériel professionnel de garagiste retrouvé dans le hangar qui leur servait d’atelier, provenant du garage de leur père ; s’y ajoute qu’aucune de ces réparations n’a fait l’objet de facture ; alors que nombre de clients ont fait état du paiement d’une somme d’argent en rétribution des réparations faites, ou d’une rétribution en nature par d’autres services rendus (ainsi M. A...), Rodolphe et Sébastien X... n’apportent pas la preuve contraire du caractère non lucratif des prestations qu’ils ont fournies ; il résulte, dès lors, de ces éléments que le délit reproché à chacun d’entre eux est constitué pour la période visée à la prévention et ils en seront déclarés coupables, le jugement entrepris étant réformé en toutes ses dispositions en ce qui les concerne (...)” ;

1 )”alors qu’en jugeant que le délit d’exercice d’un travail dissimulé par dissimulation d’activité était constitué, sans caractériser l’intention des demandeurs de se livrer clandestinement à des activités de réparation ou de vente de véhicules automobiles, en se soustrayant sciemment à une obligation de déclaration, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

2 )”alors que, par ailleurs, en jugeant que les demandeurs exerçaient une activité “professionnelle”, de par son “importance, sans en apprécier ni la durée, ni la fréquence, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

3 )”alors qu’en énonçant que “nombre de clients ont fait état du paiement d’une somme d’argent en rétribution des réparations faites, ou d’une rétribution en nature par d’autres services”, sans préciser le montant ou la nature de ces “rétributions”, la cour d’appel n’a pas suffisamment caractérisé le caractère lucratif des activités reprochées, et a privé sa décision de base légale au regard des articles visés au moyen ;

4 )”alors que, au reste, en énonçant que “Rodolphe et Sébastien X... n’apportent pas la preuve contraire du caractère non lucratif des prestations qu’ils ont fournies”, sans examiner les éléments de preuve apportés par les demandeurs à cet égard, la cour d’appel a privé sa décision de motifs” ;

Attendu qu’en prononçant par les motifs exactement reproduits au moyen, qui établissent la fréquence des travaux de réparation automobile effectués avec un matériel de professionnel, moyennant rétribution, et dont il se déduit que l’activité a été accomplie à but lucratif et professionnel, la cour d’appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit d’exécution d’un travail dissimulé dont elle a déclaré Rodolphe et Sébastien X... coupables ;

D’où il suit que le moyen, qui ne tend qu’à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du second degré, des faits de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Fromont ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Poitiers, chambre correctionnelle du 11 mars 1999