Tenue d’un camping oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 16 février 1999

N° de pourvoi : 97-80817

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à Paris, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

 PLANTUREUX Pierre,

contre l’arrêt de la cour d’appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 1997, qui, pour travail clandestin, l’a condamné à une amende de 100 000 francs et a ordonné la publication de la décision ;

La COUR, en l’audience publique du 5 janvier 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général de Z... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, 1134 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre C... coupable du délit de travail clandestin pour avoir exploité clandestinement le camping “La Berrichonne” ;

”aux motifs que Pierre C... avait diffusé une publicité très importante, qu’il faisait assurer l’entretien par du personnel, des locaux communs, sanitaires, douches, bac à linge et bac à vaisselle ; qu’il était organisé une vente de petite épicerie, de melons, de tartes et une prestation de service de baby-sitting était proposée ; que les services de police évaluaient à à peu près 442 les contrats de locations passés depuis 1990. Ils partaient d’une moyenne de 2 000 francs par contrat, soit un chiffre d’affaires de près de 900 000 francs ; que, sur la période retenue à la prévention, il n’était fait aucune déclaration à la mairie, au registre du commerce, à l’Urssaf. Les documents versés par Pierre C..., pour étayer sa défense, font état soit de la période antérieure à 1990, soit de la période postérieure à juillet 1995 ; qu’en outre, il était diffusé des documents invitant les vacanciers à régler en liquide. Des chèques étaient encaissés sur le compte de son amie, Mme X... ;

”alors que la période de la prévention visait les périodes estivales des années 1992 à 1995 ; que, dans ses conclusions d’appel, Pierre C... avait soutenu que l’élément intentionnel du délit n’était pas caractérisé, dès lors qu’il avait procédé au paiement des redevances de camping (pièces A14 à A17) ; que ces pièces rapportaient effectivement la preuve du paiement de ladite redevance pour les années 1992, 1993, 1994 et 1995 ; que, dès lors, la Cour, en retenant que les pièces versées aux débats pour étayer sa défense font état soit de la période antérieure à 1990, soit de la période postérieure à 1995, la Cour a dénaturé les pièces de la procédure et n’a pas légalement justifié son arrêt” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Pierre C... est poursuivi pour avoir, de septembre 1992 à juillet 1995, exercé à but lucratif une activité de prestation de services ou accompli des actes de commerce, en exploitant un terrain de camping non homologué, sans avoir requis son immatriculation au registre du commerce, ou sans avoir procédé aux déclarations exigées par les organismes de prestation sociale et par l’Administration fiscale, délit prévu par l’article L. 324-10, 1 ou 2 , du Code du travail ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ce chef de la prévention, la cour d’appel, après avoir relevé qu’il a diffusé de la publicité en vue de la recherche de la clientèle et a loué à titre onéreux, neuf caravanes installées sur un de ses terrains équipé de sanitaires et locaux communs, retient qu’il a ainsi exercé une activité commerciale sans avoir requis son inscription au registre du commerce ;

Attendu qu’en l’état de ces seules constatations et énonciations, qui caractérisent le délit prévu par l’article L. 324-10, 1 , du Code du travail, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre C... coupable de travail clandestin pour avoir employé quatre salariés non déclarés ;

”aux motifs que quatre personnes ont été entendues ;

que M. A... a fait l’aménagement de nouveaux bungalows ; que Mme D..., M. B... et Mme Y... ont fait l’entretien des locaux et l’accueil des vacanciers. Ils ont déclaré agir selon les instructions de Pierre C... ; que ces quatre personnes ont saisi le conseil de prud’hommes de Saintes qui, par jugements du 15 décembre 1994, devenus définitifs, a consacré leur qualité de salariés ; que les explications de Pierre C..., qui soutient qu’il n’avait agi que pour rendre service à des personnes en difficultés, ne sont guère convaincantes. En effet, le caractère permanent et soutenu de l’activité de ces quatre personnes au service du camping “La Berrichonne” caractérise bien la relation de subordination permettant de retenir l’existence d’un contrat de travail et dépasse largement le cadre des échanges amicaux ; qu’enfin, le caractère définitif des décisions du conseil des prud’hommes de Saintes s’impose, le prévenu n’ayant pas jugé utile d’exercer des voies de recours ;

”alors, d’une part, que la décision du juge prud’homal statuant sur la rupture du contrat de travail ne constitue, même devenue définitive, qu’un élément de discussion qui ne lie pas le juge répressif ; qu’en conséquence, la Cour qui s’est estimée liée par les décisions devenues définitives du conseil de prud’hommes de Saintes, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

”alors, d’autre part, que la Cour ne pouvait entrer en voie de condamnation du chef de travail clandestin sans s’expliquer davantage sur le lien de subordination autrement qu’en relevant le caractère permanent et soutenu de l’activité des personnes prétendument salariées ; que, dès lors, la Cour a violé les textes visés au moyen” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Pierre C... est également poursuivi pour avoir, entre le mois de septembre 1992 et le mois de septembre 1993, employé quatre salariés sans avoir effectué au moins deux des formalités prévues aux articles L. 143-3, L. 143-5 et L. 620-3 du Code du travail, délit prévu par l’article L. 324-10, 3 dudit Code ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ce chef de prévention, les juges du second degré prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, d’où il résulte l’existence d’un lien de subordination juridique caractérisant le contrat de travail, la cour d’appel a, par des motifs exempts d’insuffisance, justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Poitiers chambre correctionnelle , du 16 janvier 1997

Titrages et résumés : (sur le premier moyen) TRAVAIL - Travail clandestin - Activités professionnelles visées par l’article L324-10 du code du travail - Eléments constitutifs - Elément intentionnel.

Textes appliqués :
• Code du travail L324-10, 1°