Fausse prestation de services internationale - faux détachement
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 18 octobre 2016
N° de pourvoi : 15-85946
ECLI:FR:CCASS:2016:CR04319
Non publié au bulletin
Cassation
M. Guérin (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
– M. Didier X...,
– La société X... palettes recyclage,
contre l’arrêt de la cour d’appel d’ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 2015, qui, pour prêt illicite de main-d’oeuvre, travail dissimulé, emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail et aide au séjour irrégulier d’un étranger, a condamné le premier à six mois d’emprisonnement avec sursis et 7 000 euros d’amende, la seconde à 35 000 euros d’amende ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 6 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAGAUCHE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société X... Palettes Recyclage et M. Didier X..., son président-directeur général, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, des chefs susvisés, pour avoir eu recours, au sein de plusieurs établissements de l’entreprise, à un apport illicite de main-d’oeuvre par le biais d’un prétendu contrat de sous-traitance passé avec une société de droit italien, laquelle mettait à leur disposition, notamment, un salarié de nationalité roumaine se trouvant alors en situation irrégulière sur le territoire français ; que les juges du premier degré les ont renvoyés des fins de la poursuite ; que le ministère public a relevé appel de la décision ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-2, 121-3 et 121-7 du code pénal, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8221-1 à L. 8221-5 et L. 8224-1 à L. 8224-4 du code du travail et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Didier X... et la société X... palettes recyclages coupables de prêt de main-d’oeuvre illicite et de travail dissimulé, et a condamné M. X... à six mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 000 euros et la société X... palettes recyclage à une amende de 35 000 euros ;
” aux motifs que :
I-le prêt illicite de main d’oeuvre : l’article L. 8241-1 du code du travail, L. 125-3 jusqu’au 1er mai 2008, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits reprochés, prohibe toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre en dehors des cas qui sont limitativement prévus ; qu’il appartient aux juges du fond, saisis de poursuites exercées contre un employeur sur le fondement de ce texte, de rechercher, par l’analyse des éléments de la cause, la véritable nature de la convention conclue entre le dit employeur et l’entreprise qui a mis la main-d’oeuvre à sa disposition ; que les prévenus allèguent la réalité du contrat d’entreprise, dit aussi de sous-traitance, conclu avec la société Intermapi ; que le contrat d’entreprise ou de sous-traitance est une convention par laquelle un employeur offre à son cocontractant un travail ou un service réalisé par son propre personnel qui reste placé sous sa direction et sous sa responsabilité et qui a pour objet l’exécution d’une tâche objective, définie avec précision, habituellement rémunérée de façon forfaitaire ; qu’en l’espèce, il résulte des procès-verbaux régulièrement établis que le contrat d’entreprise dont il a été fait usage sur les sites de Domaris Geneston, Ormes et Chevilly-Larue de la société X... palettes recyclage dissimule, sous couvert d’une prétendue sous-traitance, une opération de prêt exclusif de main d’oeuvre à but lucratif en violation des dispositions du code du travail ; que la tâche du personnel mis à la disposition de X... palettes recyclage par Intermapi n’est pas définie avec précision ; que si le contrat d’entreprise souscrit et définit les tâches à accomplir comme le contrôle, le tri, l’entretien simple et les réparations, de, palettes, il s’avère dans les faits que ces tâches n’ont pas été exécutées sur l’ensemble des sites, le personnel mis à la disposition de X... palettes recyclage par Intermapi ayant ainsi été cantonné sur les sites de :- Domarin, principalement à la réparation des palettes, accessoirement au tri et encore plus accessoirement à la peinture,- Genteston, Ormes et Chevilly-Larue, à la seule réparation des palettes ; que M. X... a d’ailleurs reconnu cette inadéquation du contrat usité, le qualifiant lui-même de contrat “ bateau “ ; que le personnel mis à la disposition de X... palettes recyclage par Intermapi est placé sous la direction et la responsabilité de X... palettes recyclage ; que sur l’ensemble des sites, les directives concernant le travail, à accomplir chaque jour sont données par l’un des personnels d’encadrement de X... palettes recyclage, lui-même tenant en général ses ordres du responsable du site, le nombre de palettes qui seront à réparer étant préparé d’un jour sur l’autre, une cadence de sortie étant attendue avec ajustement si nécessaire suivant le travail quotidien effectué, la qualité du travail fournie étant également contrôlée, le travail devant être refait immédiatement s’il ne correspond pas à celle attendue ; que la présence dans le personnel envoyé par Intermapi d’un éventuel “ chef d’équipe “, ainsi à Domarin, ne vient pas contredire cet état de fait, son véritable rôle étant d’être le locuteur intermédiaire entre X... palettes recyclage et ses collègues d’Intermapi du fait du barrage linguistique, le personnel employé, des bengalais pour la plupart ou des roumains, ne parlant dans leur quasi-totalité que leur langue maternelle ; que le personnel mis à la disposition de X... palettes recyclage par Intermapi exerce dans les mêmes locaux que les salariés de X... palettes recyclage, avec les moyens fournis par X... palettes recyclage et aux mêmes horaires ; que le personnel envoyé par Intermapi est ainsi employé :- à Domarin, dans l’atelier où travaillaient auparavant les salariés de X... palettes recyclage ou les salariés mis à la disposition de X... palettes recyclage dans le cadre d’un intérim,- à Geneston, dans l’atelier, où des postes lui avaient été réservés,- à Ormes, dans l’atelier,- à Chevilly-Larue, dans l’atelier, où il côtoie les salariés de X... palettes recyclage ; que quand bien même, le personnel envoyé par Intermapi viendrait avec ses scies et ses lames, ce qui n’est pas non plus certain au vu des multiples divergences de déclarations sur ce point, cela reste du petit outillage, le gros outillage, de type tables de réparation et cloueurs, déjà dans l’entreprise puisque celle-ci se livre à la même activité, étant le matériel de X... palettes recyclage ; que les équipements de sécurité équipant le personnel envoyé par Intermapi sont fournis indifféremment par Intermapi et par X... palettes recyclage ; que les matériaux bois et clous, utilisés par le personnel envoyé par Intermapi sont ceux commandés pour les besoins de X... palettes recyclage, qui les refacture à Intermapi, alors que, suivant le contrat, ils sont inclus dans le prix de la prestation réparation de palettes ; que les travaux effectués par le personnel mis à la disposition de X... palettes recyclage par Intermapi sont dépourvus de toute spécificité et technicité particulières ; que les travaux de tri et de réparation de palettes entrent dans le cadre ordinaire de l’activité de X... palettes recyclage et sont exercés par ses salariés à l’identique du personnel mis à sa disposition par Intermapi ; que si c’est un travail dont les conditions d’exercice sont physiquement difficiles, il n’impose à la base aucune qualification spéciale, ne nécessitant qu’une formation pratique élémentaire ; que si “ la production de palettes en bois “ fait partie de l’objet social d’Intermapi, elle n’a pour autant aucune structure à partir de laquelle elle exerce cette activité, en termes de locaux, de matériel et de personnel attitré, que ce soit en Italie ou ailleurs ; qu’elle n’a d’ailleurs fourni aucun contrat de travail des personnels employés, justifiant qu’elle les a embauchés en cette qualité pour une durée indéterminée ;
que sur les dix personnels qui ont pu être entendus, mis à la disposition de X... palettes recyclage, quatre seulement ont une expérience antérieure dans la réparation de palettes, de six mois, de deux mois, non précisée et de deux mois et demi, qui n’est récente, comme remontant à quatre ou à cinq mois auparavant, pour deux d’entre eux, sans qu’on puisse la dater pour le troisième et à quatre ans auparavant pour le dernier ; que sur ces dix personnels, ne ressortent aucun critère de recrutement, ni même de procédure d’embauche identifiable ; qu’il est même clair pour deux d’entre eux que ce ne sont pas de quelconques compétences, mais simplement l’opportunité de la recherche d’emploi et le bouche à oreille qui ont conduit à leur embauche ; que le turnover abondamment pratiqué sur les sites est totalement contradictoire avec l’allégation de l’exigence d’un niveau technique particulier ; qu’ainsi à Domarin, ce sont vingt-six personnes, aussi bien bengalais que roumains, qui se sont succédé du 4 mars 2008 au 20 octobre 2008, la plupart de ceux entendus ignorant d’ailleurs combien de temps ils resteront en place, et à Chevilly-Larue, ce sont treize personnes qui se sont succédé du 1er septembre 2008 au 22 octobre 2008 ; que M. X... a d’ailleurs concédé que X... palettes recyclage s’était rapidement aperçu que le personnel mis à disposition par Intermapi n’était pas toujours qualifié ; que la tâche du personnel mis à la disposition de X... palettes recyclage par Intermapi n’est pas rémunérée de façon forfaitaire ; que la rémunération était subordonnée, non à l’exécution d’une tâche déterminée à l’avance ayant donné lieu à une évaluation et forfaitaire, mais à un contrôle de la quantité de, travail effectuée par le personnel mis à la disposition de X... palettes recyclage par Intermapi, à la tâche donc et en considération de l’activité déployée par chaque personnel employé ; que l’opération revêt un but lucratif pour X... palettes recyclage ; que X... palettes recyclage obtient d’Intermapi, pour occuper des postes qui conditionnent la bonne marche de son entreprise, du personnel moins onéreux que s’il fallait qu’elle en supporte le coût direct, en termes de salaire et de charges sociales, augmenté en cas de passage par du personnel intérimaire, dont elle fait par conséquent l’économie ; qu’en outre, elle diminue encore ses frais en refacturant à Intermapi les matériaux censés pourtant être inclus dans le prix de la prestation ; que l’élément matériel est, dès lors, constitué ; que l’élément moral l’est tout autant, dès lors que X... Palettes recyclage, qui avait pour but affiché, par le recours à Intermapi, de faire face à ses difficultés de recrutement qui mettaient en péril ses marchés et donc sa santé financière, a sciemment, par l’absence de toute vérification élémentaire d’aucun de ses représentants de la légalité du “ contrat d’entreprise “ qu’elle mettait en place, éludé les dispositions restrictives du code du travail en matière de travail temporaire ; que M. X... ne peut, pour échapper à ses responsabilités, se prévaloir d’une délégation de pouvoirs au profit de l’un quelconque de ses salariés, alors qu’ayant tous les pouvoirs et les moyens nécessaires en tant que président du conseil d’administration et directeur général, il a participé de façon déterminante à cette opération de prêt illicite de main-d’oeuvre, qui n’aurait pas existé sur les sites considérés sans son consentement préalable ; que dans ces conditions, l’infraction étant constituée en tous ses éléments, il convient, infirmant le jugement déféré, de déclarer M. X... et la société X... palettes recyclage, pour cette dernière en application de l’article 121-2 du code pénal, l’infraction ayant été commise pour son compte par son représentant, coupables des faits qui leur sont reprochés, soit de prêt illicite de main-d’oeuvre commis à Ormes, Geneston, Domarin, et non Bourgoin-Jallieu, et Chevilly-Larue, entre le 3 mars 2008 et le 23 octobre 2008, en l’espèce en ayant eu recours à un apport de main-d’oeuvre dans le cadre d’une fausse sous-traitance par le biais d’un “ contrat d’entreprise “ avec la société Intermapi, notamment en les personnes de MM. Eugène Z..., Mandor Y..., Adrian A..., Azharul YY..., Daniel B..., Dorin C..., Vasile D..., Costica E..., Mohamed F..., Valentin G..., Ciprian H..., Flavius I..., Gabriel J..., Ion I..., Cosmin L..., Ion M..., Marin N..., DD..., EE..., Jalal O...MD, Alamgler P..., Hussein Q..., Ibrahim R..., Rahman S..., Nannu T..., Ripon U..., Mohamed V..., Mamun W... ; qu’il n’y a pas lieu de relaxer à la suite de l’erreur de la citation ayant mentionné Bourgoin-Jallieu au lieu de Domarin, alors qu’était visé plus généralement le territoire national, que les faits commis sur Domarin sont dans le débat depuis l’origine, aucune méprise des prévenus n’étant possible en ce que les faits ont été commis sur Domarin, où ils ont été constatés par la brigade de gendarmerie de Bourgoin-Jallieu ; que les termes de la citation délivrée à M. X... du chef de prêt illicite de main-d’oeuvre, en ce qu’ils spécifient le lieu des faits, Domarin, la période globale au cours de laquelle ces faits ont été commis allant du 3 mars 2008 au 23 octobre 2008 et en ce que l’énumération du personnel employé n’est pas limitative du fait de l’emploi de l’adverbe notamment, incluent nécessairement les faits de prêt illicite de maind’oeuvre commis en ce lieu, sur cette période et pour l’ensemble des personnes concernées par ce prêt ; que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a relaxé M. Philippe XX...des faits qui lui sont reprochés ;
II-les infractions en relation avec M. Gheorge ZZ... : il résulte des procès-verbaux régulièrement établis que M. ZZ..., de nationalité roumaine, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 16 septembre 2008, a travaillé à la réparation de palettes dans l’établissement d’Ormes de la société X... palettes recyclage, à tout le moins du 29 septembre 2008 au 22 octobre 2008, a été employé sous couvert de la seule copie de sa pièce d’identité, le contrat par lequel il a été mis à disposition de X... palettes recyclage par la société Intermapi étant un contrat de sous-traitance fictif, couvrant un prêt de main d’oeuvre illicite ; que conformément à l’article L. 8251-1 du code du travail, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, l’employeur, qui sous le couvert d’un contrat de sous-traitance fictif constituant en réalité un prêt illicite de main-d’oeuvre, engage un salarié par personne interposée, est tenu de s’informer de la nationalité de celui-ci et de vérifier, le cas échéant, s’il est muni d’un titre l’autorisant à travailler en France ; que l’inexécution de ces obligations caractérise l’élément intentionnel de l’infraction aux dispositions dudit article ; que de même, l’entreprise qui emploie un ouvrier étranger en situation irrégulière, lié en apparence à une entreprise sous-traitante dont le rôle se borne à la fourniture illicite de main-d’oeuvre étrangère, ce qui est clairement établi d’Intermapi, quand bien même elle n’est pas poursuivie, se rend coupable, par aide indirecte, du délit prévu par l’article L. 622-1 du code des étrangers ; que encore, en omettant en connaissance de cause de procéder aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale en vertu des dispositions législatives ou réglementaires, l’employeur se rend coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié des articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du Code du travail, dans leur version en vigueur à l’époque des faits ; que M. Didier AA...ne peut, pour échapper à ses responsabilités, se prévaloir d’une délégation de pouvoirs au profit de l’un quelconque de ses salariés, alors qu’ayant tous les pouvoirs les moyens nécessaires en tant que président du conseil d’administration et directeur général, il a participé de façon déterminante à une opération de prêt illicite de main-d’oeuvre, qui n’aurait pas existé sur le site considéré sans son consentement préalable, opération qui a été le prélude aux infractions par ailleurs constatées ; que dans ces conditions, les infractions étant constituées en tous leurs éléments, sauf à préciser que la période des faits incriminés s’étend du 29 septembre 2008 au 22 octobre 2008, il convient, infirmant le jugement déféré, de déclarer M. X... et la société X... palettes recyclage, pour cette dernière en application de l’article 121-2 du code pénal, les infractions ayant été commises pour son compte par son représentant, coupables des faits qui leur sont reprochés ; que sur la peine, le casier judiciaire de M. X... porte mention d’une condamnation pour laquelle il a été réhabilité de droit ; que le casier judiciaire de la société X... palettes recyclage porte mention d’une condamnation prononcée le 23 janvier 2012, donc postérieurement aux faits de la cause, par le tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu, décision contradictoire, à 30 000 euros d’amende, intégralement payée le 2 mai 2012, pour blessures involontaires par personne morale suivies d’une incapacité de plus de trois mois dans le cadre du travail, faits commis le 20 juin 2007 ; que l’importance et la gravité des faits commis, principalement par leur atteinte au marché du travail et à la loyauté qui doit présider aux relations en la matière, tant vis-à-vis de l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise, et ce durant quasiment huit mois, n’ayant pris fin qu’en raison de l’enquête menée, imposent une réponse ferme ; qu’il convient de condamner, M. X..., à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 7 000 euros d’amende, la société X... palettes recyclage, conformément à l’article 131-38 du code pénal, à la peine de 35 000 euros d’amende ;
” 1°) alors que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise, qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction, peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires ; qu’en cas de prêt de main-d’oeuvre illicite, la seule connaissance de l’opération de sous-traitance ne suffit pas à caractériser la participation personnelle du délégant à l’infraction dès lors que ce contrat a été négocié, signé et exécuté par le délégataire, dans le cadre des pouvoirs qui lui ont été conférés et qu’il n’est caractérisé aucun acte de participation personnelle du délégant ; qu’au cas présent, M. X... justifiait avoir, pour chacun des établissements concerné par la prévention, donné des délégations de pouvoir à des personnes pourvues de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires afin « assurer la gestion et la bonne marche des agences […] en veillant à ce que soit assurés […] le respect de la législation du travail » ; qu’il résultait également des pièces de la procédure que la société Intermapi avait été introduite par M. BB..., directeur régional bénéficiant d’une délégation de pouvoir, qui connaissait son président M. CC...depuis 2003, que c’est M. XX...qui avait signé le contrat de sous-traitance liant la société X... Palettes à la société Intermapi, que c’est encore M. XX...qui était le seul interlocuteur de M. CC...et qui s’occupait du suivi de l’exécution du contrat de sous-traitance au sein des différents établissements et vérifiait notamment l’existence d’autorisation de détachement délivrée à la société Intermapi ; qu’en considérant néanmoins que M. X... aurait participé de façon déterminante à l’opération de prêt illicite de main-d’oeuvre, sans mieux s’expliquer sur ces éléments et sans caractériser aucun acte de participation personnelle de la part de M. X... quant aux conditions de négociation, de conclusion et d’exécution du contrat de sous-traitance et quant à la détermination des conditions d’activité des salariés de la société Intermapi au sein des différents établissements de l’entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
” 2°) alors que M. X... faisait valoir que c’était M. XX...qui avait négocié et signé le contrat du 3 mars 2008 avec la société Intermapi ; qu’en se bornant à relever que le contrat aurait été conclu entre la société X... palettes recyclage « représentée par M. X... » et la société Intermapi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, l’identité de la personne signataire du contrat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision “ ;
Attendu que, pour écarter l’argumentation par laquelle M. X... invoquait la délégation de ses pouvoirs en matière de recrutement et de respect de la réglementation du travail, à deux responsables de secteur, l’arrêt retient qu’en sa qualité de président du conseil d’administration et directeur général de la société X... Palettes Recyclage, il a participé de façon déterminante à l’opération de prêt illicite de main-d’oeuvre litigieuse, qui n’aurait pas existé sans son consentement préalable ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, exemptes d’insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions déposées devant elles, la cour d’appel a caractérisé la participation personnelle du prévenu à l’infraction poursuivie ;
D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, de la portée de la délégation de pouvoirs invoquée par l’intéressé, doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 21 et 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’acte d’adhésion de la Roumanie et de le Bulgarie à l’Union européenne du 25 avril 2005, 20 du Protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, du paragraphe 5 du chapitre « libre circulation des personnes », de l’annexe VII du Traité relatif à l’adhésion de la Roumanie, de l’article 20 du Protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, de la notification de la décision des autorités françaises de prolonger, jusqu’en décembre 2013, l’application de leurs mesures nationales pour l’accès au marché du travail des ressortissants roumains et bulgares des articles 121-2 du code pénal, L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail L. 622-1, L. 622-2 et L. 622-3 code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... et la société X... palettes recyclages coupables des faits d’emploi d’une personne étrangère en situation irrégulière et d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France et a condamné M. X... à six mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 000 euros et la société X... palettes recyclage à une amende de 35 000 euros ;
” aux motifs que les infractions en relation avec M. ZZ... : il résulte des procès-verbaux régulièrement établis que M. ZZ..., de nationalité roumaine, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 16 septembre 2008, a travaillé à la réparation de palettes dans l’établissement d’Ormes de la société X... palettes recyclage, à tout le moins du 29 septembre 2008 au 22 octobre 2008, a été employé sous couvert de la seule copie de sa pièce d’identité, le contrat par lequel il a été mis à disposition de X... paletes recyclage par la société Intermapi étant un contrat de sous-traitance fictif, couvrant un prêt de main d’oeuvre illicite ; que conformément à l’article L. 8251-1 du code du travail, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, l’employeur, qui sous le couvert d’un contrat de sous-traitance fictif constituant en réalité un prêt illicite de maind’oeuvre, engage un salarié par personne interposée, est tenu de s’informer de la nationalité de celui-ci et de vérifier, le cas échéant, s’il est muni d’un titre l’autorisant à travailler en France ; que l’inexécution de ces obligations caractérise l’élément intentionnel de l’infraction aux dispositions dudit article ; que de même, l’entreprise qui emploie un ouvrier étranger en situation irrégulière, lié en apparence à une entreprise sous-traitante dont le rôle se borne à la fourniture illicite de main-d’oeuvre étrangère, ce qui est clairement établi d’Intermapi, quand bien même elle n’est pas poursuivie, se rend coupable, par aide indirecte, du délit prévu par l’article-L. 622-1 du code des étrangers ; que encore, en omettant en connaissance de cause de procéder aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale en vertu des dispositions législatives ou réglementaires, l’employeur se rend coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié des articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail, dans leur version en vigueur à l’époque des faits ; que M. AA...ne peut, pour échapper à ses responsabilités, se prévaloir d’une délégation de pouvoirs au profit de l’un quelconque de ses salariés, alors qu’ayant tous les pouvoirs les moyens nécessaires en tant que président du conseil d’administration et directeur général, il a participé de façon déterminante à une opération de prêt illicite de main-d’oeuvre, qui n’aurait pas existé sur le site considéré sans son consentement préalable, opération qui a été le prélude aux infractions par ailleurs constatées ; que dans ces conditions, les infractions étant constituées en tous leurs éléments, sauf à préciser que la période des faits incriminés s’étend du 29 septembre 2008 au 22 octobre 2008, il convient, infirmant le jugement déféré, de déclarer M. X... et la société X... palettes recyclage, pour cette dernière en application de l’article 121-2 du code pénal, les infractions ayant été commises pour son compte par son représentant, coupables des faits qui leur sont reprochés ; que sur la peine, le casier judiciaire de M. X... porte mention d’une condamnation pour laquelle il a été réhabilité de droit ; que le casier judiciaire de la société X... palettes recyclage porte mention d’une condamnation prononcée le 23 janvier 2012, donc postérieurement aux faits de la cause, par le tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu, décision contradictoire, à 30 000 euros d’amende, intégralement payée le 2 mai 2012, pour blessures involontaires par personne morale suivies d’une incapacité de plus de 3 mois dans le cadre du travail, faits commis le 20 juin 2007 ; que l’importance et la gravité des faits commis, principalement par leur atteinte au marché du travail et à la loyauté qui doit présider aux relations en la matière, tant vis-à-vis de l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise, et ce durant quasiment huit mois, n’ayant pris fin qu’en raison de l’enquête menée, imposent une réponse ferme ; qu’il convient de condamner, M. X..., à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 7 000 euros d’amende, la société X... palettes recyclage, conformément à l’article 131-38 du code pénal, à la peine de 35 000 euros d’amende ;
” alors que, sauf dispositions contraires, une loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elle est moins sévère que la loi ancienne ; que la Roumanie étant devenue membre de l’Union européenne le 1er janvier 2007, la totalité des restrictions à la liberté de circulation et à l’accès au marché du travail pour les ressortissants de cet Etat ont été levées à compter du 1er janvier 2014 ; qu’il en résulte que depuis cette date, les infractions d’emploi d’une personne étrangère en situation irrégulière et d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France ne sont plus punissables, s’agissant de ressortissants roumains ; qu’en jugeant que les infractions étaient caractérisées s’agissant de M. ZZ..., dont elle relevait qu’il était de nationalité roumaine, la cour d’appel a violé les textes susvisés “ ;
Vu l’article 112-1 du code pénal ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que, sauf dispositions expresses contraires, une loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elle est moins sévère que la loi ancienne ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables d’emploi d’un ressortissant roumain non muni d’une autorisation de travail et aide au séjour irrégulier du même étranger, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que la Roumanie étant devenue membre de l’Union européenne le 1er janvier 2007, la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail a été levée pour les ressortissants de cet Etat à compter du 1er janvier 2014, de sorte que les infractions poursuivies avaient perdu leur caractère punissable, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Orléans, en date du 16 septembre 2015, mais en ses seules dispositions relatives aux délits d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail et aide au séjour irrégulier d’un étranger, ainsi qu’aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Bourges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Décision attaquée : Cour d’appel d’Orléans , du 16 septembre 2015