Recours à des salariés détachés sans titre de travail

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 7 décembre 2010

N° de pourvoi : 10-83142

Non publié au bulletin

Cassation sans renvoi

M. Louvel (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

 La société Comme des garçons,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 30 mars 2010, qui, pour emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail, l’a condamnée à trente-trois amendes de 500 euros ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 8256-2, alinéa 1er, et L. 8256-7 du code du travail, 121-1 et 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Comme des garçons SAS coupable du délit d’emploi irrégulier de salariés étrangers non munis d’autorisation de travail et l’a condamnée à 33 amendes délictuelles de 500 euros ;

”aux motifs qu’aux termes de l’article L. 1262-1 du code du travail, un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ; que le détachement peut être réalisé, soit pour le compte de l’employeur, et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation, soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe ; qu’aux termes de l’article L. 342-2 du code du travail, devenu L. 1261-3, est un salarié détaché, tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national dans les conditions définies aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code ; qu’en vertu de l’article L. 1261-2 du code du travail, les obligations et interdictions qui s’imposent aux entreprises françaises lorsqu’elles font appel à des prestataires de service, notamment celles relatives au travail illégal mentionnées à l’article L. 8211-1, s’appliquent dans les mêmes conditions lorsque les prestations de services sont réalisées par des entreprises établies hors de France détachant du personnel sur le territoire national ; que l’article L. 1262-4 du code du travail précise également que les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national sont soumis aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche établies en France et notamment au regard du travail illégal ; qu’en outre, aux termes de l’article R. 5221-1 à 11 du code du travail, ancien R. 341-3, une demande d’autorisation de travail pour les salariés étrangers, non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne doit être faite par l’employeur ou par une personne habilitée à cet effet ; qu’enfin, en vertu de l’article L. 8251-1 du code du travail, nul ne peut, “directement ou par personne interposée”, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu’il ressort des pièces versées au dossier et des débats, que les salariés concernés étaient effectivement détachés en France par la société japonaise Comme des garçons Ltd, pour 31 d’entre eux ou par sa filiale américaine, pour les deux autres ; qu’il n’est pas contesté qu’ils devaient à ce titre, bénéficier d’une autorisation de travail temporaire ; que cette demande avait d’ailleurs été faite, le 15 septembre 2006, par M. X..., PDG de la SAS Comme des garçons ainsi qu’il ressort de ses déclarations, recueillies le 17 décembre 2007 par les services de police ; qu’étant à l’origine de cette demande, il s’est à ce titre comporté, pour effectuer les démarches visant à obtenir leur autorisation de travail, sinon comme l’employeur, à tout le moins comme ayant reçu mandat de la société mère du groupe auquel la SAS Comme des garçons appartient, étant observé que le personnel dont s’agit, détaché de la société mère de droit japonais ou de la filiale américaine, était pendant sa période de travail en France, rattaché au sein de l’entreprise française du groupe ; qu’il ressort également des explications de M. X... que c’est en connaissance de cause et parce qu’il ne pouvait différer les défilés prévus, qu’il a fait travailler les dits étrangers en son sein, malgré le refus opposé par la DDTEFP d’accorder les autorisations provisoires de travail, lequel lui avait été personnellement adressé par courrier du 28 septembre 2006 ; qu’il s’en déduit qu’il a, en sa qualité de président de la SAS Comme des garçons, par personne interposée et non en tant qu’employeur, employé des étrangers non munis d’une autorisation de travail en France ; que l’infraction d’emploi d’étrangers sans titre de travail étant caractérisée en tous ses éléments, il convient, par confirmation de la décision des premiers juges, de déclarer coupable la SAS Comme des garçons de ce chef, les personnes morales étant, en vertu de l’article responsables pénalement des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

”1/ alors que l’infraction relative à l’emploi d’un travailleur étranger non muni d’une autorisation régulière d’exercer une activité salariée en France suppose que le prévenu puisse être réputé l’employeur dudit travailleur ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que les salariés en cause étaient embauchés par la société japonaise Comme des garçons Ltd, pour 31 d’entre eux ou par sa filiale américaine, pour les deux autres ; qu’en retenant la société Comme des garçons SAS dans les liens de la prévention, sans établir ni la réalité d’un contrat de travail entre la société et les salariés concernés, ni aucun élément permettant d’en retenir l’existence, même par personne interposée, la cour d’appel a violé par fausse application les textes visés au moyen ;

”2/ alors qu’en affirmant que le personnel détaché par les sociétés japonaises ou américaines était, pendant le détachement, rattaché à l’entreprise française, sans expliquer d’où elle déduisait cette affirmation contestée par le prévenu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale” ;

Vu l’article L. 8256-2 du code du travail, ensemble l’article L. 8251-1 du même code ;

Attendu qu’aux termes des textes susvisés du code du travail, nul ne peut directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du procès-verbal de l’inspection du travail, base de la poursuite, que la société de droit français Comme des garçons est poursuivie pour avoir directement ou par personne interposée, engagé, conservé à son service ou employé trente-trois personnes de nationalité japonaise ou de nationalité américaine non munies du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, lesquelles étaient détachées par la société mère ayant son siège au Japon ou par une autre société filiale implantée aux Etats-Unis ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité de la prévenue, l’arrêt et le jugement qu’il confirme prononcent par les motifs partiellement repris au moyen ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte de ses constatations que la société poursuivie n’avait pas la qualité d’employeur des salariés concernés, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 30 mars 2010 ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 30 mars 2010