Obligation vérification nationalité et situation administrative du salarié étranger

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 29 mars 1994

N° de pourvoi : 93-82178

Publié au bulletin

Rejet

Président : M. Le Gunehec, président

Rapporteur : M. Dumont., conseiller apporteur

Avocat général : M. Monestié., avocat général

Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par X... Robert, contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 21 janvier 1993, qui, pour emploi irrégulier d’étrangers en France, l’a condamné à quatre amendes de 5 000 francs.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 460, 512, 513 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble manque de base légale et violation des droits de la défense :

” en ce que les mentions contradictoires de l’arrêt attaqué ne mettent pas la chambre criminelle en mesure de s’assurer que le prévenu et son conseil ont eu la parole en dernier à l’issue des débats ;

” alors que la règle selon laquelle le prévenu ou son conseil doivent, à peine de nullité, avoir toujours la parole en dernier, est essentielle aux droits de la défense, de sorte que l’arrêt qui ne permet pas de s’assurer de l’accomplissement de cette formalité substantielle ne satisfaisait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale “ ;

Attendu qu’il n’existe aucune contradiction dans le fait par les juges d’énoncer les prétentions du prévenu appelant puis celles du ministère public, et de constater que le prévenu a eu la parole le dernier ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 341-6, L. 364-2-1 et L. 364-2-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré X... coupable d’emploi irrégulier de salariés étrangers non munis de titres les autorisant à exercer une activité salariée ;

” alors que le fait d’engager ou de conserver à son service un étranger non muni de titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France est une infraction intentionnelle qui requiert, pour être constituée, la connaissance, par l’employeur, de la qualité d’étranger des personnes concernées et du caractère irrégulier de leur séjour en France ; que X... a toujours fait valoir qu’étant malade, il avait confié à l’un de ses salariés, M. Y..., le soin d’engager quatre salariés à titre temporaire pour procéder à la récolte des salades sur son exploitation, et que ce salarié avait cru devoir engager son propre frère ainsi que trois autres personnes en provenance de Tunisie ; qu’ainsi, l’arrêt attaqué qui ne constate pas que X... aurait été informé par son salarié de la nationalité étrangère des quatre personnes engagées en son absence et qu’il aurait ainsi pu vérifier si elles étaient titulaires des documents nécessaires pour pouvoir travailler sur le territoire français, n’a pas caractérisé l’élément intentionnel des infractions poursuivies et se trouve, de ce fait, privé de toute base légale au regard des textes susvisés “ ;

Attendu que Robert X..., prévenu d’infraction à l’article L. 341-6 du Code du travail pour avoir employé quatre étrangers démunis du titre exigé par ce texte, ayant prétendu qu’il avait confié le soin à un de ses ouvriers de recruter du personnel et que celui-ci ne l’avait pas informé de la nationalité étrangère de ceux qu’il avait embauchés, la juridiction du second degré, pour le déclarer coupable, énonce que les quatre ouvriers contrôlés par l’inspecteur du Travail étaient affectés chacun à une tâche précise et limitée selon une organisation comparable à un travail à la chaîne, que leur présence ne pouvait donc être fortuite et inconnue du prévenu ; qu’elle relève qu’il appartenait à ce dernier, disposant seul des pouvoirs de direction, de contrôle et d’embauche, de vérifier la situation administrative de toute personne travaillant pour lui ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel n’a pas encouru les griefs allégués ;

Qu’en effet les dispositions de l’article L. 341-6 du Code du travail qui interdisent de conserver à son service ou d’employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, impliquent nécessairement que l’employeur s’informe de la nationalité de celui qu’il embauche et vérifie, dans le cas où il s’agit d’un étranger, s’il est titulaire du titre précité ; que commet sciemment l’infraction audit article L. 341-6 celui qui, comme en l’espèce, omet volontairement de remplir ces obligations ;

Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin criminel 1994 N° 121 p. 266

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 21 janvier 1993

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travailleurs étrangers - Emploi d’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France - Eléments constitutifs - Elément intentionnel. Les dispositions de l’article L. 341-6 du Code du travail, qui interdisent à toute personne de conserver à son service ou d’employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, impliquent nécessairement que l’employeur s’informe de la nationalité de celui qu’il embauche et vérifie, dans le cas où il s’agit d’un étranger, s’il est titulaire du titre précité. Commet sciemment l’infraction audit article L. 341-6 celui qui omet volontairement de remplir ces obligations. (1).

ETRANGER - Travail en France - Emploi d’un travailleur non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France - Eléments constitutifs - Elément intentionnel

Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1991-12-03, Bulletin criminel 1991, n° 458 (2), p. 1165 (rejet).

Textes appliqués :
* Code du travail L341-6, L364-2-1, L364-2-2