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Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 09MA01747

Inédit au recueil Lebon

7ème chambre - formation à 3

M. MOUSSARON, président

M. René CHANON, rapporteur

Melle JOSSET, rapporteur public

SELARL CABINET MANCILLA, avocat(s)

lecture du lundi 11 avril 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 19 mai 2009 sous le n° 09MA01797, présentée pour la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS, dont le siège est 2020 route de Saint-Vallier à Saint-Cezaire-sur-Siagne (06530), représentée par son gérant en exercice, par la SELARL Cabinet Mancilla, avocat ;

La SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0702439 du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre le 3 avril 2007, pour un montant de 6 220 euros, par l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) au titre de la contribution spéciale prévue par l’article L. 341-7 du code du travail ;

2°) d’annuler cet état exécutoire ;

....................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 substituant la dénomination Office français de l’immigration et de l’intégration à la dénomination Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ;

Vu l’arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l’article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009, relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 mars 2011 :

 le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

 et les conclusions de Mlle Josset, rapporteur public ;

Considérant que la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS relève appel du jugement du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre le titre exécutoire émis à son encontre le 3 avril 2007, pour un montant de 6 220 euros, par l’ANAEM, aux droits de laquelle vient l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 8253-1 du code du travail, anciennement L. 341-6 : Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ; qu’aux termes de l’article L. 8253-2 du même code, anciennement L. 341-7 : Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l’employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. L’Office français de l’immigration et de l’intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution (...) ;

Considérant que, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité ; qu’il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative ; que, par suite, si, par jugement du 25 mai 2007, le Tribunal correctionnel de Grasse a relaxé la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS des poursuites pénales engagées pour les mêmes faits d’emploi de deux travailleurs en situation irrégulière, après avoir estimé qu’en l’état de la procédure, la preuve du non-respect de la convention de stage, dont étaient bénéficiaires les intéressés, n’était pas rapportée, pas plus que l’intention frauduleuse n’était établie, le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du procès-verbal dressé le 28 juillet 2005 par les services de l’inspection du travail, lequel fait foi jusqu’à preuve du contraire, que deux ressortissants indiens, titulaires de leurs seuls passeports, étaient occupés à diverses tâches en salle et en cuisine dans les locaux de la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS ; que la circonstance qu’ils étaient présents sous couvert de conventions de stage d’une durée de six mois, renouvelables une fois, conclues le 6 mars 2005 avec l’école Jenneys french department et approuvées par la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, ne faisaient pas obstacle au contrôle, et à la requalification éventuelle, de l’activité réellement exercée par les intéressés ; que ceux-ci assuraient les mêmes tâches, selon les mêmes horaires, que les salariés de la société, soit, selon les déclarations du gérant aux contrôleurs du travail, non contredites dans l’instance, neuf heures par jour de 9 heures à 14 heures et de 18 à 22 heures, avec un ou deux jours de repos hebdomadaires, soit de quarante-cinq à cinquante-quatre heures par semaine, alors que l’article 4 de la convention de stage prévoit un volume horaire hebdomadaire de trente-cinq heures ; que si la convention ne prévoit aucune gratification, les deux personnes concernées percevaient une somme mensuelle d’un montant de 300 euros et bénéficiaient de la prise en charge par la société de leurs frais de logement, de nourriture et de blanchissage, sans charges sociales ni remise de bulletin de salaire ; qu’enfin, leur présence dans l’entreprise ne répondait en réalité à aucun objectif de formation ; que, dans ces conditions, les deux ressortissants indiens doivent être regardés comme n’étant pas en situation de stage mais comme étant employés par la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS bien qu’ils aient été dépourvus de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu’ainsi, c’est à bon droit que la contribution spéciale prévue par l’article L. 8253-2 du code du travail a été mise à la charge de la société ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à l’Office français de l’immigration et de l’intégration d’une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS versera à l’Office français de l’immigration et de l’intégration une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE HOSTELLERIE DES CHENES BLANCS et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration.