Dommages et intérêts possibles si employeur entrave régularisation

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 18 juin 2015

N° de pourvoi : 13-28898

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01001

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2012), que M. Souleymane X... a travaillé pour la société Métal couleur systèmes dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée en 2005, puis par un contrat à durée indéterminée en 2006 ; qu’il a été licencié au motif qu’il était en situation irrégulière ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement procède d’une cause réelle et sérieuse et de le débouter en conséquence de l’ensemble de ses demandes afférentes, alors, selon le moyen, qu’est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un travailleur étranger reposant sur l’absence de régularité du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, lorsque l’employeur employait ce travailleur en connaissance de cette irrégularité ; qu’en considérant, pour juger que le fait que le salarié ait été employé sous des numéros de sécurité sociale différents ne pouvait établir la connaissance qu’avait la société de l’irrégularité de son autorisation de travail, que les modifications du numéro de sécurité sociale étaient le fait de notifications de la part des organismes sociaux en fonction des nouveaux éléments qui leur étaient produits, quand le numéro de sécurité sociale est celui de l’inscription au répertoire national des personnes physiques propre à chaque individu établi ne varietur en considération de son sexe et de ses date et lieu de naissance, la cour d’appel a violé l’article L. 341-6-1 du code du travail alors en vigueur, les articles l 161-32 et R. 161-35 du code de la sécurité sociale et le décret n° 82-103 du 22 janvier 1982 relatif au répertoire national d’identification des personnes physiques ;
Mais attendu que sous le couvert d’un grief infondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la cour d’appel, des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a estimé qu’il n’était pas établi que l’employeur avait connaissance du caractère fictif du titre de séjour présenté par le salarié ;
Sur le deuxième moyen ci-après annexé :
Attendu que, sous le couvert de grief infondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond, des éléments de fait et de preuve versés aux débats ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour refus de régularisation administrative, alors, selon le moyen, que s’il est établi que l’irrégularité de l’emploi qui est à l’origine de la rupture incombe à l’employeur, parce qu’il a empêché une régularisation qui était possible, le travailleur étranger peut prétendre au paiement d’une indemnité distincte, réparant la perte de son emploi ; qu’en ne s’expliquant pas sur le moyen des conclusions d’appel du salarié se prévalant de la déclaration du conseiller syndical attestant que l’employeur avait refusé de régulariser sa situation, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d’appel a relevé que l’employeur avait immédiatement remédié par de nouvelles embauches au départ des salariés licenciés et qu’il avait réengagé par la suite 13 des 19 salariés dont la situation administrative avait été régularisée, dans la limite des postes restés disponibles ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Souleymane X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour M. Souleymane X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... procède d’une cause réelle et sérieuse et de l’AVOIR en conséquence débouté de l’ensemble de ses demandes afférentes
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la vérification légale de l’authenticité du titre du séjour a été imposée aux employeurs par la loi du 24 juillet 2006 selon le décret d’application en date du 11 mai 2007 entrés en vigueur postérieurement à l’embauche et au licenciement des salariés ;

La société Métal Couleur Systèmes a été informée de l’irrégularité des titres des autres salariés par un contrôle de l’inspection du travail selon lettre du 22 janvier 2007 à l’égard de 19 salariés, représentant 63 % du personnel étranger ; Il a été demandé des explications à la société mais il n’a pas dressé de procès-verbal ;

Il n’est pas donné les résultats de la poursuite de la société Métal Couleur Systèmes devant le tribunal correctionnel à l’automne 2008 annoncée par le préfet du Val de Marne dans une lettre du 23 juin 2008 à la Cgt, ni le sort des amendes administratives dites appliquées par le Préfet et déniées par l’expert comptable de la société sur les années 2007/ 2008 ;

La condamnation par jugement du 19 décembre 2008 du tribunal correctionnel de Créteil de la société Métal Couleur Systèmes pour travail dissimulé et hébergement dans un local industriel de M. F... sur la période d’octobre 2004 à octobre 2005 est sans rapport avec le présent litige ;

Les attestations très tardives de septembre 2012 des salariés Z... Mahamadou et X... Souleymane, selon lesquelles M. A..., leur responsable avait demandé à M. X... Moussa de rester dormir dans un foyer proche pour éviter les contrôles de police pendant les émeutes de Villiers le Bel ne sont pas probantes comme émanant de parties intéressées au litige ;

MM. B... et E... ont conservé leur n° de sécurité sociale pendant leur emploi ;

La société Applicouleur a été informée en janvier 2007 par la préfecture que les titres de séjours de MM. Z..., C... Abdoulaye et C... Macire étaient faux ;

Les modifications de numéros de sécurité sociale de certains salariés qui sont le fait de notification de la part des organismes sociaux en fonction de nouveaux éléments qui leur sont produits, ne sont pas de nature à établir la connaissance de l’entreprise d’une fraude commise par le salarié ;

Il n’est pas établi dans ces conditions que les sociétés connaissaient le caractère falsifié des titres de séjour présentés par les salariés lors de leur embauche et les procédures de licenciement ont été diligentées dans le délai de 2 mois de la révélation des faits et constituent des licenciements fondés sur une cause réelle et sérieuse ; » (cf. arrêt attaqué p. 5)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « les licenciements litigieux, du fait de la situation irrégulière des demandeurs au regard de la législation sur le séjour des étrangers procèdent nécessairement d’une cause réelle et sérieuse.

 malgré ce que prétendent ces derniers, rien ne permet concrètement en l’occurrence de déduire que leurs employeurs avaient connaissance, tant lors de leurs embauches que pendant l’exécution de leurs contrats de travail, de la fausseté des documents sous le couvert desquels ils avaient été recrutés, étant par ailleurs observé qu’il n’apparaît pas que les défenderesses auraient fait l’objet ultérieurement de sanctions administratives ou pénales pour avoir employé les demandeurs. » (cf. jugement p. 4)
ALORS QU’est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un travailleur étranger reposant sur l’absence de régularité du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, lorsque l’employeur employait ce travailleur en connaissance de cette irrégularité ; qu’en considérant, pour juger que le fait que Monsieur X... ait été employé sous des numéros de sécurité sociale différents ne pouvait établir la connaissance qu’avait la société METAL COULEUR SYSTEMES de l’irrégularité de son autorisation de travail, que les modifications du numéro de sécurité sociale étaient le fait de notifications de la part des organismes sociaux en fonction des nouveaux éléments qui leur étaient produits, quand le numéro de sécurité sociale est celui de l’inscription au répertoire national des personnes physiques propre à chaque individu établi ne varietur en considération de son sexe et de ses date et lieu de naissance, la cour d’appel a violé l’article L 341-6-1 du code du travail alors en vigueur, les articles l 161-32 et R 161-35 du code de la sécurité sociale et le décret n° 82-103 du 22 janvier 1982 relatif au répertoire national d’identification des personnes physiques.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires et d’AVOIR rejeté sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « La société Métal Couleur Systèmes était équipée d’un appareil de pointage ;

L’écrêtage des horaires pointés constatés dans le procès-verbal de l’inspection du travail s’explique par l’afflux des salariés devant la machine selon l’attestation de M. D..., délégué syndical Cftc, qui déclare que les heures supplémentaires sont payées et régularisées au cas d’erreur signalées ;

Les salariés de cette société qui ont été rémunérés très régulièrement des heures supplémentaires variant de mois en mois au tarif de 125 % et 150 % au-delà de la 43ème heure selon l’article 16 de la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne dans la société Métal Couleurs Systèmes, n’établissent pas leur revendication en heures supplémentaires selon des relevés renseignés par eux et alors que les attestations des salariés faites entre eux sont générales et lapidaires sans détailler les circonstances des heures revendiquées et sont contredites par une attestation contraire ; » (cf. arrêt attaqué p. 7)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Il doit être relevé que les demandes formulées de ce chef ne sont étayées par aucun décompte, et que les salariés réclament tous le même montant à titre de dommages et intérêts forfaitaires. Au surplus, les attestations dont ils se prévalent (et qui émanent toutes des salariés qui sont parties au présent litige) sont vagues et imprécises.

Dans ces conditions, il n’existe aucune raison sérieuse d’estimer que les demandeurs, qui ne se sont pas acquittés de la charge probatoire préalable qui leur incombait, auraient pu accomplir des volumes d’heures supplémentaires supérieurs à ceux mentionnés sur leurs bulletins de paie » (cf. jugement p. 4).
ALORS QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre des heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’en énonçant, pour débouter Monsieur X... de ses demandes à ce titre, que les salariés n’établissaient pas leurs revendications d’heures supplémentaires selon des relevés renseignés par eux et alors que les attestations faites entre eux étaient générales et lapidaires et étaient contredites par une autre attestation, quand Monsieur X... avait versé aux débats un relevé hebdomadaire des heures supplémentaires qu’il avait effectuées ainsi qu’un tableau récapitulatif auquel l’employeur pouvait répondre, la cour d’appel qui a fait peser la charge de la preuve sur Monsieur X... a violé l’article L 3171-4 du code du travail et l’article 1315 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en dommages et intérêts pour refus de régularisation administrative ;
AUX MOTIFS QUE « La société Métal Couleur Systèmes, après le licenciement collectif des 19 salariés en situation irrégulière, a embauché immédiatement 7 nouveaux salariés sur la période de janvier au 19 mars 2007 et après délivrance d’autorisation provisoire de travail à certains salariés licenciés, a réengagé dans la première quinzaine de mai 2007 et ensuite 13 des 19 salariés précédemment licenciés ; (...)

Les deux sociétés justifient ainsi qu’elles ont dû remédier immédiatement par de nouvelles embauches au départ des salariés licenciés et ont réengagé postérieurement des salariés dont la situation administrative avait été régularisée dans la limite des postes restés disponibles de telle sorte qu’il n’est pas établi de discrimination au sens de l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme à l’égard des appelants ; » (cf. arrêt attaqué p. 8)
ALORS QUE s’il est établi que l’irrégularité de l’emploi qui est à l’origine de la rupture incombe à l’employeur, parce qu’il a empêché une régularisation qui était possible, le travailleur étranger peut prétendre au paiement d’une indemnité distincte, réparant la perte de son emploi ; qu’en ne s’expliquant pas sur le moyen des conclusions d’appel de l’exposant se prévalant de la déclaration du conseiller syndical attestant que l’employeur avait refusé de régulariser sa situation, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 23 octobre 2012