Pas de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 29 janvier 2008

N° de pourvoi : 06-44983

Publié au bulletin

Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Mme Grivel, conseiller apporteur

M. Mathon, avocat général

Me Foussard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 11 mai 2006), que M. X..., de nationalité macédonienne, qui avait été engagé en qualité de chauffeur routier, le 8 avril 1998, par la société TBH Logistique, aux droits de laquelle se trouve la société TBH, s’est vu notifier le 2 juillet 1998 par l’employeur la rupture de son contrat de travail, n’ayant pas la possibilité d’exercer une activité salariée en France ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de diverses sommes au titre tant de l’exécution que de la rupture de son contrat ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt d’avoir infirmé le jugement en ce qu’il avait condamné la société à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts du fait des conditions de la rupture alors, selon le moyen :

1°/ que le travailleur étranger employé sans titre de travail peut bénéficier d’une indemnisation supplémentaire s’il peut établir l’existence d’un préjudice non réparé par les dispositions 1° et 2° de l’article L. 341-6-1 du code du travail, résultant notamment des circonstances de la rupture du contrat de travail ; que selon l’article 7 de la convention n° 158 de l’OIT, un travailleur ne peut pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité ; qu’il était acquis aux débats que la société TBH Logistique n’avait pas permis à M. X... de s’exprimer sur les motifs de la rupture de son contrat de travail avant que cette mesure soit arrêtée ; que cet état de fait ouvrait droit à l’indemnité supplémentaire de l’article L. 341-6-1 du code du travail ; qu’en le déboutant néanmoins de sa demande d’indemnisation supplémentaire au titre du préjudice résultant des conditions de la rupture de son contrat de travail, la cour d’appel a violé de l’article 7 de la convention n° 158 de l’OIT et l’article L. 341-6-1 du code du travail ;

2°/ qu’outre l’absence de toute procédure préalable à la rupture de son contrat de travail, M. X... soutenait dans ses écritures avoir droit à une indemnisation supplémentaire prévue par l’article L. 341-6-1 du code du travail en raison des conditions mêmes de son emploi passant par l’exécution de nombreuses heures supplémentaires jamais rémunérées ; qu’en omettant de répondre à ce moyen déterminant de ses conclusions, la cour d’appel a violé le texte susvisé et l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l’article 7 de la convention n° 158 de l’OIT ne visant que les licenciements pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié ne trouve pas à s’appliquer à la rupture du contrat de travail d’un étranger motivée par son emploi en violation des dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail ; que l’arrêt, qui relève à bon droit que l’article L. 341-6-1 du code du travail exclut l’application des dispositions de l’article L.122-14 et qui retient que le salarié ne justifie pas d’un préjudice supérieur à celui réparé par l’indemnité forfaitaire, n’encourt pas les griefs du moyen ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait encore grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article L. 341-6-1, alinéa 2°, du code du travail que la rupture du contrat de travail de l’étranger embauché irrégulièrement ouvre droit à une indemnité de préavis, même si celui-ci ne peut être exécuté, pouvant se cumuler avec l’indemnité forfaitaire d’un mois de salaire ; qu’en le privant néanmoins de l’indemnité de préavis, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que, selon l’article L. 341-6-1 du code du travail, l’étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France a droit, au titre de la période d’emploi illicite, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire à moins que l’application des règles figurant aux articles L.122-3-4, L.122-3-8, alinéa 2, L.122-8 et L.122-9 ne conduise à une solution plus favorable ; qu’il en résulte que si la rupture du contrat de l’étranger embauché irrégulièrement lui ouvre droit à une indemnité au titre de son préavis, même si celui-ci ne peut être exécuté, cette indemnité ne peut être que la plus élevée de l’indemnité forfaitaire ou de l’indemnité de préavis ; qu’en allouant au salarié une indemnité forfaitaire d’un montant plus élevé que celui de l’indemnité conventionnelle de préavis avec laquelle elle ne pouvait se cumuler, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille huit. Publication : Bulletin 2008, V, N° 27

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 11 mai 2006

Titrages et résumés : EMPLOI - Travailleurs étrangers - Emploi illicite - Licenciement du salarié - Effets - Indemnisation - Etendue

Il résulte de l’article L. 341-6-1 du code du travail d’une part que les dispositions des articles L. 122-14 et suivants régissant le licenciement ne s’appliquent pas à la rupture du contrat de travail d’un étranger employé irrégulièrement, d’autre part que celui-ci a droit à une indemnité qui ne peut être que la plus élevée de l’indemnité forfaitaire d’un mois de salaire ou de l’indemnité de préavis. Par ailleurs, l’article 7 de la Convention n° 158 de l’OIT, ne visant que les licenciements pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié, ne trouve pas à s’appliquer à la rupture du contrat de travail d’un étranger motivée par son emploi en violation des dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail Dès lors, c’est à bon droit qu’une cour d’appel a rejeté tant la demande d’indemnité supplémentaire d’un salarié étranger licencié en raison de son emploi irrégulier fondée sur l’absence de tenue d’un entretien préalable, que sa demande d’indemnité compensatrice de préavis dès lors qu’elle lui alloué l’indemnité forfaitaire légale d’un montant plus élevé

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Formalités légales - Inobservation - Possibilité - Cas - Licenciement d’un étranger employé irrégulièrement

ETRANGER - Contrat de travail - Autorisation d’exercer une activité salariée - Défaut - Portée