Non cumul indemnité forfaitaire avec autres indemnités - solution la plus favorable
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du 8 décembre 2009
N° de pourvoi : 08-42100
Non publié au bulletin
Cassation
M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
Me de Nervo, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., de nationalité étrangère, qui avait été engagé le 2 janvier 2002 en qualité d’agent de propreté par la société l’Audacieuse, a été licencié pour faute grave le 9 juin 2005 au motif que ses papiers d’identité et son autorisation à exercer une activité salariée étaient des faux ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 8252-1 et L. 8252-2.2° du code du travail ;
Attendu que pour allouer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à six mois de salaire, l’arrêt retient par motifs propres et adoptés que la société savait depuis 2003 que le salarié avait de faux papiers, et que ces faits étant prescrits par application de l’article L.122-44 du code du travail ne pouvaient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Attendu cependant, d’une part, qu’il résulte de l’article L. 8252-1 du code du travail que les dispositions de l’article L. 122-44 devenu L. 1332-4 du code du travail relatives aux licenciements disciplinaires ne s’appliquent pas à la rupture du contrat de travail d’un étranger employé irrégulièrement ; que d’autre part, celle-ci ne peut donner lieu par application de l’article L. 8252-2.2° qu’au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire ou à des indemnités de rupture si la solution est plus favorable, sans préjudice d’une indemnisation supplémentaire si le salarié est en mesure d’établir l’existence d’un préjudice non réparé au titre de ces dispositions ;
D’où il suit qu’en statuant comme elle a fait, et sans constater l’existence d’un préjudice non réparé par les indemnités allouées par ailleurs, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l’article L. 8252-2 2° du code du travail ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que la rupture du contrat de travail de l’étranger embauché irrégulièrement lui ouvre droit soit à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire, soit aux indemnités de rupture selon la solution la plus favorable pour lui, sans que ces indemnités puissent se cumuler entre elles ;
Qu’en allouant au salarié l’indemnité forfaitaire spécifique ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice des congés payés afférents et une indemnité de licenciement avec lesquelles elle ne pouvait se cumuler, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles R.1234-9 et R. 5421-3 du code du travail ;
Attendu que par motifs adoptés, la cour d’appel a ordonné la remise au salarié d’une attestation pour l’Assedic ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le travailleur étranger ne bénéficie du revenu de remplacement prévu à l’article L. 5421-1 du code du travail dans les mêmes conditions que le travailleur français que s’il se trouve en situation régulière au regard des dispositions réglementant son activité professionnelle salariée, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 mars 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils pour la société Audacieuse.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR condamné la société Audacieuse à payer à Monsieur Aly X... la somme de 6 399,36 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du19 avril 2006 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l’appelante ne fournit aucun élément ou moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges, lesquels ont fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu’en fait par des motifs appropriés que la cour adopte étant observé : - la connaissance de la situation irrégulière de M. Aly X... bien avant son licenciement résulte tant de l’aveu constaté par les premiers juges lors de l’audience de première instance, que des deux témoignages circonstanciés produits par l’intimé, dont l’un émanant d’un autre salarié de l’entreprise, - la lettre de la préfecture de police de Paris du 19 mai 2005 qui fait état d’une demande préalable de la société Audacieuse, au demeurant non versée aux débats, contredit ses affirmations selon lesquelles c’est à la demande de cette administration qu’elle aurait procédé à un contrôle général de la situation de tous ses salariés et non de deux salariés seulement dont Monsieur X.... / considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, le conseil de prud’hommes ayant fait une juste appréciation du préjudice subi par le demandeur et lui ayant alloué les indemnités de ruptures conformes à ses droits et aux textes applicables » (cf., arrêt attaqué, p.3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Celle envoyée à Monsieur X... Aly est ainsi motivée : “…Nous vous rappelons les faits suivants : Après vérification les services de la préfecture nous ont avisé que les documents officiels justifiant votre identité et votre autorisation à exercer une activité salariée sont faux. / Ces faits sont constitutifs d’une faute grave, nous vous faisons part de notre décision de vous licencier pour faute. / Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible…”. / Monsieur X... Aly a déclaré à la barre que la société savait depuis 2003 qu’il avait de faux papiers ce qu’elle n’a pas contesté. / Suite à son licenciement, il lui a écrit en recommandé AR le 27 juin 2005 pour contester son licenciement ; il lui a notamment écrit : “…Je n’ai pas peur des motifs de mon licenciement car vous savez depuis le début que je n’ai pas un bon papier mais malgré vous avez profité et quand vous n’avez plus besoin de moi vous me faites licencier …”. / La société a reçu cette lettre le 28 juin 2005 et n’a pas contesté avoir eu connaissance depuis longtemps du fait que son salarié avait de faux papiers. / L’article L. 122-44 1er alinéa énonce que : “ Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales “. / La lettre de licenciement ne vise que la production de faux papiers. Or il ressort des débats et des pièces que la société savait depuis 2003 que Monsieur X... Aly avait de faux papiers, ces faits sont donc prescrits et ne peuvent constituer la cause réelle et sérieuse de licenciement. En conséquence, il y a lieu de lui accorder eu égard à son ancienneté supérieure à deux ans, une indemnité de préavis de 2 mois, les congés payés incidents, une indemnité équivalent à un mois de salaire en application de l’article L. 341-6-1, l’indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que le conseil fixe à six mois de salaire » (cf., jugement entrepris, p. 2 et 3) ;
ALORS, D’UNE PART, QUE le salarié étranger embauché sans titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France est assimilé, à compter de la date de son embauchage, à un travailleur régulièrement engagé en ce qui concerne les obligations de l’employeur relatives à la réglementation du travail définie aux articles L. 200-1 à L. 264-1 de l’ancien code du travail, qui sont applicables à la cause ; qu’en retenant, pour accorder une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à M. Aly X..., étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, que les faits fautifs invoqués, la production d’un faux titre de séjour, étaient connus de la société Audacieuse depuis plus de deux mois au moment du licenciement et ne pouvaient, en conséquence, justifier ce licenciement en application de l’article L. 122-44 de l’ancien code du travail, disposition non applicable à l’étranger employé en situation irrégulière, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 341-6-1de l’ancien code du travail, qui sont applicables à la cause ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE nul ne peut conserver à son service un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ; que l’étranger employé en méconnaissance de ce principe a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire, à moins que l’application des règles figurant aux articles L. 122-3-4, L. 122-3-8, troisième alinéa, L. 122-8 et L. 122-9 de l’ancien code du travail ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable ; qu’en accordant à M. Aly X..., étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, en raison de la rupture de la relation de travail, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a donc violé les dispositions des articles L. 341-6 et L. 341-6-1de l’ancien code du travail, qui sont applicables à la cause ;
ALORS, ENFIN, QUE si le salarié étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France peut demander en justice une indemnisation supplémentaire résultant de la rupture de la relation de travail, cette indemnisation est subordonnée à la preuve de l’existence d’un préjudice non réparé par les dispositions de l’article L. 341-6-1 de l’ancien code du travail ; qu’à supposer même que la décision attaquée puisse être interprétée comme ayant accordé une indemnisation supplémentaire à M. Aly X..., la cour d’appel, en s’abstenant de préciser si ce dernier justifiait d’un préjudice non réparé par les dispositions de l’article L. 341-6-1, alinéa 2, de l’ancien code du travail, a violé les dispositions de l’article L. 341-6-1 de l’ancien code du travail, qui sont applicables à la cause.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR condamné la société Audacieuse à payer à Monsieur Aly X... la somme de 2 139, 12 euros à titre d’indemnité de préavis, la somme de 213, 91 euros au titre des congés payés afférents et la somme de 320, 85 euros à titre d’indemnité de licenciement, sommes augmentées des intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la société Audacieuse, ainsi que la somme de 1 069, 56 euros à titre d’indemnité au titre des dispositions de l’article L.341-6-1 de l’ancien code du travail ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l’appelante ne fournit aucun élément ou moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges, lesquels ont fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu’en fait par des motifs appropriés que la cour adopte étant observé : - la connaissance de la situation irrégulière de M. Aly X... bien avant son licenciement résulte tant de l’aveu constaté par les premiers juges lors de l’audience de première instance, que des deux témoignages circonstanciés produits par l’intimé, dont l’un émanant d’un autre salarié de l’entreprise, - la lettre de la préfecture de police de Paris du 19 mai 2005 qui fait état d’une demande préalable de la société Audacieuse, au demeurant non versée aux débats, contredit ses affirmations selon lesquelles c’est à la demande de cette administration qu’elle aurait procédé à un contrôle général de la situation de tous ses salariés et non de deux salariés seulement dont Monsieur X.... / considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, le conseil de prud’hommes ayant fait une juste appréciation du préjudice subi par le demandeur et lui ayant alloué les indemnités de ruptures conformes à ses droits et aux textes applicables » (cf., arrêt attaqué, p.3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Celle envoyée à Monsieur X... Aly est ainsi motivée : “…Nous vous rappelons les faits suivants : Après vérification les services de la préfecture nous ont avisé que les documents officiels justifiant votre identité et votre autorisation à exercer une activité salariée sont faux. / Ces faits sont constitutifs d’une faute grave, nous vous faisons part de notre décision de vous licencier pour faute. / Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible…”. / Monsieur X... Aly a déclaré à la barre que la société savait depuis 2003 qu’il avait de faux papiers ce qu’elle n’a pas contesté. / Suite à son licenciement, il lui a écrit en recommandé AR le 27 juin 2005 pour contester son licenciement ; il lui a notamment écrit : “…Je n’ai pas peur des motifs de mon licenciement car vous savez depuis le début que je n’ai pas un bon papier mais malgré vous avez profité et quand vous n’avez plus besoin de moi vous me faites licencier …”. / La société a reçu cette lettre le 28 juin 2005 et n’a pas contesté avoir eu connaissance depuis longtemps du fait que son salarié avait de faux papiers. / L’article L. 122-44 1er alinéa énonce que : “ Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales “. / La lettre de licenciement ne vise que la production de faux papiers. Or il ressort des débats et des pièces que la société savait depuis 2003 que Monsieur X... Aly avait de faux papiers, ces faits sont donc prescrits et ne peuvent constituer la cause réelle et sérieuse de licenciement. En conséquence, il y a lieu de lui accorder eu égard à son ancienneté supérieure à deux ans, une indemnité de préavis de 2 mois, les congés payés incidents, une indemnité équivalent à un mois de salaire en application de l’article L. 341-6-1, l’indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que le conseil fixe à six mois de salaire » (cf., jugement entrepris, p. 2 et 3) ;
ALORS QUE la rupture du contrat de l’étranger embauché irrégulièrement lui ouvre seulement droit à une indemnité qui ne peut être que la plus élevée de l’indemnité forfaitaire d’un mois de salaire prévue par les dispositions de l’article L. 341-6-1, alinéa 2, de l’ancien code du travail, qui sont applicables à la cause, ou de l’indemnité de préavis ou de l’indemnité de licenciement ; qu’en allouant à M. Aly X..., embauché par la société Audacieuse sur la foi d’un titre de séjour qui s’est révélé être un faux document, en raison de la rupture de la relation de travail, à la fois une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire, une indemnité de préavis de deux mois, des congés payés afférents et une indemnité de licenciement, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 341-6-1, alinéa 2, 2°, de l’ancien code du travail, qui sont applicables à la cause.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR ordonné à la société Audacieuse la remise d’une attestation Assedic ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, le conseil de prud’hommes ayant fait une juste appréciation du préjudice subi par le demandeur et lui ayant alloué les indemnités de ruptures conformes à ses droits et aux textes applicables » (cf., arrêt attaqué, p. 3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « la société devra aussi remettre un certificat de travail, une attestation Assedic et un bulletin de paie conformes à ce jugement » (cf., jugement entrepris, p. 3) ;
ALORS QUE les travailleurs étrangers bénéficient du revenu de remplacement dans les mêmes conditions que les travailleurs français à la condition qu’ils se trouvent en situation régulière au regard des dispositions réglementant l’exercice par eux des activités professionnelles salariées ; qu’en ordonnant à la société Audacieuse la remise d’une attestation Assedic à M. Aly X..., non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article R. 351-25 de l’ancien code du travail, devenu l’article R. 5421-3 du code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 11 mars 2008