Procédure de licenciement non - cause objective de la rupture de la relation de travail
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du 1 octobre 2014
N° de pourvoi : 13-17745
ECLI:FR:CCASS:2014:SO01711
Non publié au bulletin
Cassation partielle
M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
Me Carbonnier, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Monop qui bénéficiait d’un titre de séjour jusqu’au 16 avril 2009, a été convoqué à un entretien préalable le 28 avril 2009 et licencié le 11 mai 2009 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale en faisant valoir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 1232-6, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que, pour rejeter les demandes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de préavis, d’un rappel de salaires et des congés payés afférents, l’arrêt retient que, le 11 mai 2009, la société, qui, malgré ses demandes, n’avait pas obtenu du salarié un titre autorisant ce dernier à travailler en France au-delà du 16 avril 2009, était en droit de procéder au licenciement, lequel repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Attendu cependant que si l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n’est pas constitutive en soi d’une faute privative des indemnités de rupture ; que l’employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l’emploi doit donc en faire état dans la lettre de licenciement ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que la lettre de rupture mentionnait comme seul motif le fait que le salarié ne possédait plus d’autorisation de travail valable sur le territoire français, sans invoquer la production d’un faux titre de séjour, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a rejeté les demandes de M. X... au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de préavis, d’un rappel de salaires et des congés payés afférents, l’arrêt rendu le 24 mai 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Monop aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Capron la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de M. Atemlefac X...reposait sur une cause réelle et sérieuse et d’AVOIR débouté M. Atemlefac X...de l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « le 28 avril 2009, la société Monop convoquait M. Atemlefac X...pour le 9 mai 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Il était demandé à M. Atemlefac X...de ne plus se présenter à son poste de travail au motif que son titre de séjour n’était plus en règle et il était précisé que la non-exécution du contrat, non imputable à l’employeur, ne donnerait pas lieu au versement du salaire./ Le licenciement était prononcé par lettre du 11 mai 2009 se fondant sur le grief suivant : “ Nous vous confirmons que votre autorisation de travail n’étant plus en règle, il ne nous est pas possible de vous conserver dans nos effectifs./ Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour défaut de présentation de titre en règle (¿) “./ ¿ Il est constant que le 2 avril 2009, l’employeur a remis à M. X... une lettre lui rappelant que sa carte de séjour arrivant à expiration le 16 avril 2009, il lui appartenait de présenter, au plus tard le 17 avril 2009, “ l’original de la prolongation (pour photocopie) “. M. X... ne conteste pas avoir reçu la lettre de rappel en date du 25 avril 2009 qui lui a été adressée par l’employeur au ... à Sarcelles./ Il conteste avoir reçu en temps utile la lettre recommandée avec accusé de réception de convocation à l’entretien préalable en date du 28 avril 2009 envoyée à la même adresse, précisant : “ Vos titres de séjour n’étant plus en règle, nous vous informons que vous êtes convoqué pour un entretien, concernant une mesure de licenciement que nous envisageons à votre égard “ et demandant au M. A...salarié de ne plus de présenter à son poste de travail en raison du fait qu’il ne détenait plus de titre en règle. Toutefois la lettre de licenciement indique que le salarié s’est présenté à l’entretien préalable au cours duquel il n’était pas assisté. Il est du reste observé que le récépissé de demande de carte de séjour du 19 mai, comme les relevés de situation Pôle emploi expédiés au salarié en 2010 à la suite de son licenciement ou encore le titre de séjour obtenu par M. X... en janvier 2010 pour une période d’un an mentionnent l’adresse ... à Sarcelles, ce qui confirme que le salarié pouvait être utilement joint à cette adresse./ Le 19 mai 2009, M. X... a obtenu de la préfecture un récépissé de demande de carte de séjour l’autorisant à travailler en France jusqu’au 18 août 2009./ Il ne justifie, ni même ne prétend dans ses écritures, avoir entrepris ses démarches auprès de la préfecture en temps utile, de sorte que la remise tardive de son titre le 19 mai serait imputable à l’administration. Il ne justifie pas davantage avoir informé l’employeur d’éventuelles difficultés rencontrées avec la préfecture./ L’article L. 8251-1 du code du travail dispose que “ nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France “, la méconnaissance de ces dispositions faisant encourir à l’employeur des peines d’emprisonnement et d’amende en application de l’article L. 8256-2 du même code./ Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, ce n’était pas à l’employeur de prendre l’attache de la préfecture pour s’enquérir de la situation de son salarié, mais à ce dernier, auquel avait été rappelée l’obligation de présenter un titre en cours de validité, de s’acquitter de cette formalité dans les délais requis ou, à tout le moins, d’informer l’employeur de ses démarches. Le document (pièce 9) produit par M. X..., issu du site de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, indique que l’employeur doit seulement, depuis le 1er juillet 2007, vérifier auprès de la préfecture l’autorisation de travail qui lui a été présentée par le salarié étranger qu’il souhaite embaucher./ Il en résulte que le 11 mai 2009, la société Monop, qui, malgré ses demandes, n’avait pas obtenu de M. X... un titre autorisant ce dernier à travailler en France au-delà du 16 avril 2009, était en droit de procéder au licenciement, lequel repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement de première instance doit donc être infirmé » (cf., arrêt attaqué, p. 2 ; p. 3 et 4) ;
ALORS QUE, de première part, il appartient à l’employeur qui emploie un travailleur étranger de s’enquérir, auprès des administrations compétentes, de la situation de celui-ci au regard des règles relatives au séjour et au travail des étrangers en France ; qu’en considérant le contraire pour dire que le licenciement de M. Atemlefac X...reposait sur une cause réelle et sérieuse et pour débouter M. Atemlefac X...de l’ensemble de ses demandes, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 5221-8 et L. 8251-1 du code du travail ;
ALORS QUE, de seconde part et en tout état de cause, en disant que le licenciement de M. Atemlefac X...reposait sur une cause réelle et sérieuse et en déboutant M. Atemlefac X...de l’ensemble de ses demandes, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée, si la carte de séjour dont M. Atemlefac X...était titulaire et qui l’autorisait à travailler en France ne devait pas être renouvelée de plein droit et si la société Monop n’avait pas connaissance de cette circonstance et si, en conséquence, la société Monop n’avait pas agi avec une légèreté blâmable en licenciant M. Atemlefac X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L. 8251-1 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Le pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. Atemlefac X...de ses demandes tendant à la condamnation de la société Monop à lui payer la somme de 159 euros à titre d’indemnité de licenciement, la somme de 1 434 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 143 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
AUX MOTIFS QUE « le 28 avril 2009, la société Monop convoquait M. Atemlefac X...pour le 9 mai 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Il était demandé à M. Atemlefac X...de ne plus se présenter à son poste de travail au motif que son titre de séjour n’était plus en règle et il était précisé que la non-exécution du contrat, non imputable à l’employeur, ne donnerait pas lieu au versement du salaire./ Le licenciement était prononcé par lettre du 11 mai 2009 se fondant sur le grief suivant : “ Nous vous confirmons que votre autorisation de travail n’étant plus en règle, il ne nous est pas possible de vous conserver dans nos effectifs./ Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour défaut de présentation de titre en règle (¿) “./ ¿ Il est constant que le 2 avril 2009, l’employeur a remis à M. X... une lettre lui rappelant que sa carte de séjour arrivant à expiration le 16 avril 2009, il lui appartenait de présenter, au plus tard le 17 avril 2009, “ l’original de la prolongation (pour photocopie) “. M. X... ne conteste pas avoir reçu la lettre de rappel en date du 25 avril 2009 qui lui a été adressée par l’employeur au ... à Sarcelles./ Il conteste avoir reçu en temps utile la lettre recommandée avec accusé de réception de convocation à l’entretien préalable en date du 28 avril 2009 envoyée à la même adresse, précisant : “ Vos titres de séjour n’étant plus en règle, nous vous informons que vous êtes convoqué pour un entretien, concernant une mesure de licenciement que nous envisageons à votre égard “ et demandant au salarié de ne plus de présenter à son poste de travail en raison du fait qu’il ne détenait plus de titre en règle. Toutefois la lettre de licenciement indique que le salarié s’est présenté à l’entretien préalable au cours duquel il n’était pas assisté. Il est du reste observé que le récépissé de demande de carte de séjour du 19 mai, comme les relevés de situation Pôle emploi expédiés au salarié en 2010 à la suite de son licenciement ou encore le titre de séjour obtenu par M. X... en janvier 2010 pour une période d’un an mentionnent l’adresse ... à Sarcelles, ce qui confirme que le salarié pouvait être utilement joint à cette adresse./ Le 19 mai 2009, M. X... a obtenu de la préfecture un récépissé de demande de carte de séjour l’autorisant à travailler en France jusqu’au 18 août 2009./ Il ne justifie, ni même ne prétend dans ses écritures, avoir entrepris ses démarches auprès de la préfecture en temps utile, de sorte que la remise tardive de son titre le 19 mai serait imputable à l’administration. Il ne justifie pas davantage avoir informé l’employeur d’éventuelles difficultés rencontrées avec la préfecture./ L’article L. 8251-1 du code du travail dispose que “ nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France “, la méconnaissance de ces dispositions faisant encourir à l’employeur des peines d’emprisonnement et d’amende en application de l’article L. 8256-2 du même code./ Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, ce n’était pas à l’employeur de prendre l’attache de la préfecture pour s’enquérir de la situation de son salarié, mais à ce dernier, auquel avait été rappelée l’obligation de présenter un titre en cours de validité, de s’acquitter de cette formalité dans les délais requis ou, à tout le moins, d’informer l’employeur de ses démarches. Le document (pièce 9) produit par M. X..., issu du site de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, indique que l’employeur doit seulement, depuis le 1er juillet 2007, vérifier auprès de la préfecture l’autorisation de travail qui lui a été présentée par le salarié étranger qu’il souhaite embaucher./ Il en résulte que le 11 mai 2009, la société Monop, qui, malgré ses demandes, n’avait pas obtenu de M. X... un titre autorisant ce dernier à travailler en France au-delà du 16 avril 2009, était en droit de procéder au licenciement, lequel repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement de première instance doit donc être infirmé » (cf., arrêt attaqué, p. 2 ; p. 3 et 4) ;
ALORS QUE, d’une part, si l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n’est pas constitutive en soi d’une faute privative des indemnités de rupture ; que l’employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l’emploi doit donc en faire état dans la lettre de licenciement ; qu’en déboutant, par conséquent, M. Atemlefac X...de ses demandes tendant à la condamnation de la société Monop à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité de licenciement, à titre d’indemnité compensatrice de préavis et à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, quand il résultait de ses propres constatations que la lettre de licenciement du 11 mai 2009 mentionnait comme seul motif le fait que M. Atemlefac X...n’avait pas présenté à la société Monop une autorisation de travail valable sur le territoire français, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 1232-6, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS QUE, d’autre part, si l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n’est pas constitutive en soi d’une faute privative des indemnités de rupture ; qu’en déboutant, par conséquent, M. Atemlefac X...de ses demandes tendant à la condamnation de la société Monop à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité de licenciement, à titre d’indemnité compensatrice de préavis et à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, sans caractériser que M. Atemlefac X...avait commis une faute grave, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 24 mai 2012