Procédure exorbitante du droit commun non applicable

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 novembre 2009

N° de pourvoi : 08-40923

Non publié au bulletin

Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Laugier et Caston, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 19 décembre 2007), que M. X..., étudiant de nationalité étrangère travaillant pour la société Mediapost comme distributeur depuis 1995, a été désigné délégué syndical le 29 juillet 2004 et élu délégué du personnel suppléant le 27 juin 2005 ; que le salarié a été licencié par lettre du 28 juillet 2005 au motif que la demande de renouvellement de son autorisation provisoire de travail, déposée le 6 juin précédent, n’avait pas reçu une réponse favorable de la direction départementale du travail et de l’emploi ; que l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale notamment de demandes en paiement d’indemnités de rupture du contrat de travail et pour non respect de la procédure spéciale de licenciement des salariés protégés ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors selon le moyen :

1°/ que le refus de renouvellement, par l’autorité administrative, d’un titre autorisant un salarié étranger à exercer une activité en France ne constituant pas un cas de force majeure, la rupture du contrat de travail, consécutive à ce refus, s’analyse en un licenciement ; que les salariés investis des fonctions représentatives visées aux articles L. 412 18, L.. 425 1 du code du travail bénéficient, dans l’intérêt des travailleurs qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle de droit public, exorbitante du droit commun, obligeant, en cas de licenciement, au respect d’une procédure préalable spéciale qui se traduit par la consultation du comité d’entreprise et par l’autorisation de l’inspecteur du travail, instances auxquelles, il revient, en toutes hypothèses, d’apprécier l’exactitude matérielle des faits invoqués par l’employeur ; qu’en considérant que M. X... ne devait pas bénéficier d’une telle protection et que, partant, son licenciement était régulier, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 425 1 et L. 412-18 du code du travail ;

2°/ que la cour d’appel, en considérant que le refus de renouvellement de l’autorisation de travail placerait automatiquement le salarié concerné dans l’impossibilité de rester ou d’être conservé par l’entreprise qui l’emploie hors du champ d’application de la protection spécifique des salariés protégés, a statué par un motif inopérant, violant ainsi à nouveau les dispositions des articles L. 425 1 et L. 412 18 du code du travail ;

3°/ que le licenciement d’un salarié protégé prononcé sans autorisation administrative est nul ; qu’en pareille hypothèse le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur, outre la sanction de cette violation, a le droit d’obtenir non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l’intégralité du préjudice subi résultant du caractère illicite et le cas échéant discriminatoire de son licenciement, qu’en statuant comme elle l’a fait la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 122 8 et L. 425 3 du code du travail ;

Mais attendu qu’il résulte des articles L. 8251 1 et L. 8252 2, 2° du code du travail que le délégué du personnel ou le délégué syndical qui ne dispose plus de titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France se trouve en dehors du champ d’application des dispositions des articles L. 2411 3 et L. 2411 5 du code du travail et que les dispositions de l’article L. 1234 5 du même code ne s’appliquent pas ; que la cour d’appel a statué à bon droit ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’ AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure spéciale de licenciement d’un salarié protégé prévue aux articles L. 425-1 et L. 412-18 du Code du travail ;

AUX MOTIFS QUE s’agissant de l’obligation pour la Société MEDIAPOST d’obtenir préalablement au licenciement de son salarié, régulièrement désigné en qualité de délégué syndical et régulièrement élu en qualité de délégué du personnel, l’avis du comité d’entreprise et l’autorisation de l’inspection du travail conformément aux dispositions des articles L. 425-1 et L. 412-18 du Code du travail, il apparaît que ces dispositions entrent en conflit avec celles de l’article L. 341-6 du même code qui interdit à un employeur de conserver à son service un salarié étranger qui ne dispose plus d’un titre l’autorisant à travailler dans l’entreprise ; qu’un recours éventuel contre la décision de refus de renouvellement de l’autorisation de travail ne doit pas être confondu avec l’autorisation de licenciement des salariés protégés ; que l’impossibilité pour un salarié de rester ou d’être conservé au service de l’entreprise qui l’emploie à peine de sanction pénale le place hors du champ de la protection spécifique des salariés protégés ; que c’est par des motifs pertinents que les premiers juges ont, en application de l’article L. 341-6 du Code du travail, constaté que Monsieur X..., qui ne disposait plus du titre l’autorisant à exercer son activité professionnelle dans l’entreprise, ce qui le faisait sortir du champ d’application des dispositions de l’article L. 425-1 du Code du travail ou de l’article L. 412-18 du même code, de sorte qu’il n’y avait pas lieu pour l’entreprise de demander au préalable l’avis du comité d’entreprise ou l’autorisation de l’inspection du travail, a été licencié pour une cause réelle et sérieuse ;

ET, AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS, QUE, sur la violation de la procédure spéciale, la jurisprudence confirme qu’un employeur ne peut garder à son service un salarié étranger en situation irrégulière et que cette situation a pour effet de placer un recours de ce salarié, qui est aussi représentant du personnel, hors du champ de l’article L. 425-1 du Code du travail relatif à la procédure particulière de licenciement des délégués du personnel ;

1°) ALORS QUE le refus de renouvellement, par l’autorité administrative, d’un titre autorisant un salarié étranger à exercer une activité en FRANCE ne constituant pas un cas de force majeure, la rupture du contrat de travail, consécutive à ce refus, s’analyse en un licenciement ; que les salariés investis des fonctions représentatives visées aux articles L. 412-18, L. 425-1 du Code du travail bénéficient, dans l’intérêt des travailleurs qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle de droit public, exorbitante du droit commun, obligeant, en cas de licenciement, au respect d’une procédure préalable spéciale qui se traduit par la consultation du comité d’entreprise et par l’autorisation de l’inspecteur du travail, instances auxquelles, il revient, en toutes hypothèses, d’apprécier l’exactitude matérielle des faits invoqués par l’employeur ; qu’en considérant que Monsieur X... ne devait pas bénéficier d’une telle protection et que, partant, son licenciement était régulier, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 425-1 et L. 412-18 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE la Cour d’appel, en considérant que le refus de renouvellement de l’autorisation de travail placerait automatiquement le salarié concerné dans l’impossibilité de rester ou d’être conservé par l’entreprise qui l’emploie hors du champ d’application de la protection spécifique des salariés protégés, a statué par un motif inopérant, violant ainsi à nouveau les dispositions des articles L. 425-1 et L. 412-18 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes d’indemnités de rupture et de dommagesintérêts pour licenciement abusif ;

AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Monsieur Médard X... n’était plus en mesure d’exercer son activité suite au non-renouvellement de son autorisation provisoire de travail, le Conseil dira et jugera que la demande de Monsieur Médard X... en paiement du préavis, quand celui-ci n’a pu être exécuté, n’est pas fondée et l’en déboutera ; que Monsieur Médard X... n’avait pas obtenu le renouvellement de son autorisation provisoire de travail, la SA MEDIAPOST avait interdiction de le conserver à son service, en application de l’article L. 341-6 du Code du travail. En conséquence, le Conseil dira et jugera que le licenciement de Monsieur Médard X... par la Société MEDIAPOST SA pour cause réelle et sérieuse est fondé. A ce titre, il déboutera Monsieur Médard X... de sa demande de dommages-intérêts ;

ALORS QUE le licenciement d’un salarié protégé prononcé sans autorisation administrative est nul ; qu’en pareille hypothèse le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur, outre la sanction de cette violation, a le droit d’obtenir non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l’intégralité du préjudice subi résultant du caractère illicite et le cas échéant discriminatoire de son licenciement, qu’en statuant comme elle l’a fait la Cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 122-8 et L. 425-3 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble du 19 décembre 2007