Fabrication pain industriel - fermeture - pas d’atteinte à la liberté d’entreprendre

Conseil d’État

N° 404470

ECLI:FR:CECHS:2016:404470.20161104

Inédit au recueil Lebon

9ème chambre

M. Olivier Rousselle, rapporteur

Mme Laurence Marion, rapporteur public

SCP FOUSSARD, FROGER, avocat(s)

lecture du vendredi 4 novembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La SARL Gunes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 26 septembre 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la fermeture administrative de son établissement pour une durée d’un mois. Par une ordonnance n° 1607782 du 10 octobre 2016, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 14 et 27 octobre 2016, la SARL Gunes au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 le code du travail ;

 le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

 le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d’Etat,

 les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Gunes.

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : “ Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégale (...) “ ;

2. Considérant que la SARL Gunes a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil d’un arrêté du 26 septembre 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a, en application des dispositions de l’article L. 8272-2 du code du travail, ordonné la fermeture, pour une durée d’un mois, de l’établissement de production et de distribution de pain industriel qu’elle exploite à Rosny-sous-Bois ; que si la requérante demandait au juge des référés de suspendre l’exécution de cet arrêté, elle se fondait expressément, à cet effet, sur l’article L. 521-2 du code de justice administrative et soulevait des moyens tirés de ce que la décision contestée portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre ; que, dès lors, en estimant, par son ordonnance du 10 octobre 2016, avoir été saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du même code et en rejetant la demande de suspension aux motifs que les conditions auxquelles cet article subordonne une telle mesure n’étaient pas satisfaites, le juge des référés a fait une inexacte interprétation de la demande ; que, par suite, la SARL Gunes est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

3. Considérant qu’il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SARL Gunes ;

4. Considérant que si la liberté d’entreprendre constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, cette liberté s’entend de celle d’exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui leur sont légalement imposées ; qu’il est établi qu’au moins quatre salariés de l’entreprise, parmi les dix-huit dont la présence a été constatée dans l’établissement à l’occasion d’un contrôle effectué le 15 décembre 2015 par les services de police, se trouvaient dans une situation constitutive de travail illégal et que des faits similaires avaient été déjà relevés en 2014 ; qu’en conséquence, le préfet n’a pas manifestement excédé les pouvoirs qu’il tient des dispositions de l’article L. 8272-2 du code du travail en prenant la décision attaquée ; qu’il ressort des pièces du dossier que le préfet a, ainsi que l’exige l’article R. 8272-7 du code travail, mis la requérante en mesure de présenter ses observations avant de prendre l’arrêté contesté ; que, dès lors, s’il fait obstacle à l’exercice par la société Gunes de son activité professionnelle pendant une durée d’un mois, l’arrêté contesté ne saurait être regardé comme portant une atteinte manifestement illégale à la liberté d’entreprendre ; que, par suite, les conclusions de la SARL Gunes tendant à ce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative pour ordonner la suspension de l’arrêté contesté, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

D E C I D E :


Article 1er : L’ordonnance du 10 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Gunes devant le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil et les conclusions de son pourvoi présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Gunes et au ministre du travail.