élément intentionnel non nécessaire

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 9 juillet 2015

N° de pourvoi : 14-21490

ECLI:FR:CCASS:2015:C201173

Non publié au bulletin

Cassation

M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 242-1-1 et L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les services de police ayant constaté, le 29 septembre 2010, que la société Executive Travel services (la société) n’avait pas procédé à la déclaration préalable à l’embauche d’un de ses salariés, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Ile-de-France (l’URSSAF) a adressé une lettre d’observation le 22 février 2001 comportant un redressement à ce titre ; que la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, pour accueillir ce recours, l’arrêt retient qu’il est constant que le salarié a fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche le 1er juillet 2007, qu’il a reçu des bulletins de salaires en contrepartie de ses missions successives pour lesquelles l’employeur s’est acquitté de ses cotisations, que son nom figure dans les DADS de 2007 à 2010 et qu’il a été couvert par une assurance ; que dans ce contexte, la méconnaissance des dispositions de l’article L. 1221-10 du code du travail résultant de l’absence de déclaration pour les missions suivantes, dont le caractère volontaire est contesté par la société, ne suffit pas, en l’absence d’intérêt financier, à démontrer l’intention de celle-ci de commettre une fraude au préjudice des organismes sociaux ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, s’il procède du constat d’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’intention frauduleuse de l’employeur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 mai 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Condamne la société Executive Travel services aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Executive Travel services et la condamne à payer à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Poirotte, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l’audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Ile-de-France

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR annulé le redressement à l’encontre de la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES et la décision de la commission de recours amiable du 10 octobre 2011 et d’AVOIR prononcé la nullité des contraintes signifiées les 6 et 7 septembre 2011 par l’URSSAF à la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES et condamné l’URSSAF à payer à la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES la somme de 2.000 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l’URSSAF fait valoir que le gérant de la société intimée n’a pas contesté les faits et a fait l’objet d’une composition pénale dont il a accepté de payer l’amende ce qui montrerait, selon elle, que les éléments de l’infraction y compris l’élément intentionnel étaient réunies en l’espèce ; que la SARL EXECUTIVE TRAVEL SERVICES réplique à juste titre que le mesure de composition pénale ordonnée en matière de travail dissimulé n’a pas autorité de la chose jugée au pénal sur le civil dans la mesure où la partie qui accepte cette mesure ne dispose d’aucun recours et que l’ordonnance est rendue sans débat contradictoire et à la seule fin de réparer le dommage ; que l’URSSAF soutient que le recours à la taxation d’office ne dépend pas du caractère intentionnel de l’infraction et qu’il ne lui incombe pas d’établir la volonté de la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES de se soustraire à ses obligations ; que l’absence de déclaration préalable à l’embauche constatée le 28 septembre 2009 justifie à elle seule l’application de la taxation forfaitaire constituée par l’article L.241-1-2 du code de la sécurité sociale et que la société intimée ne pouvait ignorer les dispositions de l’article L.1221-10 du code du travail lui faisant obligation d’établir une déclaration préalable à chaque nouveau contrat de travail dès lors qu’un intervalle sépare les contrats ; qu’il résulte toutefois des dispositions de l’article L.8221-3 du code du travail que « le délit de travail dissimulé est le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable d’embauche, à la remise de bulletins de salaires et aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations auprès des organismes de recouvrement de sécurité sociale ou de l’administration fiscale » et des dispositions de l’article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale que « les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé au sens de l’article L.324-10 (remplacé par l’article L.8221-5) du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées à 6 fois la rémunération mensuelle minimale définie à l’article L.141-11 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé » ; qu’il résulte de ces dispositions que la taxation forfaitaire ne peut être appliquée que lorsque le travail dissimulé est établi, lequel suppose, de la part de l’employeur, le défaut de déclaration de l’embauche du salarié, de délivrance de bulletins de salaire et de déclaration du salarié aux organismes sociaux ou fiscaux dans l’intention de se soustraire à ses obligations ; qu’il n’est pas contesté en l’espèce que Monsieur X... a fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche le 1er juillet 2007, qu’il a reçu des bulletins de salaire en contrepartie de ses missions successives pour lesquelles l’employeur s’est acquitté de ses cotisations, que son nom figure dans les DADS de 2007 à 2010 et qu’il a été couvert par une assurance ; que dans ce contexte, la méconnaissance des dispositions de l’article L.1221-1 du code du travail résultant de l’absence de déclaration pour les missions suivantes, dont le caractère volontaire est contesté par la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES ne suffit pas, en l’absence d’intérêt financier, à démontrer l’intention de celle-ci de commettre une fraude au préjudice des organismes sociaux ; qu’à défaut de preuve du caractère intentionnel de l’absence de déclaration d’embauche, pour chaque contrat de M. X..., il n’y pas lieu à l’application des dispositions de l’article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale relatives à la taxation d’office ni de celles de l’article L.133-4-2 du même code suivant lesquelles « le bénéfice de toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale est subordonnée au respect par l’employeur des dispositions de l’article L.8221-1 et 8221-2 du code du travail » ; qu’il convient dès lors de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le calcul des cotisations forfaitaires pour monsieur X... et l’annulation des exonérations ne sont possibles qu’en présence d’un travail dissimulé ; que l’article L.8221-3 du code du travail précise que « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur » ; que la cour de cassation que ce soit dans des décisions pénales ou civiles estime que la preuve du caractère intentionnel doit être démontrée ; en l’espèce, il ne peut être contesté que ce n’est qu’après l’interpellation de monsieur X... par les services de police que la société a procédé à la déclaration préalable à l’embauche mais cette seule circonstance ne peut suffire à établir le caractère intentionnel de l’absence de déclaration ; que lorsque l’employeur veut dissimuler intentionnellement un travailleur c’est pour éviter de payer pour lui des cotisations, de faire une visite médicale¿ Or en l’espèce, il apparaît que la société avait procédé à la déclaration de M. X... lors de son premier contrat et avait fait pour lui des déclarations entraînant des cotisations sans faire de DPE, qu’elle le déclarait à la médecine du travail et l’incluait dans l’assurance groupe ; aucun élément en l’espèce ne permet d’établir que la société a cherché à se soustraire au paiement des cotisations sociales, puisqu’elle pouvait comme dans les occasions précédentes déclarer les heures effectuées en fin de contrat et payer les cotisations et qu’elle pouvait penser sans mauvaise foi qu’il n’était utile de déclarer à nouveau l’embauche d’un salarié déjà connu de l’URSSAF ; une simple convocation devant le délégué du Procureur ne peut être considéré comme une reconnaissance de culpabilité ou comme la reconnaissance pénale de l’infraction ; en l’absence de preuve du caractère intentionnel de se soustraire au paiement de ses obligations, la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES ne peut voir les cotisations de son salarié calculées forfaitairement et l’annulation des exonérations du mois civil ; qu’il convient donc d’annuler le redressement et les contraintes ;

1. ALORS QUE la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur, l’intention coupable exigée par l’article L.8221-5 du code du travail ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt que la société redressée pour travail dissimulé avait une parfaite connaissance des règles applicables pour l’emploi du salarié puisqu’elle les avait pleinement respectées lors d’une précédente embauche en juillet 2007 (arrêt p. 4 § 4) ; qu’en jugeant, qu’à défaut de preuve du caractère intentionnel et frauduleux de l’absence de déclaration d’embauche en septembre 2009, le redressement pour travail dissimulé n’était pas justifié, la Cour d’appel a violé les articles L.8221-5 du code du travail et L.242-1-2 du code de la sécurité sociale ;

2. ALORS QUE le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié est le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l’embauche, à la remise de bulletins de salaires et aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations auprès des organismes de recouvrement de sécurité sociale ou de l’administration fiscale ; qu’en affirmant que le délit de travail dissimulé n’était pas constitué, parce que la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES n’avait pas « d’intérêt financier » à la dissimulation de l’emploi de monsieur X..., la Cour d’appel a violé l’article L.8221-5 du code du travail en y ajoutant une condition que la loi ne prévoit pas ;

3. ALORS QUE la réalité d’une infraction est nécessairement établie par l’exécution d’une composition pénale ; qu’il est constant que le gérant de la société EXECUTIVE TRAVEL SERVICES a fait l’objet d’une composition pénale dont il a payé l’amende ; qu’il a ainsi reconnu avoir commis le délit de travail dissimulé en tous ses éléments tant matériel qu’intentionnel ; qu’en affirmant que l’URSSAF ne pouvait se prévaloir de la mesure de composition pénale qui n’aurait pas autorité de la chose jugée au pénal, quand il en résultait que l’infraction était établie en tous ses éléments constitutifs, la Cour d’appel a violé l’article 41-2 du code de procédure pénale ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 22 mai 2014