Donneur d’ordre - annulation exonérations réductions oui

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 octobre 2020, 19-20.147, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2

N° de pourvoi : 19-20.147
ECLI:FR:CCASS:2020:C200914
Non publié au bulletin
Solution : Rejet

Audience publique du jeudi 08 octobre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes, du 26 juin 2019

Président
M. Pireyre (président)
Avocat(s)
SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION


Audience publique du 8 octobre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 914 F-D

Pourvoi n° S 19-20.147

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société Alliance industrielle métallurgique de Bretagne, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-20.147 contre l’arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d’appel de Rennes (9e chambre, sécurité sociale), dans le litige l’opposant à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Bretagne, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Alliance industrielle métallurgique de Bretagne, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Bretagne, et l’avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l’audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 26 juin 2019), à la suite d’un contrôle de la société Geym Survinter opéré dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, portant sur les années 2013 et 2014, l’URSSAF de Bretagne (l’URSSAF) a adressé à la société Alliance industrielle métallurgique de Bretagne (la société) une lettre d’observations en date du 16 octobre 2014 mettant en oeuvre la solidarité financière prévue par les articles L. 8222-1 et suivants du code du travail, suivie d’une mise en demeure du 24 mars 2015,
puis une seconde lettre d’observations en date du 18 novembre 2014 portant annulation des exonérations du donneur d’ordre non vigilant prévue par l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, suivie d’une mise en demeure du 22 juillet 2015.

2. La société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l’arrêt de valider la mise en demeure du 25 juillet 2015 alors « que lorsqu’il est constaté que le donneur d’ordre n’a pas rempli l’une des obligations de vigilance prévues aux articles L. 8222-1 et D. 8222-5 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé, l’organisme de recouvrement procède à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d’ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés ; que cette annulation des réductions ou exonérations sociales à l’égard du donneur d’ordre à raison d’un travail dissimulé commis par son prestataire suppose que l’infraction ait été constatée par une décision de justice ou qu’elle le soit par le juge saisi à l’occasion de la contestation soulevée par le donneur d’ordre ; qu’en retenant, pour tenir cette infraction comme établie à l’égard de la société AIMB, qu’il suffisait que le travail dissimulé ait fait l’objet d’un procès-verbal de l’organisme de recouvrement à l’encontre de son prestataire, la cour d’appel a violé l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Selon l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, lorsqu’il est constaté que le donneur d’ordre n’a pas rempli l’une des obligations définies à l’article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, l’organisme de recouvrement procède à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d’ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.

6. Après avoir constaté que la société n’a pas rempli l’une des obligations définies à l’article L. 8222-1 du code du travail, l’arrêt retient que son cocontractant, la société Geym Survinter, a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, ainsi qu’il résulte du procès-verbal établi à son encontre le 7 février 2014.

7. De ces constatations, la cour d’appel a exactement déduit que l’URSSAF était fondée à procéder à l’annulation des réductions de cotisations dont la société avait bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.

8. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Alliance industrielle métallurgique de Bretagne aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alliance industrielle métallurgique de Bretagne et la condamne à payer à l’URSSAF de Bretagne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Alliance industrielle métallurgique de Bretagne

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L’arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU’ il a validé les deux mises en demeure du 24 mars 2015 et du 22 juillet 2015, a donné acte à l’URSSAF de Bretagne de ce que la société AIMB avait déjà acquitté la somme de 84.150 euros en exécution de la mise en demeure du 22 juillet 2015, et a condamné la société AIMB à payer la somme restante de 3.056 euros au titre de la mise en demeure du 24 mars 2015 ;

AUX MOTIFS QUE « Pour se prévaloir de la validité de la mise en oeuvre de la solidarité financière, l’Urssaf invoque en substance que l’article L. 8222-2 du code du travail prévoit que le mécanisme de la solidarité financière ne peut être actionné que si la société sous-traitante a fait l’objet préalablement d’un procès-verbal de travail dissimulé mais qu’ aucun texte n’ exige que la société soustraitante doit avoir été définitivement condamnée pour travail dissimulé, qu’en l’espèce, la société Geym Survinter a bien fait l’objet d’un procès-verbal préalable à la mise en oeuvre de la solidarité financière ainsi que produit en cause d’appel, lequel fait toujours l’objet d’une enquête, de sorte que la procédure pénale n’est pas close mais que seule est exigée l’existence d’un procès-verbal de travail dissimulé.
La société réplique en substance que l’absence de communication du procès-verbal et de preuve de sanction à l’encontre de son sous-traitant ne peut être régularisée en cause d’appel.
L’article L.8222-2 du code du travail prévoit que :
« Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé
1. Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;
2. Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;
3. Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie. »
En l’espèce, l’Urssaf de Bretagne produit le procès-verbal 14/1 16/108 daté du 7 février 2014 relevant le délit de travail dissimulé à l’encontre de la SARL Geym Survinter transmis au Procureur de la République, ainsi que le bulletin d’enregistrement judiciaire daté du 12 septembre 2014 ( pièce no 14 de ses productions), peu important à ce titre que cette production intervienne en cause d’appel, dès lors que la pièce a été portée à la connaissance de la société dans le cadre du débat judiciaire et qu’il est ainsi établi que la SARL Geym Survinter a bien fait l’objet d’un procès-verbal pour travail dissimulé. Il importe peu que l’Urssaf ne démontre pas que des poursuites aient abouti à une sanction à l’encontre de la société Geym Survinter puisque l’article L. 8222-2 du code du travail n’exige nullement que la société qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour travail dissimulé, ait fait l’objet d’une condamnation définitive, pour la mise en oeuvre de la solidarité financière, seule l’existence d ’un procèsverbal pour travail dissimulé à l’encontre du co-contractant étant requise à la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre pour défaut de vigilance.
S’agissant de la mise en oeuvre de la solidarité financière, l’Urssaf invoque en substance qu’ au jour de la signature du contrat, la société a signé avec un co-contractant qui n’existait pas juridiquement, ce qui n’est pas de nature de s’assurer avec certitude que toutes les conditions étaient réunies, que l’attestation versée ne concerne pas la SARL Geym Survinter mais M B..., personne physique, qu’en aucun cas ce document ne précise que la société est bien inscrite auprès de l’Urssaf en qualité d’employeur ni qu’elle est à jour de ses déclarations, qu’en conséquence cette attestation ne permet pas à la société de remplir ses obligations telles que visées à l’article D. 8225-5 du code du travail, qu’ au surplus le donneur d’ ordre doit avoir une attestation tous les six mois, qu’à ce titre si le contrat a été signé le 16 mars 2013 et dénoncé par courrier du 29 octobre 2013, la société aurait dû avoir une seconde attestation pour l’exécution du contrat à compter du 17 septembre 2013, que la société ne peut justifier d’une attestation reçue postérieurement à la première période de 6 mois, que la société ne remplit pas ses obligations visées à l’article D. 8222-5 du code du travail.
La société réplique que conformément aux dispositions des articles D. 8222-4 et D. 8222-5 du code du travail, elle a procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-l, s’étant fait remettre par son co-contractant les pièces exigées, relevant que les contrats conclus avec le prestataire sont en date du 16 mars 2013, que la société Geym Survinter ayant été immatriculée au greffe de commerce le 20 mars 2013, elle ne pouvait obtenir d’autre document lors de la conclusion du contrat que l’attestation de l’Urssaf en date du 15 avril 2013 indiquant que M. B..., SARL Geym Survinter est inscrit à l’Urssaf en qualité de profession libérale à la date du 15 mars 2013 et que l’intéressé n’est pas immatriculé en qualité d’employeur, que les trimestres étant dus à terme échu et s’agissant d’un début d’activité d’une société sans salarié, à la date du 16 mars 2013, la société Geym Survinter était forcément à jour de ses cotisations, alors que la signature d’un contrat de prestation avec une société en cours d’immatriculation n’est pas irrégulière. Elle ajoute que le renouvellement de la demande de fourniture des justificatifs visés à l’article D 8222-5, à l’issue du délai de six mois suivant le début du contrat, aurait été sans objet dans la mesure où elle avait décidé de mettre fin à la relation contractuelle avec la société Geym Survinter, ce qu’elle a d’ailleurs fait en lui adressant une lettre recommandée le 29 octobre 2013.
Le 16 octobre 2014, l’Urssaf a adressé à la société la lettre (pièce no 3 des productions de l’Urssaf) portant pour objet « Travail dissimulé. – Lettre d’observations concernant la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue aux articles L. 8222-1 et suivants du code du travail », indiquant que :
« Vous avez confié en une partie de votre activité en sous-traitance à : SARL Geym Survinter (...) qui a fait l’objet d’un contrôle dans le cadre de la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l’article L.8221-l du code du travail. Date de fin de contrôle : 5 mai 2014 Période vérifiée : 16/3/2013 au 3 1/3/2014. Liste des documents consultés (
) Il est apparu que vous ne vous êtes pas assuré de la régularité de la situation en vous faisant remettre les documents mentionnés à l’article D. 8222-5 du code du travail et mentionnant au titre des constatations que par courrier recommandé du 20.6.2014, je vous ai demandé de me fournir les pièces relatives à vos obligations de vigilance, à savoir, les contrats signés entre vous et la SARL Geym Survinter, les factures et les documents de vigilance relatifs à ces prestations.
Au terme de nos investigations, vous n’avez pas été en mesure de nous présenter l’intégralité des obligations de vigilance, prévues à l’article D. 82225 du code du travail, concernant vos relations avec votre prestataire qui a été verbalisé pour travail dissimulé.
Par conséquent, votre responsabilité est engagée puisque les vérifications vous incombant n’ont pas été réalisée comme le stipule la réglementation en vigueur.
Les cotisations non réglées par votre cocontractant, qui a fait l’objet d’un procèsverbal de travail dissimulé, sont mises à votre charge au titre de la solidarité financière prévue par les articles L. 8222-1 et suivants du Code du travail.
La présente, constitue la lettre d’observations prévue à l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale.
La mise en oeuvre de la solidarité financière est proratisée, en tenant compte de la période de défaut de vigilance et selon la formule suivante redressement notifié à votre cocontractant x chiffre d’affaires avec votre entreprise chiffre d’affaires total réalisé par votre cocontractant Soit une régularisation en cotisations de 2795 euros (...) »
L’article L. 8222-1 du code du travail prévoit que :
« Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.
Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret. »
L’article D. 8222-5 du même code prévoit que :
« La personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution
1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants
a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis),
b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers, c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente,
d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription. »
Il résulte des dispositions susvisées que le donneur d’ordre doit vérifier lors de la conclusion du contrat en vue de l’exécution d’un travail ou de la fourniture d’une prestation de services puis périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat que son cocontractant s’acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5.
Les documents énumérés par l’article D.8222-5 du code du travail sont les seuls dont la remise permet à la personne dont le co-contractant est établi en France lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4 de s’acquitter de l’obligation de vérification mise à sa charge par l’article L. 8222-1.
En l’espèce force est de constater que dans sa réponse en date du 27 octobre 2014 à la lettre d’observations concernant la mise en oeuvre de la solidarité financière (pièce no 4 des productions de la société) la société fait mention d’un contrat d’intervention sur alarme en date du 16 mars 2013 et un contrat de prévention et de sécurité privée en date du 16 mars 2013 ainsi que d’un ensemble de documents relatifs à la société Geym Survinter dont un extrait Kbis du 20 mars 2013. Il apparaît que la société n’a pas respecté son obligation de vigilance dès la conclusion du contrat, alors qu’elle ne saurait se prévaloir de l’attestation délivrée par l’Urssaf datée du 15 avril 2013 qui concernait M. B... I..., personne physique (pièce no 10-12 des productions de la société ) mais qui ne permettait pas à la société de remplir ses obligations s’agissant de la SARL Geym Survinter par la production d’une attestation concernant la SARL Geym Survinter datant de moins de six mois. Par ailleurs force est de constater que la société ne peut justifier d’une attestation reçue postérieurement à la première période de six mois à compter du 16 mars 2013, alors que les contrats ont fait l’objet d’une lettre de résiliation en date du 29 octobre 2013.
Dès lors que la société n’a pas respecté son obligation de vigilance mise à sa charge par l’article L.8222-l du code du travail par la production des documents énumérés par l’article D. 8222-5 du même code, il convient de retenir que l’Urssaf est fondée à procéder à la mise en oeuvre de la solidarité financière, contrairement à ce que soutient la société, de sorte que par infirmation du jugement il y a lieu de valider la mise en demeure du 24 mars 2015 pour un montant de 3.056 € et de condamner la société à verser à l’Urssaf de Bretagne la somme de 3.056 € représentant la mise en oeuvre de la solidarité financière augmentée des majorations de retard, sous réserve des majorations de retard complémentaires. » ;

ALORS QUE pour satisfaire à son obligation de vigilance, le donneur d’ordre professionnel est tenu d’obtenir lors de la conclusion du contrat avec son prestataire, d’une part, une attestation d’affiliation et de paiement des cotisations sociales émanant de l’organisme de recouvrement depuis moins de six mois et, d’autre part, un document justifiant de l’inscription de ce cocontractant à un registre commercial, un répertoire des métiers ou à un tableau professionnel ; que toutefois, les sociétés non encore immatriculées sont dépourvues de la personnalité juridique, et les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis ; qu’il en résulte que, lorsque le donneur d’ordre contracte avec le représentant d’une société en formation, l’attestation d’affiliation et de paiement des charges sociales qu’il doit obtenir lors de la conclusion du contrat ne peut concerner que la personne ayant signé le contrat pour le compte de la société en formation ; qu’en l’espèce, la société AIMB faisait valoir que le 16 mars 2013, date de conclusion des contrats, la SARL GEYM SURVINTER, cocontractante, était encore en formation (conclusions, p. 6 à 9) ; qu’elle produisait à cet effet les contrats signés par M. I... B... en qualité de mandataire de la société GEYM SURVINTER (pièce d’appel n° 8), ainsi que, parmi les documents de vigilance (pièce d’appel n° 10), un extrait K bis mentionnant une date d’immatriculation de cette société au 20 mars 2013 ; qu’en se bornant à relever que l’attestation d’affiliation délivrée par l’URSSAF le 15 avril 2013, bien que mentionnant « M. B... I... – SARL GEYM SURVINTER », ne concernait que M. B... à l’exclusion de sa société, sans s’expliquer, comme il lui était demandé, sur la circonstance que cette société n’avait été immatriculée que le 20 mars 2013, de sorte qu’il n’était pas possible d’obtenir une attestation d’affiliation et de cotisation pour la période antérieure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8222-1, L. 8222-2 et D. 8222-5 du code du travail, ensemble les articles 1842 et 1843 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L’arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU’ il a validé la mise en demeure du 22 juillet 2015 pour un montant de 84.150 euros, et a donné acte à l’URSSAF de Bretagne de ce que la société AIMB avait déjà acquitté cette somme ;

AUX MOTIFS QUE « S’agissant de l’annulation des réductions ou exonérations, l’Urssaf se prévaut des dispositions de l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale et soutient que cette annulation est subordonnée à la rédaction d’un procès-verbal de travail dissimulé transmis au Procureur de la République qui constate le travail dissimulé à l’encontre du sous-traitant, que l’annulation s’applique dans la limite de la prescription selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas de l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale sans que son montant global puisse excéder 75.000 € pour une personne morale, qu’en aucun cas l’Urssaf ne doit motiver sa décision lorsqu’elle décide de reprendre les exonérations Fillon par la qualification de la gravité des faits de travail dissimulé reproché au sous-traitant, qu’elle était fondée à reprendre le plafond maximum soit 75.000 €, la société ayant bénéficié de 94.685 € d’exonérations Fillon pour l’année 2013.
La société réplique en substance que l’Urssaf doit apprécier la gravité des faits constitutifs de l’infraction de travail illégal ainsi que le prévoit l’article L. 8272-l du code du travail, alors qu’elle s’est abstenue de motiver sa décision de remettre en cause des exonérations accordées à hauteur du plafond, ce qui aboutit à un résultat disproportionné entre les cotisations non réglées par le soustraitant et la sanction appliquée à la société, que l’application faite par l’Urssaf lui cause un préjudice financier important et disproportionné au regard de sa bonne foi et de ses diligences. Elle ajoute que la mise en oeuvre directe de la solidarité financière suppose une condamnation pénale définitive, à défaut de quoi la mise en demeure est sans cause.
L’Urssaf a adressé à la société une lettre du 18 novembre 2014 (pièce no 6 des productions de l’Urssaf), portant pour objet : « Travail dissimulé. Lettre d’observations concernant l’annulation des exonérations du donneur d’ordre non vigilant, prévue à l’article L. 133-4-5 du code de la Sécurité sociale » faisant mention des éléments suivants :
« Vous avez confié pour la période du 16.3.2013 au 31.3.2014 une partie de votre activité en sous-traitance à SARL Geym Survinter (...).
Cette entreprise a assuré sa prestation en violation des articles L 8221-1, L. 8221-2, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du Travail, ce qui est constitutif du délit de travail dissimulé et qui a fait l’objet d’un procès-verbal adressé au parquet de Saint Brieuc.
Il est apparu que vous ne vous êtes pas assuré de la régularité de la situation en vous faisant remettre les documents mentionnés aux articles D. 8222-5et D. 8222-7 du code du travail », et vise un total des cotisations dues de 75 000 € au titre de l’année 2013 L’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit que :
« Lorsqu’il est constaté que le donneur d’ordre n’a pas rempli l’une des obligations définies à l’article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, l’organisme de recouvrement procède à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d’ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage encourt la même sanction, dans les mêmes conditions, lorsqu’il est constaté qu’il a manqué à l’obligation mentionnée à l’article L. 8222-5 du code du travail.

L’annulation s’applique pour chacun des mois au cours desquels les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article sont vérifiées. Elle est calculée selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas de l’article L. 133-4-2, sans que son montant global puisse excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.
Les modalités d’application du présent article, en particulier la manière dont est assuré le respect du principe du contradictoire, sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
En l’espèce il a bien été constaté que le donneur d’ordre n’a pas rempli l’une des obligations définies à l’article L. 8222-l du code du travail et que la société Geym Survinter a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, ainsi qu’il résulte du procès-verbal susvisé (pièce no 14 des productions de l’Urssaf). Contrairement à ce que la société invoque, le texte susvisé ne prévoit pas que l’Urssaf doive motiver sa décision à l’égard du donneur d’ordre en fonction de la gravité des faits constitutifs de travail dissimulé reproché au sous-traitant, étant observé que l’article L.8272-l du code du travail invoqué par la société concerne les aides publiques accordées à l’employeur et non les exonérations Fillon du donneur d’ordre. Par ailleurs, toujours contrairement à ce que la société invoque, il n’est pas nécessaire que la société sous-traitante ait fait l’objet d’une condamnation définitive.
Par suite il convient de relever que l’Urssaf était fondée à procéder à l’annulation de la réduction Fillon dont la société a bénéficié au cours de l’année 2013 par suite de la mise en oeuvre de la solidarité financière, dans la limite du plafond prévu par l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, lequel ne prévoit pas une sanction disproportionnée au regard du but poursuivi par le législateur, ni au regard des exonérations dont la société a bénéficié pour l’année 2013. Ainsi la mise en demeure du 22 juillet 2015 pour un montant de 84.150 € doit être validée, étant relevé que la société AIMB a procédé au règlement de son montant. » ;

ALORS QUE, premièrement, lorsqu’il est constaté que le donneur d’ordre n’a pas rempli l’une des obligations de vigilance prévues aux articles L. 8222-1 et D. 8222-5 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé, l’organisme de recouvrement procède à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d’ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés ; que cette annulation des réductions ou exonérations sociales à l’égard du donneur d’ordre à raison d’un travail dissimulé commis par son prestataire suppose que l’infraction ait été constatée par une décision de justice ou qu’elle le soit par le juge saisi à l’occasion de la contestation soulevée par le donneur d’ordre ; qu’en retenant, pour tenir cette infraction comme établie à l’égard de la société AIMB, qu’il suffisait que le travail dissimulé ait fait l’objet d’un procès-verbal de l’organisme de recouvrement à l’encontre de son prestataire, la cour d’appel a violé l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, l’annulation d’exonération de charges sociales pour travail dissimulé est limitée, à l’égard du donneur d’ordre, à la somme de euros, lorsque celui-ci est une personne morale ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que le montant global de l’annulation ne pouvait excéder le montant de 75.000 euros pour une personne morale ; qu’en validant néanmoins la mise en demeure adressée par l’URSSAF de Bretagne pour un montant de 84.150 euros, la cour d’appel a violé l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale.