Disc jockey artiste non salarié

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 14 octobre 2009

N° de pourvoi : 08-42908

Publié au bulletin

Cassation

Mme Collomp (président), président

Me Balat, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l’article L. 7121 3 du code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a exercé les fonctions de disc jockey au sein de la boîte de nuit à l’enseigne “ Les Bains “ exploitée par la société FBO dans le cadre d’un contrat de location gérance conclu avec la société Vima ; que la société Royal Colisée a succédé, le 6 janvier 2004, à la société FBO dans la location gérance du même établissement ; que M. X... a été engagé à compter du 25 février 2004 par la société Royal Colisée par contrat de travail à temps partiel avec une période d’essai d’un mois renouvelable ; que la société a mis fin à la période d’essai, le 23 mars suivant ; que les sociétés FBO et Royal Colisée ont été mises en liquidation judiciaire, le 26 janvier 2004 et le 23 juin 2005 ; que M. X... a saisi la juridiction prud’homale pour voir dire qu’il était titulaire d’un contrat de travail avec la société FBO, que ce contrat avait été transféré à la société Royal Colisée, que la période d’essai était illicite, et pour demander la fixation de sa créance sur les sociétés FBO, Royal Colisée et Vima à titre de rappel de salaire, indemnités de rupture, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages intérêts pour travail dissimulé ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes tendant à ce que soient fixées au passif de la procédure collective de la société FBO diverses créances à titre de rappel de salaire, de congés payés et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l’arrêt retient que la présomption de salarié dont bénéficie M. X... est contredite par les éléments de la cause, qu’en effet, M. X... ne produit aucun contrat de travail, aucun bulletin de paie, ni preuve du versement d’une rémunération régulière, sous quelque forme que ce soit, impliquant un travail régulier, effectué dans le cadre d’un lien de subordination avec la SARL FBO, qu’il ressort de l’une des cartes relatives à cette boîte de nuit versées aux débats, intitulée “ Pass VIP “, que M. X... y est mentionné comme simple disc-jockey au sein de la boîte de nuit dont s’agit, mais sans mention de “ résident “ contrairement à un autre disc-jockey figurant sur cette carte, qui y est dénommé “ DJ-Max “, qu’alors que cette mention de “ résident “ induit un travail par définition régulier, son absence étant de nature à démontrer que le travail de M. X... avait un caractère ponctuel comme le soutiennent les intimés, qu’en l’absence de tout document portant une telle mention, alors que celle-ci apparaît être un usage au sein de sa profession, eu égard à la carte précitée portant le nom de “ DJ Max “, et de tout autre élément de preuve la corroborant, l’unique attestation d’un agent de sécurité de la boîte de nuit dont s’agit, M. Z..., est insuffisante à établir le caractère salarial de la relation de travail existant entre la société FBO et M. X... ;
Qu’en statuant ainsi, sans constater que l’intéressé, dont la qualité d’artiste du spectacle n’était pas discutée, exerçait son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne l’annulation par voie de conséquence des dispositions qui sont critiquées par le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 novembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Balat, avocat de M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à ce que soient fixées au passif de la procédure collective de la Société FBO diverses créances à titre de rappels de salaire, de congés payés et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article L. 762-1 du Code du travail, tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; qu’alors qu’il est constant que l’énumération des métiers d’artistes du spectacle, telle que donnée par l’article L. 762-1 du Code du travail n’a pas de caractère limitatif, eu égard à l’adverbe “ notamment “ utilisé par ce texte, il n’est pas utilement contesté que Monsieur X... exerçait les fonctions de disc-jockey au sein de la boîte de nuit, exploitée par la SARL FBO ; que ces fonctions, qui consistent à être en charge de la sonorisation et du choix des disques passés dans les soirées, équivalent à celles d’arrangeur-orchestrateur, citées dans l’énumération citée par l’article L. 762-1 précité du Code du travail ; qu’elles relèvent en conséquence du statut d’artiste du spectacle dans la mesure où l’intéressé se produisait sur la scène, au sens large, de la boîte de nuit et faisait oeuvre créatrice dans l’accomplissement de son travail ; que dans ces conditions, il revient aux mandataires liquidateurs des société FBO et ROYAL COLISEE de combattre la présomption susvisée, édictée par l’article L. 762-1 du Code du travail ; que la présomption de salarié dont bénéficie Monsieur X... est contredite par les éléments de la cause, que font valoir les intimés ; qu’en effet, Monsieur X... ne produit aucun contrat de travail, aucun bulletin de paie, ni preuve du versement d’une rémunération régulière, sous quelle que forme que ce soit, impliquant un travail régulier, effectué dans le cadre d’un lien de subordination avec la Société FBO ; qu’alors qu’il verse aux débats plusieurs cartes et publicités relatives à cette boîte de nuit, il ressort au contraire de l’une de ces cartes, intitulée “ Pass VIP “ que Monsieur X... y est mentionné comme simple disc-jockey au sein de la boîte de nuit dont s’agit, mais sans mention de “ résident “, contrairement à un autre disc-jockey figurant sur cette carte, qui y est dénommé “ DJ Max “ ; qu’alors que cette mention de “ résident “ induit un travail par définition régulier, son absence est de nature à démontrer que le travail de Monsieur X... avait un caractère ponctuel comme le soutiennent les intimés ; qu’en l’absence de tout document portant une telle mention, alors que celle-ci apparaît être un usage au sein de sa profession, eu égard à la carte précitée portant le nom de “ DJ Max “ et de tout autre élément de preuve la corroborant, l’unique attestation d’un agent de sécurité de la boîte de nuit dont s’agit, Monsieur Z..., est insuffisante à établir le caractère salarial de la relation de travail existant entre la SARL FBO et Monsieur X... ; qu’en effet, ce témoin se borne à déclarer que Monsieur X... était disc-jockey dit “ résident “ aux Bains-Douches, sans préciser d’autre période que du 7 juillet au 24 août, sans au demeurant en préciser même l’année ; que dans ces conditions, si les pages Internet versées aux débats par l’intéressé montrent qu’il apparaît comme étant intervenu à plusieurs reprises comme disc-jockey dans les soirées de cette boîte de nuit entre le 20 septembre et le 13 décembre 2003, aucun élément probant ne démontre qu’il intervenait en qualité de salarié de la SARL FBO ni de la Société VIMA ; qu’il convient enfin de relever que Monsieur X..., qui réclame des rappels de salaires pour la période du 7 juillet au 25 août 2003, puis de cette date au 31 décembre 2003 à la SARL FBO, ne communique aucun élément de nature à préciser ses horaires de travail à temps partiel ni la base de calcul qu’il retient pour ce rappel de salaire ; qu’il ne précise en particulier pas le montant du salaire qu’il prétend avoir perçu en liquide de la part de cette société avant ces dates ; qu’enfin, comme le relèvent à juste titre les mandataires liquidateurs des sociétés FBO et ROYAL COLISEE, aucune des conventions relatives à la résiliation et au contrat de location gérance entre les sociétés précitées et la Société VIMA, propriétaire du fonds de commerce, ne mentionnent Monsieur X... comme salarié de l’une ou l’autre de ces sociétés ; qu’il y a en conséquence lieu de considérer que Monsieur X... est intervenu au sein de la boîte de nuit exploitée par la SARL FBO en qualité d’artiste indépendant et non de salarié ;
ALORS QUE tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; qu’en estimant que la présomption de salariat se trouvait renversée, au seul motif que Monsieur X... n’était pas mentionné comme “ résident “ dans la boite de nuit, et sans rechercher si l’intéressé exerçait son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, la cour d’appel s’est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7121-3 (anciennement L. 762-1, alinéa 1er) du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à ce que soient fixées au passif de la procédure collective de la Société ROYAL COLISEE diverses créances à titre de rappels de salaire, de congés payés, d’indemnité de préavis, d’indemnités de rupture et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE quand bien même la SARL ROYAL COLISEE a succédé le 6 janvier 2004 à la Société FBO dans la location gérance de cette boîte de nuit, propriété de la Société VIMA, c’est en vain que Monsieur X... prétend être devenu salarié de la SARL ROYAL COLISEE, à compter de cette date, en application des dispositions de l’article L. 122-12 du Code du travail ; qu’il convient de relever qu’aucun élément probant ne démontre que Monsieur X... a exercé des fonctions de disc-jockey à partir du 6 janvier 2004 au sein de la boîte de nuit, alors que l’ensemble des documents qu’il produit, cartes de visite et de publicité de la boîte de nuit en cause portent des dates de l’année 2003 et non 2004 ; que dès lors, il n’est pas établi qu’il se soit produit en tant que disc-jockey pour le compte de la SARL ROYAL COLISEE avant la conclusion du contrat de travail litigieux avec cette dernière société le 23 février 2004 ; que dans ces conditions, la présomption de salariat dont bénéficie Monsieur X... au sein de la SARL ROYAL COLISEE avant la signature de son contrat à durée indéterminée, le 23 février 2004, à compter du 25 février suivant, est combattue par les intimés dans les mêmes conditions, à savoir absence de preuve de travail dans des conditions salariées ; qu’à cet égard, le fait que le gérant de la SARL ROYAL COLISEE soit également dirigeant délégué de la Société VIMA ne suffit pas à lui seul à établir l’existence d’une relation salariale avec la SARL ROYAL COLISEE avant le 23 février 2004, date de conclusion du contrat à durée indéterminée litigieux entre l’intéressé et la SARL ROYAL COLISEE ; qu’en l’absence de preuve de l’existence d’un contrat de travail antérieure au contrat de travail à durée indéterminée du 23 février 2004, Monsieur X... sera débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé formée à l’encontre de la SARL ROYAL COLISEE ; que dès lors, quand bien même Monsieur X... avait exercé des fonctions de disc-jockey en tant qu’artiste indépendant au sein de la boîte de nuit exploitée par la SARL FBO, la période d’essai prévue par contrat de travail susvisé du 23 février 2004 est en conséquence licite et opposable au salarié ;
ALORS, D’UNE PART, QUE la cassation qui interviendra dans le cadre du premier moyen de cassation, et qui mettra à néant les motifs de l’arrêt attaqué écartant l’existence d’un contrat de travail entre Monsieur X... et la Société FBO, s’étendra par voie de conséquence au chef de dispositif de l’arrêt attaqué ayant par ailleurs refusé de reconnaître que, par application des dispositions de l’article L. 1224-1 (anciennement L. 122-12, alinéa 2) du Code du travail, Monsieur X... est devenu le salarié de la Société ROYAL COLISEE lors de la reprise par celle-ci du contrat de location gérance qui était exécuté par la Société FBO, l’arrêt attaqué se trouvant en définitive, sur ce dernier point, privé de tout fondement légal au regard du texte susvisé ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’abus de la rupture au cours de la période d’essai peut être valablement invoquée par le salarié réembauché ; qu’en affirmant que, “ quand bien même M. X... avait exercé des fonctions de disc-jockey en tant qu’artiste indépendant au sein de la boite de nuit exploitée par la Sarl FBO, la période d’essai prévue par contrat de travail susvisé du 23 février 2004 est en conséquence licite et opposable au salarié “ (arrêt attaqué, p. 9 § 1), cependant qu’à supposer même qu’il ait exercé ses fonctions de disc-jockey au sein de la Société FBO en qualité de travailleur indépendant, Monsieur X... était en mesure d’invoquer, en qualité de salarié réembauché par la Société ROYAL COLISEE, l’abus de la rupture intervenue au cours de la période d’essai prévue par le contrat de travail conclu avec cette dernière, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) et L. 1224-1 (anciennement L. 122-12) du Code du travail.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 20 novembre 2007