Contrat unique

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 12 mars 2015

N° de pourvoi : 13-26579 13-26835

ECLI:FR:CCASS:2015:C200364

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Flise (président), président

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Joint les pourvois n° J 13-26. 579 et N 13-26. 835 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la suite d’un contrôle portant sur les années 2004 et 2005, l’URSSAF de Paris et de la région parisienne, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Ile-de-France (l’URSSAF), a notifié à la société TS3 divers chefs de redressement résultant, notamment, de la réintégration, dans l’assiette des cotisations et contributions, des sommes versées aux sociétés Nlonkak et Nina productions, et lui a délivré une mise en demeure le 22 mars 2007 ; que la société TS3 a saisi une juridiction de sécurité sociale ; que le Syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacle (le syndicat) est intervenu volontairement à l’instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° N 13-26. 835 :
Attendu que la société TS3 fait grief à l’arrêt de valider le redressement, alors, selon le moyen :
1°/ que l’absence d’observation vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification dès lors que l’institution de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause ; que la société TS3 faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que les conditions d’engagement des artistes pendant la période ayant fait l’objet de la première vérification, soit la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, et celles pratiquées au cours de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, étaient rigoureusement identiques ; qu’en se bornant à énoncer, pour dire que la société TS3 ne rapportait pas la preuve d’un accord antérieur de l’URSSAF, s’agissant de la pratique consistant à cumuler un contrat de longue durée avec des engagements ponctuels, que seuls les engagements inférieurs à cinq jours avaient donné lieu à vérification, sans constater que l’URSSAF n’avait pas eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, à raison, par exemple, d’une dissimulation frauduleuse par la société TS3 de la pratique incriminée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 243-59, alinéa 8, du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la société TS3 faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que la pratique consistant à reverser aux sociétés créées par certains artistes la majeure partie des recettes de leurs spectacles existait déjà lors du précédent contrôle effectué par l’URSSAF et n’avait donné lieu à aucune observation de sa part ; qu’elle exposait ainsi que, notamment, le contrat conclu avec la société Satori Song, pour l’organisation de la tournée d’Etienne X..., en date du 3 novembre 2000, prévoyait le versement à cette société de 70 % des recettes nettes de la tournée ; qu’elle observait que ce contrat était conçu en des termes identiques à ceux des contrats conclus ultérieurement avec les sociétés Nlonkak et Nina production, objets du redressement litigieux ; qu’il en allait de même pour le contrat conclu pour la tournée du chanteur MC Solaar (conclusions page 42) ; que l’identité de ces situations n’était pas contestée par l’URSSAF, qui se bornait à prétendre que la société TS3 ne pouvait s’en prévaloir, faute d’avoir été elle-même l’objet du précédent contrôle ; que la cour d’appel, qui a constaté que la société TS3 était recevable à se prévaloir du précédent contrôle, mais s’est bornée à énoncer que cette question n’avait pas alors été évoquée, que le précédent contrôle portait sur une période antérieure à la création des sociétés Nlonkak et Nina production, et que la société TS3 n’avait pas encore adopté une telle pratique, sans répondre au moyen faisant état de pratiques similaires, peu important qu’elles aient concerné d’autres sociétés ou d’autres artistes, a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°/ qu’en statuant ainsi sans s’expliquer sur le moyen par lequel la société TS3 faisait état de pratiques similaires la cour d’appel a également méconnu l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l’arrêt retient, d’une part, qu’il n’est pas justifié qu’à l’occasion du premier contrôle, les inspecteurs du recouvrement aient eu connaissance du fait que les artistes bénéficiaient d’un contrat conclu pour plusieurs mois et d’engagements passés à l’occasion de chaque concert, et qu’en réalité seuls ces derniers engagements, inférieurs à cinq jours, avaient donné lieu à vérification, et non la pratique consistant à cumuler un contrat de longue durée avec des engagements ponctuels, d’autre part, que la société TS3 n’avait pas encore adopté, à l’époque du premier contrôle, la pratique consistant à rémunérer les artistes au moyen de cachets d’un montant fixe pour chaque concert et à reverser aux sociétés créées par les artistes la majeure partie des recettes des spectacles ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de caractériser une dissimulation frauduleuse, par la société TS3, au cours du premier contrôle, de la pratique consistant à cumuler un contrat de longue durée avec des engagements ponctuels, et qui a répondu aux conclusions par lesquelles cette dernière faisait valoir que la pratique consistant à reverser aux sociétés créées par certains artistes la majeure partie des recettes de leurs spectacles existait déjà lors du premier contrôle, a exactement déduit que le moyen tiré d’un accord tacite de l’URSSAF aux pratiques ayant donné lieu aux chefs de redressement litigieux devait être écarté ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi n° N 13-26. 835, pris en sa seconde branche :
Vu l’article L. 120-3, devenu L. 8221-6, I, 3°, du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation, notamment les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;
Attendu que pour rejeter le recours de la société, l’arrêt retient que celle-ci ne peut se prévaloir de la présomption de non-salariat instituée par l’article L. 8221-6 du code du travail pour dénier la qualité de salariés aux artistes dont elle a organisé le spectacle dès lors qu’il n’est pas établi que ceux-ci étaient personnellement inscrits au registre du commerce et des sociétés ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par l’URSSAF d’Ile-de-France et déclaré la société TS3 irrecevable en ses demandes de remboursement d’un prétendu trop-versé sur le fondement de l’arrêté du 24 janvier 1975 et au titre des sommes allouées à Yannick Y... et Z... du 1er janvier au 31 décembre 2006, l’arrêt rendu le 26 septembre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l’URSSAF de l’Ile-de-France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° J 13-26. 579 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour le Syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles des spectacles.
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR rejeté la demande du Syndicat PRODISS tendant à ce qu’il soit dit et jugé que la présomption de salariat prévue aux articles L. 7121-3 du code du travail et L. 311-3 15°) du code de la sécurité sociale ne s’applique pas aux cas particuliers de Messieurs Yannick Y... et Z... dans leurs relations avec la société TS3, et d’AVOIR condamné la société TS3 à verser à l’Urssaf la somme de 1. 010. 523 ¿ en cotisations et celle de 102. 285 ¿ représentant les majorations de retard provisoires ;
AUX MOTIFS PROPRES QU’« en l’espèce, les inspecteurs du recouvrement ont relevé qu’à l’occasion des tournées conçues et élaborées par la société TS3, entrepreneur des spectacles interprétés par MM. Yannick Y... et Z..., cette société avait conclu avec chacun d’eux un contrat prévoyant le paiement d’un cachet pour chaque représentation sur scène et convenu le même jour avec les sociétés Nlonkak et Nina Productions, titulaires des droits exclusifs d’exploitation et de gestion des concerts de l’un et l’autre de ces artistes, un contrat leur assurant de 40 % à 70 % du résultat net de la recette des tournées de concerts ; que seul le montant des cachets a été soumis à cotisation ; Que pour s’abstenir du paiement des cotisations sur cette participation aux résultats des concerts, la société TS3 doit établir que les artistes dont elle a organisé le spectacle ont exercé leurs activités dans des conditions impliquant leur inscription au registre du commerce ; Cependant que le simple fait que la quote-part des recettes des tournées ne soit pas remise directement aux artistes mais soit versée aux sociétés qu’ils ont constituées spécialement pour l’exploitation de leurs concerts ne fait pas obstacle au jeu de la présomption de salariat qui subsiste quels que soient le mode et le calcul de la rémunération ainsi que les modalités de sa perception ; que, selon la société TS3, c’est d’ailleurs à la demande expresse des artistes que la participation aux résultats est versée aux sociétés gestionnaires de leurs droits mais cette entremise ne suffit pas en soi à modifier la nature des relations existant entre l’entrepreneur de spectacles et les artistes ; Qu’il importe peu que les sociétés d’artistes soient elles-mêmes inscrites au registre du commerce dès lors que, dépourvues de licence d’entrepreneur de spectacles, elles ne participent pas financièrement aux dépenses liées à la production et à l’organisation des tournées ; Que, de même, la définition d’un commun accord des prestations scéniques et des choix artistiques ou même leur fixation unilatérale par l’artiste ne suffit pas à détruire la présomption de salariat qui demeure même lorsque la liberté de création est intégralement préservée ; que cette présomption de salariat des artistes du spectacle vis à vis de la société qui produit leurs spectacles joue sans qu’il soit nécessaire de caractériser un lien de subordination ; Ensuite que la société TS3 ne peut pas non plus se prévaloir de la présomption de non-salariat prévue à l’article L 8221-6 du code du travail pour dénier la qualité de salarié aux artistes dont elle a organisé le spectacle dès lors qu’il n’est pas établi que les deux personnes en cause soient inscrites personnellement au registre du commerce ; Qu’en réalité, la présomption de salariat n’est écartée que si l’artiste du spectacle accepte d’assumer les risques de la production ; Qu’ici, les sociétés Nlonkak et Nina Productions ne participent à aucun des frais afférents à la création et à l’organisation du spectacle dont les coûts incombent exclusivement à la société TS3 qui, aux termes des contrats, prend en charge tous les frais de location, de publicité, de billetterie, d’assurances, de frais d’équipement techniques, administratifs et artistiques, les charges sociales, frais de transport, de séjour, de droits d’auteur et plus généralement tous frais et honoraires afférents au spectacle ; que, selon l’article 5, la société assume’l’ensemble des charges et des pertes liées à la production ; Qu’il n’existe pas non plus de participation en tout ou partie des artistes ou de leurs sociétés aux pertes des tournées, et le seul aléa encouru provient du caractère variable des recettes redistribuées en fonction du résultat commercial des tournées, mais cela n’a pas pour effet de priver les artistes de toute rémunération puisqu’ils conservent en tout état de cause les cachets fixés pour chaque concert ; Qu’enfin, la société TS3 ne peut sans contradiction prévoir, pour la même prestation sur scène de l’artiste, une rémunération sous la forme d’un cachet soumis à cotisation sociale et une participation aux résultats de la tournée sur laquelle elle s’abstient de cotiser sous prétexte du caractère indépendant de cette prestation ; qu’il s’agit en réalité de deux modalités de rétribution de la même activité artistique de représentation publique, sans qu’il soit justifié de distinguer entre la partie fixe de la rémunération et la partie variable dépendant des recettes ; que d’ailleurs, antérieurement au contrat conclu le 1er octobre 2004 avec la société Nina Production, il était prévu, par l’article 7 du contrat de scène passé avec M. Z..., que la rémunération proportionnelle sera payable à l’artiste en salaire, les charges sociales patronales et autres taxes sur salaire étant décomptées, ce qui montre bien la nature salariale de cette participation aux résultats des tournées ; Qu’ainsi les sommes reversées aux sociétés d’artistes n’ont pas d’autre cause que les prestations de l’artiste sur scène et font partie de sa rémunération ; Que c’est donc à juste titre que l’URSSAF a réintégré dans l’assiette des cotisations cette partie variable de la rémunération des artistes » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « s’agissant tout d’abord de Yannick Y..., on notera tout d’abord que la société NLONKAK qui a été constituée concomitamment avec le contrat passé entre la société TS3 et Y. Y..., ne détient aucune licence d’entrepreneur de spectacle. Étant relevé que la société NLONKAK est une E. U. R. L. dont Yannick Y... est l’unique porteur de parts et le gérant, le tribunal constate que le contrat de production conclu entre la société TS3 et Yannick Y... fixe à 1 000 ¿ bruts le cachet versé par représentation et que le contrat entre la société TS3 et la société NLONKAK prévoit une rémunération de la société NLONKAK à hauteur de 70 % du résultat net de la tournée. Le résultat net est défini comme la somme des résultats nets de production et/ ou de vente de l’ensemble des représentations de la tournée, déduction faite de 8 % des frais dits “ de bureau “ de la société TS3, à laquelle s’ajoutent le montant HT des subventions obtenues par TS3 ainsi que les éventuels parrainages commerciaux (...) et déduction faite des éventuels honoraires et/ ou commissions d’intermédiaires “. Le versement de cachets dérisoires à Yannick Y... confirme que sa rémunération passe par d’autres voies. Par ailleurs, la définition du résultat net montre bien que c’est la société TS3 qui engage seule les frais de toute sorte visées à l’article 1. 5 (frais afférents à la création et à la préparation du spectacle, éventuels frais de location de salle, frais de publicité et de promotion, de billetterie, d’assurances, les salaires des personnels, les frais de transport, de séjour, service de protection de l’artiste, etc.) et assume seule “ l’ensemble des charges et des pertes liées à la production (article 5 du contrat), ceci, sans que la société NLONKAK assume les éventuelles pertes, le seul risque étant l’absence de rémunération. S’agissant de Z..., l’organisation a connu diverses modifications. Dans le contrat signé le 19 juin 2003 entre Z... personnellement et la société TS3, il est prévu que la création scénique est “ conçue et élaborée à l’initiative et sous la responsabilité de TS3, en concertation avec Z... ”. Z... est rémunéré à hauteur de 185 ¿ bruts par représentation outre 40 % du résultat net de la tournée, défini de la même façon que dans le contrat avec la société NLONKAK, “ si et seulement si ce résultat est positif “, ce qui signifie que Z... n’assume pas les pertes éventuelles. Le 1’octobre 2004, deux nouveaux contrats sont passés entre la société TS3 et une autre société dénommée société RAPAS et qualifiée de producteur d’une part et Z... pour l’un et NINA Production pour l’autre. Dans le contrat avec Z..., un salaire de 500 ¿ bruts par représentation est prévu. Quant à la société NINA Production, qui n’a aucune licence d’entrepreneur de spectacle, il est indiqué qu’elle perçoit 40 % du résultat net de la tournée. Puis, par avenants du 27 mai 2005, la rémunération versée passe à 50 % du résultat net de la tournée. Il reste prévu que la société NINA Production ne supporte pas les pertes. Autrement dit, l’organisation s’est calquée sur celle prévue avec Yannick Y..., à ceci près qu’il existe un second producteur dont le tribunal note que le gérant n’est autre que le gérant de la société NINA Production, étant rappelé par ailleurs que Z... est associé dans la société NI NA Production. Tous ces éléments conduisent le tribunal à constater que les sociétés NLONKAK et NINA Production n’ont été créées que pour faire échapper les sommes versées aux artistes au titre de leur travail aux prélèvements sociaux du régime général » ;
ALORS, D’UNE PART, QUE selon l’article L. 7121-3 du code du travail « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce » ; que ce texte, instaurant une présomption de salariat de l’artiste de spectacle et impliquant la qualification en salaire des sommes qu’il perçoit du producteur du spectacle, ne s’applique qu’entre les rapports entre cet artiste, personne physique, et la société de production ; que ce texte ne saurait s’appliquer s’agissant des rapports liant une société de production et une société de promotion, personne morale, gérant l’organisation des spectacles et les droits à l’image de l’artiste ; qu’en effet, sauf fraude ou société fictive, ne peuvent être qualifiées de salaire les sommes versées par une personne morale à une autre personne morale ; qu’en décidant au contraire, sans constater de fraude ni le caractère fictif des sociétés NLONKAK et NINA PRODUCTIONS, que les sommes versées au titre de l’organisation des spectacles et des droit à l’image des artistes Yannick Y... et Z..., par la Société TS3 à ces deux sociétés, personnes morales inscrites au registre du commerce, devaient être requalifiées de « salaire » soumis à charges sociales, la cour d’appel a violé les articles L. 7121-3 du code du travail et L. 311-3 15° du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la présomption de salariat de l’artiste de spectacle prévue par l’article L. 7121-3 du code du travail est une présomption simple qui peut être écartée lorsque l’artiste exerce sa prestation « dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce » ; que tel est le cas en présence d’un artiste exerçant son activité de manière indépendante, c’est à dire qui dispose d’une indépendance tant scénique, juridique, qu’économique dans l’exercice de son art ; qu’en requalifiant en salaire les rémunérations sur les recettes perçues par les sociétés NLONKAK et NINA PRODUCTIONS, sans tenir compte des moyens soulevés par l’exposante faisant valoir, d’une part, que les deux artistes intervenaient en dehors de tout lien de subordination avec la Société TS3, et d’autre part, que les sommes perçues par les sociétés NLONKAK et NINA PRODUCTIONS venaient rémunérer non l’exécution subordonnée d’un travail mais le droit à l’image des artistes ainsi que l’organisation du spectacle, de sorte que la présomption de salariat de l’article L. 7121-3 était renversée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ensemble l’article L. 311-3 15° du code de la sécurité sociale ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l’existence d’un aléa économique pesant sur la rémunération d’un artiste est en soi de nature à démontrer l’exercice de son art « dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce » et donc à écarter la présomption de salariat ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la rémunération sur recette versée aux sociétés NLONKAK et NINA PRODUCTIONS était conditionnée à un aléa économique tenant précisément à l’existence de recettes bénéficiaires ; qu’en requalifiant néanmoins de « salaire » les rémunérations sur recettes perçues par les sociétés NLONKAK et NINA PRODUCTIONS motifs pris de ce qu’« elles ne participent à aucun des frais afférents à la création et à l’organisation du spectacle dont les coûts incombent exclusivement à la société TS3 qui, aux termes des contrats, prend en charge tous les frais de location, de publicité, de billetterie, d’assurances, de frais d’équipements techniques, administratifs et artistiques, les charges sociales, frais de transports, de séjour, de droits d’auteur et plus généralement tous frais et honoraires afférents au spectacle » (arrêt p. 8 dernier §), cependant que l’exécution par une société d’une prestation en qualité de prestataire commercial n’est nullement subordonnée à sa participation aux risques et aux éventuelles pertes d’exploitation de son client et que la seule existence, comme en l’espèce, d’un aléa économique sur la rémunération de sa prestation était de nature à écarter la présomption de salariat, la cour d’appel a violé les articles L. 7121-3 du code du travail et L. 311-3 15° du code de la sécurité sociale ;
ALORS, ENFIN DE QUATRIEME PART, QUE sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; que le Syndicat PRODISS faisait valoir, en l’espèce, que Yannick Y... était dirigeant de la société NLONLAK, et que Z... était associé et salarié de la société Nina Productions ; qu’elle en déduisait que devait être écartée toute présomption de contrat de travail entre les sociétés NLONKAK et NINA PRODUCTIONS et ces deux artistes ; qu’en énonçant, pour écarter ce moyen, que messieurs Y... et Z... n’étaient pas inscrits personnellement au registre du commerce et des sociétés, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article L. 8221-6 I 3° du code du travail. Moyens produits au pourvoi n° N 13-26. 835 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société TS3.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société TS3 à verser à l’Urssaf la somme de 1. 010. 523 ¿ en cotisations et celle de 102. 285 ¿ représentant les majorations de retard provisoires ;
AUX MOTIFS QUE les situations ayant fait l’objet du précédent contrôle ne sont pas les mêmes que celles donnant lieu au présent redressement ; qu’il n’est en effet pas justifié qu’à l’occasion de ce premier contrôle, les inspecteurs du recouvrement aient eu connaissance du fait que les artistes bénéficiaient à la fois d’un contrat conclu pour plusieurs mois et d’engagements passés à l’occasion de chaque concert ; qu’en réalité, seuls ces derniers engagements inférieurs à 5 jours ont donné lieu à vérification et non la pratique consistant à cumuler un contrat de longue durée avec des engagements ponctuels ; que de même la question de l’assiette des cotisations dues sur les sommes versées aux sociétés d’artistes mises en cause par l’Urssaf n’a pas été évoquée lors du précédent contrôle qui a porté sur une période antérieure à la création de ces sociétés et à la production des tournées litigieuses ; que les inspecteurs du recouvrement n’ont donc pas pu apprécier les conditions d’exercice des activités des artistes en question pour savoir si cela permettait ou non d’écarter la présomption de salariat ; qu’en plus à cette époque, la société TS3 n’avait pas encore adopté la pratique consistant à la fois à rémunérer les artistes au moyen de cachets d’un montant fixe pour chaque concert et à reverser aux sociétés créées par les artistes la majeure partie des recettes des spectacles et ce sur la suggestion en 2001 du groupe Audiens ; que la société TS3 ne rapporte donc pas la preuve d’un accord antérieur de l’Urssaf empêchant cet organisme de procéder à ces deux chefs de redressement ;
1) ALORS QUE l’absence d’observation vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification dès lors que l’institution de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause ; que la société TS3 faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que les conditions d’engagement des artistes pendant la période ayant fait l’objet de la première vérification, soit la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, et celles pratiquées au cours de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, étaient rigoureusement identiques ; qu’en se bornant à énoncer, pour dire que la société TS3 ne rapportait pas la preuve d’un accord antérieur de l’Urssaf, s’agissant de la pratique consistant à cumuler un contrat de longue durée avec des engagements ponctuels, que seuls les engagements inférieurs à cinq jours avaient donné lieu à vérification, sans constater que l’Urssaf n’avait pas eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, à raison, par exemple, d’une dissimulation frauduleuse par la société TS3 de la pratique incriminée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 243-59 alinéa 8 du code de la sécurité sociale ;
2) ALORS QUE la société TS3 faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que la pratique consistant à reverser aux sociétés créées par certains artistes la majeure partie des recettes de leurs spectacles existait déjà lors du précédent contrôle effectué par l’Urssaf et n’avait donné lieu à aucune observation de sa part ; qu’elle exposait ainsi que, notamment, le contrat conclu avec la société Satori Song, pour l’organisation de la tournée d’Etienne X..., en date du 3 novembre 2000, prévoyait le versement à cette société de 70 % des recettes nettes de la tournée ; qu’elle observait que ce contrat était conçu en des termes identiques à ceux des contrats conclus ultérieurement avec les sociétés Nlonkak et Nina Production, objets du redressement litigieux ; qu’il en allait de même pour le contrat conclu pour la tournée du chanteur MC Solaar (conclusions page 42) ; que l’identité de ces situations n’était pas contestée par l’Urssaf, qui se bornait à prétendre que la société TS3 ne pouvait s’en prévaloir, faute d’avoir été elle-même l’objet du précédent contrôle ; que la cour d’appel, qui a constaté que la société TS3 était recevable à se prévaloir du précédent contrôle, mais s’est bornée à énoncer que cette question n’avait pas alors été évoquée, que le précédent contrôle portait sur une période antérieure à la création des sociétés Nlonkak et Nina Production, et que la société TS3 n’avait pas encore adopté une telle pratique, sans répondre au moyen faisant état de pratiques similaires, peu important qu’elles aient concerné d’autres sociétés ou d’autres artistes, a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3) ALORS QU’en statuant ainsi sans s’expliquer sur le moyen par lequel la société TS3 faisait état de pratiques similaires la cour d’appel a également méconnu l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société TS3 à verser à l’Urssaf la somme de 1. 010. 523 ¿ en cotisations et celle de 102. 285 ¿ représentant les majorations de retard provisoires ;
AUX MOTIFS QUE les inspecteurs du recouvrement ont relevé qu’à l’occasion des tournées conçues et élaborées par la société TS3, entrepreneur des spectacles interprétés par MM. Yannick Y... et Z..., cette société avait conclu avec chacun d’eux un contrat prévoyant le paiement d’un cachet pour chaque représentation sur scène et convenu le même jour avec les sociétés Nlonlak et Nina Productions, titulaires des droits exclusifs et de gestion des concerts de l’un et l’autre de ces artistes, un contrat leur assurant de 40 à 70 % du résultat net de la recette des tournées de concert ; que seul le montant des cachets a été soumis à cotisation ; que la société TS3 doit établir que les artistes en cause ont exercé leur activité dans des conditions impliquant leur inscription au registre du commerce ; que le simple fait que la quote-part des recettes des tournées ne soit pas remise directement aux artistes mais soit versée aux sociétés qu’ils ont constituées spécialement pour l’exploitation de leurs concerts ne fait pas obstacle au jeu de la présomption de salariat qui subsiste quels que soient le mode et de la calcul de la rémunération ainsi que les modalités de sa perception ; que selon la société TS3, c’est d’ailleurs à la demande expresse des artistes que la participation aux résultats est versée aux sociétés gestionnaires de leurs droits mais cette entremise ne suffit pas en soi à modifier la nature des relations existant entre l’entrepreneur de spectacle et les artistes ; qu’il importe peu que les sociétés d’artistes soient elles-mêmes inscrites au registre du commerce, dès lors que dépourvues de licence d’entrepreneur de spectacles, elles ne participent pas financièrement aux dépenses liées à la production et à l’organisation des tournées ; que la présomption de salariat demeure même lorsque la liberté de création est intégralement préservée ; qu’elle joue sans qu’il soit nécessaire de caractériser un lien de subordination ; qu’en réalité la présomption de salariat n’est écartée que si l’artiste accepte d’assumer les risques de la production ; que les sociétés Nlonlak et Nina Productions ne participent à aucun des frais afférents à la création et à l’organisation du spectacle dont les coûts incombent exclusivement à la société TS3 qui, aux termes des contrats, prend en charge tous les frais de location, de publicité, de billetterie, d’assurances, de frais d’équipements techniques, administratifs et artistiques, les charges sociales, frais de transports, de séjour, de droits d’auteur et plus généralement tous frais et honoraires afférents au spectacle ; que selon l’article 5, la société assume « l’ensemble des charges et pertes liées à la production » ; qu’il n’existe pas non plus de participation en tout ou partie des artistes ou de leurs sociétés aux pertes des tournées, et le seul aléa encouru provient du caractère variable des recettes redistribuées en fonction du résultat commercial des tournées, mais cela n’a pas pour effet de priver les artistes de toute rémunération puisqu’ils conservent en tout état de cause les cachets fixés pour chaque concert ; qu’enfin la société TS3 ne peut sans contradiction prévoir, pour la même prestation sur scène de l’artiste, une rémunération sous la forme d’un cachet soumis à cotisation sociale et une participation aux résultats de la tournée sur laquelle elle s’abstient de cotiser sous prétexte du caractère indépendant de cette prestation ; qu’il s’agit en réalité de deux modalités de rétribution de la même activité artistique de représentation publique, sans qu’il soit justifié de distinguer entre la partie fixe de la rémunération et la partie variable des recettes ; que d’ailleurs, antérieurement au contrat conclu le 1er octobre 2004 avec la société Nina Production, il était prévu, par l’article 7 du contrat de scène passé avec M. Z..., que la rémunération proportionnelle sera payable à l’artiste en salaire, les charges sociales patronales et autres taxes sur salaire étant décomptées, ce qui montre bien la nature salariale de cette participation aux résultats des tournées ; qu’ainsi les sommes reversées aux sociétés d’artistes n’ont pas d’autre cause que les prestations de l’artiste sur scène et font partie de sa rémunération ; que c’est donc à juste titre que l’Urssaf a réintégré dans l’assiette des cotisations cette partie variable de la rémunération des artistes ;
1) ALORS QUE tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail, dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité objet du contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; que la société TS3 faisait valoir, en l’espèce, qu’elle reversait aux sociétés créées par les artistes Yannick Y... et Z..., qui étaient ses seules cocontractantes, un pourcentage des recettes générées par les tournées qu’elle était seulement chargée d’organiser et de gérer ; que les sociétés Nlonlak et Nina Productions, dont il n’était pas prétendu qu’elles étaient des sociétés fictives, avaient quant à elles pour objet l’exploitation des activités de l’artiste et de son image et de ses droits, et que les sommes qu’elles leur reversaient étaient soumises à cotisations sociales ; qu’elle ajoutait que les sommes versées aux sociétés concernées constituaient un pourcentage des recettes générées par les tournées, ce dont il résultait nécessairement un aléa pour chacune des parties, en fonction du succès ou non de la tournée ; qu’en considérant qu’il n’existait aucune participation des artistes ou de leurs sociétés aux pertes de la tournée, et que les sommes reversées aux sociétés d’artistes n’avaient pas d’autre cause que les prestations de l’artiste sur scène et faisaient partie de sa rémunération, pour en déduire que les sommes versées par la société TS3 aux sociétés d’artistes étaient assujetties aux cotisations sociales, sans s’expliquer sur l’absence de tout lien de subordination entre la société TS3 et les artistes, et sur le fait qu’en tout état de cause, les sommes perçues par les artistes étaient assujetties à ces mêmes cotisations du chef des sociétés Nlonlak et Nina Productions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7121-3 du code du travail ensemble l’article L. 311-3 15° du code de la sécurité sociale ;
2) ALORS QUE sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; que la société TS3 faisait valoir, en l’espèce, que M. Yannick Y... était dirigeant de la société Nlonlak, et que Z... était associé et salarié de la société Nina Productions ; qu’elle en déduisait que devait être écartée toute présomption de contrat de travail entre elle et ces artistes ; qu’en énonçant, pour écarter ce moyen, que MM. Y... et Z... n’étaient pas inscrits personnellement au registre du commerce, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article L. 8221-6 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 26 septembre 2013