Production enregistrements magie

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 24 avril 2001

N° de pourvoi : 00-85369

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre avril deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" Z... Dominique,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 26 juin 2000, qui, pour travail dissimulé et abus de confiance, l’a condamné à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 143-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 320, L. 324-11, L. 362-3, L. 362-4 et L. 362-5 du Code du travail, 2, 427, 485 et 512 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Dominique Z... coupable d’exercice d’un travail dissimulé ;

”aux motifs que : “il est tout d’abord reproché à Dominique Z... d’avoir dissimulé une activité en exploitant une entreprise de production d’articles de spectacle et une entreprise d’enseignement artistique sans procéder aux immatriculations au registre du commerce et des sociétés, ou au répertoire des métiers, ni aux déclarations fiscales et sociales obligatoires ; s’agissant des cours qu’il dispensait, avec d’autres magiciens, contre rémunération, aux adhérents de l’association TEAM, il n’apparaît pas que Dominique Z..., qui était affilié à l’AGESSA (organisme de protection sociale des artistes du spectacle et auteurs) ait été tenu de déclarer cette activité, purement artistique, au registre du commerce ou au répertoire des métiers ; qu’en revanche, il apparaît de l’enquête, notamment des perquisitions effectuées dans le pavillon de Saint-Maur et des déclarations de certains employés, qu’une véritable activité de production était organisée dans ce pavillon : réalisation de cassettes vidéo de spectacles de magie (dix magnétophones étaient installés à Saint-Maur, permettant la réalisation d’une cinquantaine de cassettes par semaine), duplication et emballage des cassettes vidéo, fabrication d’objets pour les tours de magie (cartes truquées, pièces truquées), édition de livres d’initiation à la magie, de la revue trimestrielle “le magicien” ; ces différents articles étaient vendus à la boutique “Mayette Magie Moderne” exploitée par la SARL du même nom ; or, cette société n’avait pas déclaré cette activité de production au registre du commerce et des sociétés et elle n’avait pas fait l’objet de déclarations fiscales ou sociales ; Dominique Z... a reconnu qu’il était le gérant de fait des deux sociétés, tout comme son épouse qui a déclaré qu’elle agissait entièrement sous ses ordres et il est donc responsable pénalement de cette dissimulation d’activité ; qu’il est reproché à Dominique Z... d’avoir employé 9 salariés en mentionnant sur leurs bulletins de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué ; M. E... était

directeur commercial de la société Mayette Magie Moderne, Mmes D..., B..., et Galland, employées comme serveuses au cabaret “le Double Fond” (Mlle D... participait en outre aux tours de magie), M. A... était vendeur à la boutique, MM. Y..., De Pethuis, C... et Bricard, artistes magiciens, étaient employés également comme serveurs ; les 9 employés étaient rémunérés au SMIC, sur la base d’un mi-temps, excepté MM. E... et C..., qui étaient déclarés pour un travail à temps complet ; toutefois, il est établi par leurs déclarations qu’ils travaillaient un nombre d’heures bien plus important que celles qui étaient mentionnées sur leurs bulletins de paie et qu’ils exerçaient de multiples activités en dehors de celle pour laquelle ils étaient déclarés ; ainsi, M. A..., responsable de la boutique, n’avait aucun jour de repos et continuait, après les 6 heures de travail par jour effectuées au magasin, à travailler au pavillon de Saint-Maur aux diverses activités de production ; M. E... déclarait qu’il travaillait environ 60 heures par semaine, sans jour de repos, alors que son bulletin de salaire mentionnait 147,33 heures ; les autres employés ont également reconnu qu’ils travaillaient à plein temps, pour la plupart 7 jours sur 7, plus de 8 heures par jour ; M. Dominique Z... a d’ailleurs reconnu que tous les employés avaient plusieurs fonctions, qu’ils travaillaient en moyenne 6 à 8 heures par jour au cabaret ou à la boutique sans compter les tâches effectuées au pavillon, justifiant l’écart entre les heures payées et les heures travaillées par le fait qu’ils étaient volontaires pour effectuer toutes ces tâches ;

Dominique Z... ne saurait soutenir qu’il n’y avait pas de liens de subordination entre lui-même et les personnes visées à la prévention, puisqu’ils étaient salariés des sociétés dont il était le gérant de fait, ni qu’ils faisaient ce qu’ils voulaient de leur temps libre, puisque l’autorité et même l’ascendant qu’il exerçait sur eux, ainsi que la vie communautaire qu’ils menaient, ne pouvaient qu’accentuer ce lien de subordination ; enfin, ces employés ne consacraient pas tout “leur temps libre” à des activités artistiques, mais bien, le plus souvent, à des tâches matérielles ; il convient, dès lors, de retenir Dominique Z... dans les liens de la prévention pour avoir employé 9 salariés en mentionnant sur leurs bulletins de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué” (arrêt, pages 6 à 8) ;

1 )”alors que les juges du fond doivent préciser les éléments constitutifs du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité, au regard des prescriptions édictées à l’article L. 324-10 du Code du travail ; que, dès lors, en se bornant à énoncer, s’agissant de l’activité de production de cassettes vidéo de spectacles de magie, de fabrication d’objets pour les tours de magie et d’édition de livres d’initiation à la magie, que cette activité, exploitée par la SARL Mayette Magie Moderne, dont Dominique Z... est le gérant de fait, n’avait pas fait l’objet de déclarations fiscales ou sociales, sans préciser la nature des déclarations auxquelles cette activité devait donner lieu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

2 )”alors que, en estimant, pour retenir le demandeur dans les liens de la prévention du chef de travail dissimulé, que la SARL Mayette Magie Moderne, dont il est le gérant de fait, n’avait pas déclaré au registre du commerce et des sociétés l’activité de production de cassettes vidéo de spectacles de magie, de fabrication d’objets pour les tours de magie et d’édition de livres d’initiation à la magie, sans répondre au chef péremptoire de ses conclusions d’appel faisant valoir (page 9) qu’une telle activité entrait nécessairement dans l’objet social de cette société et que rien n’exigeait qu’elle fût expressément mentionné au K bis, de sorte que ladite société n’avait pas été dissimulée au sens de l’article L. 324-10 du Code du travail, la cour d’appel a méconnu les exigences des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale ;

3 )”alors que, pour démontrer, dans ses conclusions d’appel (page 12), que les salariés utilisaient une partie de leur temps libre pour exécuter, de leur plein gré et sans aucun lien de subordination, des activités liées à la prestidigitation, le demandeur avait pris soin d’invoquer les propres déclarations desdits salariés qui, s’agissant notamment de Mme B..., de Mme D..., de M. E... et de M. A..., avaient tous souligné la liberté avec laquelle ils se livraient à de telles tâches en dehors des heures de travail régulièrement rémunérées ; qu’ainsi, en se bornant à énoncer lapidairement que Dominique Z... ne saurait soutenir ni qu’il n’y avait pas de liens de subordination entre lui-même et les personnes visées à la prévention, puisqu’elles étaient salariées des sociétés dont il était le gérant de fait, ni qu’elles faisaient ce qu’elles voulaient de leur temps libre, puisque l’autorité et même l’ascendant qu’il exerçait sur elles, ainsi que la vie communautaire que tous menaient, ne pouvaient qu’accentuer ce lien de subordination, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d’appel dudit prévenu démontrant que les activités litigieuses étaient librement exécutées par les salariés dont s’agit, la cour d’appel a violé les articles 485 et 512 du Code de procédure pénale” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation articles 314-1 et 314-10 du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Dominique Z... coupable d’abus de confiance ;

”aux motifs que : “il convient tout d’abord de rappeler que la période de la prévention s’étend du 12 mars 1997 au 10 mars 1998 et qu’il résulte de la procédure que, durant cette période, le prévenu n’a perçu de l’association TEAM qu’il préside, qu’un chèque de 10 000 francs ; qu’il apparaît que cette association, qui avait pour but l’enseignement de l’art magique, et a été fondée plus de 15 ans avant l’enquête par Dominique Z..., devait percevoir une cotisation mensuelle de 280 francs de la part de ses adhérents ; le prévenu affirme, pour sa part, que l’association ne percevait aucune cotisation, ses seules ressources résultant du prix des cours qu’elle dispensait ; qu’il a déclaré durant l’enquête que les cours de magie étaient donnés au cabaret “le Double Fond” par lui et par d’autres magiciens (MM. Y..., X..., C..., Tran et Alexandra Z...) qui ne percevaient aucune rémunération de l’association et agissaient, le plus souvent, à titre bénévole, mais que les élèves payaient environ 45 francs par cours ; il a précisé qu’il touchait parfois des “royalties” sur les cours de magie effectués par d’autres professeurs ; qu’il a reconnu qu’il demandait à son épouse de lui émettre un chèque sur le compte de l’association “quand ses comptes personnels étaient à sec”, et qu’il prenait de l’argent “en fonction de ses besoins et des ressources de l’association” ; dès lors, la trésorerie de l’association était alimentée par les paiements faits par les élèves pour des cours dispensés bénévolement, le plus souvent par d’autres professeurs que Dominique Z..., et ce dernier faisait créditer des chèques de l’association, par son épouse, sur ses comptes personnels, sans qu’aucune comptabilité ne soit tenue par l’association ; Dominique Z... a donc bien détourné des fonds qui n’étaient remis à l’association que pour en faire un usage déterminé (organiser des cours, défrayer ou rémunérer les professeurs), ce, au préjudice de l’association et, le cas échéant, de ses membres dont le prévenu n’a pu indiquer les noms, ajoutant qu’ils se réunissaient une fois par an chez lui, mais qu’il ignorait l’identité des participants à la dernière réunion, qui aurait eu lieu en octobre 1997 ; il convient, dès lors, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré Dominique Z... coupable d’abus de confiance, en précisant que le détournement se monte à 10 000 francs ; les faits sont multiples, mais la Cour, tenant compte des relaxes partielles à intervenir, et du fait que le prévenu n’a jamais été condamné jusqu’à présent, réduira le quantum de la peine d’emprisonnement à 8 mois et l’assortira entièrement du sursis ; qu’elle prononcera, en outre, une amende de 30 000 francs” (arrêt, pages 8 et 9) ;

”alors que, seule une remise à titre précaire peut caractériser l’abus de confiance ; qu’en estimant, dès lors, qu’en percevant des chèques de l’association, le demandeur aurait détourné des fonds remis à celle-ci pour en faire un usage déterminé, à savoir organiser les cours, défrayer ou rémunérer les professeurs, sans rechercher si ces fonds avaient été remis à titre précaire, non pas à l’association mais audit prévenu, ni vérifier, ainsi qu’elle y était pourtant invitée par les conclusions d’appel de ce dernier (page 22), si les paiements ainsi effectués ne rémunéraient pas les enseignements dispensés par Dominique Z..., de sorte que ces fonds ne lui étaient pas remis à titre précaire mais en rémunération d’une prestation, la cour d’appel a méconnu les exigences des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M.Joly conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris, 12ème chambre du 26 juin 2000