rémunération-droits voisins

CAHIERS DE LA COUR DE CASSATION JUILLET 2009

. Statuts particuliers
* Artiste du spectacle
Sommaire
Il résulte des articles L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle et L. 7121-8 du code du travail que les redevances versées à l’artiste-interprète, qui sont fonction du seul produit de l’exploitation de l’enregistrement et ne sont pas considérées comme des salaires, rémunèrent les droits voisins qu’il a cédés au producteur et continuent à lui être versées après la rupture du contrat d’enregistrement.
Doit dès lors être cassé l’arrêt qui, statuant sur les dommages-intérêts dus, par application des articles L. 7121-3 et L. 1243-4 du code du travail, à un artiste-interprète en raison de la rupture avant son terme, par une société d’édition phonographique, du contrat à durée déterminée qui les liait pour l’enregistrement, la reproduction et la diffusion d’oeuvres musicales, a inclus, pour le calcul du montant des rémunérations que l’intéressé aurait perçues jusqu’au terme du contrat, montant représentant le minimum des dommages-intérêts précités, les redevances et avances sur redevances correspondant à l’exploitation des enregistrements.

Soc., 1er juillet 2009Cassation partielle

Arrêt n° 1522 FS-P+B
N° 07-45.681 - CA Paris, 13 décembre 2007
Mme Collomp, Pt. - M. Ludet, Rap. - M. Cavarroc, Av. Gén.
Note
Dans la présente affaire, la Cour de cassation était une nouvelle fois amenée à se pencher sur le contentieux relatif aux contrats d’enregistrement conclus entre un artiste-interprète et un producteur, afin de trancher une difficulté jusque là inédite.
Un artiste-interprète, ayant pour nom de scène « Doc Gynéco », avait conclu en novembre 2001 avec une maison de disque un contrat d’enregistrement exclusif, pour une durée minimale de cinq ans, prévoyant la réalisation d’un minimum de trois albums studio inédits. En mai 2004, après la réalisation d’un premier album, la maison de disque a informé l’artiste par lettre recommandée de la rupture du contrat en qualifiant de faute grave l’attitude du chanteur lors d’une entrevue avec le PDG dans les locaux de la société. L’artiste a alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à contester la rupture.
Les juges d’appel ont rejeté la qualification de faute grave et condamné la maison de disques à des dommages-intérêts pour rupture abusive.
Si l’exclusion de la faute grave n’est pas remise en cause par la Cour de cassation, en revanche, le second moyen du pourvoi formé par la maison de disque posait une question que la chambre sociale tranche pour la première fois : les redevances sur l’exploitation des phonogrammes que verse une société de production à un chanteur, auquel elle est liée par un contrat à durée déterminée, doivent-elles être comprises dans « les rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat », correspondant au montant minimum des dommages-intérêts dus en application de l’article L. 1243-4 du code du travail ?
Il convient en effet de rappeler qu’aux termes de l’article L. 1243-1 du code du travail, le CDD « ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure. » La rupture anticipée à l’initiative de l’employeur qui intervient en dehors de ces deux cas ouvre droit pour le salarié, selon l’article L. 1243-4 du même code, « à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat. »
Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation répond très clairement par la négative à la question de savoir si les redevances à venir dues à l’artiste doivent être intégrées à ces « rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat. »
Elle commence par rappeler une solution désormais bien établie : les redevances versées à l’artiste-interprète en contrepartie de l’exploitation des enregistrements ne sont pas considérées comme des salaires, en application de l’article L. 7121-8 du code du travail, puisque fonction uniquement du seul produit de l’exploitation de l’enregistrement (Soc., 21 juin 2004, pourvoi n° 02-15.296, Bull. 2004, V, n° 173 ; Soc., 25 janvier 2006, Bull. 2006, V, n° 23 ; Soc., 17 mai 2006, pourvoi n° 03-46.716, Bull. 2006, V, n° 178). Ce n’est donc pas cette qualification qui permettrait d’inclure les redevances dans les rémunérations.
La chambre sociale poursuit en s’attachant à l’objet de telles redevances : elles visent à rémunérer « les droits voisins qu’il [l’artiste] a cédés au producteur et continuent à lui être versées après la rupture du contrat d’enregistrement ».
En effet, la chambre sociale a déjà été amenée à dire que la résiliation, judiciaire ou d’un commun accord, du contrat d’enregistrement exclusif n’y met fin que pour l’avenir de sorte qu’elle n’anéantit pas les cessions antérieurement intervenues sur les enregistrements réalisés et que le producteur reste cessionnaire des droits voisins de l’artiste-interprète sur ces enregistrements (Soc., 5 juillet 2006, pourvoi n° 05-10.463, Bull. 2006, V, n° 361 ; Soc., 20 décembre 2006, pourvoi n° 05-43.057, Bull. 2006, V, n° 409).
La rupture anticipée du contrat doit logiquement produire les mêmes effets, le producteur demeurant cessionnaire des droits voisins. Dès lors, les redevances versées en contrepartie de cette cession doivent continuer à être versées à l’artiste après la rupture du contrat.
Par conséquent, ces redevances ne sont pas des rémunérations que l’artiste « aurait perçues », mais une rémunération qu’il va bel et bien percevoir. Elles n’ont donc pas à être intégrées dans le montant minimum des dommages-intérêts dus en raison de la rupture abusive.