Pilotes de course automobile - prétendus bénévoles

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 25 novembre 2021

N° de pourvoi : 20-14.759
ECLI:FR:CCASS:2021:C201068
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 25 novembre 2021
Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 22 janvier 2020

Président
M. Pireyre (président)
Avocat(s)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION


Audience publique du 25 novembre 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1068 F-D

Pourvoi n° F 20-14.759

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 NOVEMBRE 2021

L’association Espace loisirs tout terrain Boade, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° F 20-14.759 contre l’arrêt rendu le 22 janvier 2020 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l’opposant à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de l’URSSAF des Bouches-du-Rhône, défenderesse à la cassation.

L’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l’association Espace loisirs tout terrain Boade, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur, et l’avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 janvier 2020), à la suite d’un contrôle mené conjointement avec la gendarmerie nationale, ayant donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de travail dissimulé, l’URSSAF des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur (l’URSSAF) a notifié à l’association Espace loisirs tout terrain Boade (l’association) une première lettre d’observations, suivie d’une mise en demeure, puis d’une contrainte le 22 décembre 2015.

2. L’URSSAF a également procédé à un contrôle de l’association au titre de la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé pour les années 2010 à 2014, sur le fondement de l’article L. 8221-1 du code du travail. Elle lui a adressé, le 15 octobre 2015, une seconde lettre d’observations, suivie d’une mise en demeure, puis d’une contrainte le 9 février 2016.

3. L’association a formé opposition à ces deux contraintes.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L’association fait grief à l’arrêt de valider la contrainte du 9 février 2016, alors « que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ; que, lorsqu’un redressement puis une contrainte portent sur la qualification des relations de travail liant des travailleurs à une entreprise et, partant, sur l’existence éventuelle d’une situation de travail dissimulé, la contestation ne peut être tranchée sans la mise en cause de ces travailleurs ; que la cour d’appel a validé la contrainte portant sur le travail dissimulé des « bénévoles » et des « pilotes » auxquels l’association avait recours lors des événements sportifs qu’elle organisait, alors que les énonciations de l’arrêt font apparaître que le litige a opposé uniquement l’organisme social à l’association, sans qu’aucun des « bénévoles » ou des « pilotes » n’aient été entendus ou appelés ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 14 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L’URSSAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu’il est contraire à l’argumentation soutenue par l’association devant les juges du fond dès lors que celle-ci a fait le choix délibéré de ne pas mettre dans la cause les bénévoles et pilotes.

7. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, n’est, par ailleurs, pas incompatible avec la thèse soutenue par la société devant les juges du fond.

8. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article 14 du code de procédure civile :

9. Il résulte de ce texte que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

10. Pour dire bien-fondé le redressement litigieux, l’arrêt retient essentiellement que toute l’enquête de l’URSSAF démontre que les bénévoles avaient été recrutés pour exercer des tâches imposées pour chaque manifestation, quasiment professionnelles, après une sélection faite par le président de l’association qui était également le dirigeant d’une société commerciale, et au profit de cette dernière, qu’ils accomplissaient des tâches qui auraient pu être confiées à des professionnels embauchés par des contrats de travail et que les remboursements de frais qui avaient été transmis à l’URSSAF avaient été considérés comme inexploitables.

11. L’arrêt ajoute que concernant les pilotes participant aux courses et autres manifestations sportives organisées par l’association, celle-ci n’avait fourni aucune pièce permettant de conforter ses affirmations selon lesquelles leurs interventions s’étaient inscrites dans le cadre des contrats les liant à tel ou tel club ou écurie, pendant les cinq années du contrôle, et que les courses de moto se déroulant à grand renfort de publicité et faisant appel à un large public, dans un contexte festif et musical, doivent être qualifiées de sport-spectacle, de sorte qu’à défaut de preuve que ces pilotes auraient été enregistrés, pour ces activités, au registre du commerce, il y a lieu d’appliquer la présomption de salariat, les frais remboursés étant considérés comme des salaires déguisés.

12. En statuant ainsi, sans qu’aient été appelés en la cause les bénévoles et coureurs intéressés, alors qu’elle était saisie d’un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à l’association, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il valide la contrainte du 9 février 2016, condamne l’association Moto club de [Localité 2] à payer à l’URSSAF la somme de 502 648 euros outre les majorations de retard de 88 111 euros, soit la somme de 590 759 euros, et les frais de signification de cette contrainte, l’arrêt rendu le 22 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l’URSSAF de Provence-Alpes-Côte d’Azur et la condamne à payer à l’association Espace loisirs tout terrain Boade la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l’association Espace loisirs tout terrain Boade

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR validé la contrainte du 9 février 2016, pour sa somme en principal et en majorations de retard, et d’AVOIR condamné le cotisant au paiement de ces sommes ainsi qu’aux frais de signification de cette contrainte ;

AUX MOTIFS QUE : « L’Urssaf a fait valoir que l’enquête de la gendarmerie avait permis d’établir que les bénévoles ayant participé aux manifestations de l’association moyennant le remboursement de leurs frais, avaient, en réalité, travaillé sous la subordination hiérarchique de M. [Z], président de l’association, et au profit de la Sarl CFO dont il était aussi le gérant. L’Urssaf a fait valoir que les pilotes des engins motorisés avaient participé à ces mêmes manifestations organisées par l’association en réalisant des courses à bord de leurs engins motorisés, et qu’il s’agissait de spectacles pour lesquels ils avaient été spécialement engagés par l’association. L’Urssaf a tenu le même raisonnement au sujet des danseuses qui s’étaient produites comme « pom pom girls » pendant ces spectacles. L’Urssaf a considéré que ces pilotes n’étaient pas inscrits au registre du commerce et qu’ils devaient donc être considérés comme des artistes de spectacle au sens de l’article L311-3 du code de la sécurité sociale avec pour conséquence que le contrat liant les parties est présumé être un contrat de travail lorsque l’artiste en question n’est pas inscrit à ce titre au registre du commerce. Pour ces motifs, l’Urssaf a considéré que toutes les participations des prétendus bénévoles aux manifestations organisées par l’association constituaient des situations de travail dissimulé, et que les sommes qui leur avaient été versées forfaitairement en remboursement de frais étaient des salaires, soumis à cotisations sociales sur le fondement de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale et que chaque procédure de redressement était justifié. L’association a contesté ces arguments en faisant valoir que tous les bénévoles étaient défrayés de leurs frais de transport et de repas, comme prévu par les règlements de la fédération française de motocyclisme, et qu’il n’existait aucun lien de subordination entre eux et l’association ; quant aux pilotes qui participaient aux courses pendant les manifestations organisées par l’association, ils intervenaient sous l’égide de la fédération française de motocyclisme et venaient des écuries où ils s’entraînaient et qui leur imposaient de participer à diverses manifestations, dont celles qu’elle organisait ; les « pom pom girls » étaient mises à la disposition de l’association par une autre association, « Tornade 13 », qui lui facturait leurs prestations. Concernant la contrainte du 22 décembre 2015, l’Urssaf a fait valoir que les deux bénévoles, Madame [H] et M. [R] avaient reçu des sommes en espèces de la part de M. [Z], qu’il s’agissait de rémunérations car ces deux personnes avaient, en réalité, travaillé pour le compte de l’association, Madame [H] ayant même été embauchée, ensuite, comme secrétaire, par la Sarl Concept [Z] organisation (CFO) gérée par M. [Z]. L’association a contesté le redressement et à fait valoir que son gérant, M. [Z], avait simplement remboursé les frais kilométriques des deux intéressés et qu’il n’y avait jamais eu de lien de subordination entre ces deux bénévoles et l’association. La Cour constate que, la lettre d’observations du 2 septembre 2015 ayant servi de base à la mise en demeure puis à la contrainte du 22 décembre 2015, a été rédigée par l’agent de l’Urssaf à partir des auditions menées lors de l’enquête de la gendarmerie ; cependant, cette lettre d’observations, telle qu’elle est rédigée, ne fait pas apparaître quelles étaient les activités auxquelles ces deux personnes, nominativement désignées, se seraient livrées, ni de quelle manière le lien de subordination pouvait être établi. La lettre d’observations du 2 septembre 2015 est insuffisante pour permettre à la Cour de caractériser et de retenir une situation de travail dissimulé. La contestation opposée par l’association est pertinente. La Cour annule cette contrainte et infirme le jugement sur ce point. Concernant la contrainte du 9 février 2016, la contestation de l’association concernait la totalité du redressement tel que résultant de la lettre d’observations du 15 octobre 2015 qui avait retenu des infractions de travail dissimulé, pour des personnes présentées comme des « bénévoles » (301053 + 75263 euros de majorations), et pour des personnes ayant eu des activités les rattachant à des « artistes de spectacle » (101066 + 25266 euros de majoration), le total général s’établissant donc à 502648 euros outre les majorations de retard de 88111 euros, portant la créance de l’Urssaf à 590759 euros. En quelques lignes, le tribunal a annulé la contrainte du 9 février 2016 au seul motif que les pilotes n’étaient pas des « artistes de spectacle » et qu’aucun lien de subordination avec l’association n’était établi, ce qui ne représente qu’une seule partie du redressement et de la contrainte subséquente. La lettre d’observations de l’Urssaf a été établie sur la base des éléments de fait constatés lors de l’enquête conjointe avec la gendarmerie, et des documents communiqués par l’association en mai, juin et septembre 2015, ainsi qu’auprès des tiers en application de l’article L114-19 du code de la sécurité sociale. La coexistence de l’association et de la société commerciale à la même adresse, sous la direction et le contrôle de la même personne, M. [Z] a permis de relever la totale perméabilité entre les deux structures, avouée par M. [Z] lui-même, d’ailleurs, puisqu’il avait déclaré, lors d’un contrôle fiscal en 2004, que « l’association avait été constituée dans le but de percevoir les subventions versées par les collectivités locales territoriales (?) et de s’affilier à la fédération française de motocyclisme ». Par cette affiliation, l’association pouvait ainsi recourir à des pilotes de moto afin de les faire intervenir à l’occasion des trois à six manifestations annuelles qu’elle organisait (à [Localité 4], à [Localité 3], au Maroc, etc.) et qui étaient accessibles à tous publics, après une large diffusion publicitaire. Ces participations conformes à l’objet social de l’association étaient toutefois payantes pour le public et le prix des entrées était utilisé par l’association pour défrayer les participants, dits « bénévoles » de leurs frais de transport et de repas. Le lien contractuel entre l’association et la société CFO avait été matérialisé par trois conventions allant de 2009 à 2014 (annexées à la lettre d’observations), et notamment par une convention du 15 novembre 2013 aux termes de laquelle, l’association s’engageait, notamment, à « recruter auprès des clubs les personnels bénévoles en nombre utile et nécessaire à la bonne organisation sportive des manifestations : billetterie, restauration, commissaires de piste, etc. », à encaisser les subventions, et rembourser les indemnités kilométriques et les frais d’hébergement des bénévoles. De son coté, la société CFO assurait la promotion des manifestations, encaissait les prix des billets et des sommes versées par les sponsors et annonceurs, et assurait la coordination de l’organisation, le déficit éventuel de l’association étant cautionné à hauteur de 20000 euros par an (pièce 2 de l’association). Ces accords existaient bien avant 2009, puisqu’il est établi par le dossier qu’en 2004, l’administration fiscale avait procédé à un contrôle des deux structures et qu’après avoir mis en évidence les pratiques commerciales de l’association, en relation étroite avec celles de la société CFO, ainsi que leur interdépendance, elle avait considéré que, la gestion de l’association n’ayant aucun caractère désintéressé, cette association devait être soumise à l’impôt sur les sociétés. Bien qu’elle prétende avoir tiré les conséquences de cette position de l’administration fiscale datant de dix ans avant le contrôle de l’Urssaf, la Cour constate que l’association avait conservé le même mode de fonctionnement aussi bien dans ses relations avec la société CFO que dans l’organisation de ses manifestations, son activité prétendument « à but non lucratif » étant, en réalité, destinée à assurer le financement et le bon fonctionnement de la société commerciale CFO. L’incidence de ce « montage » juridique et financier se retrouve dans les situations de bénévolat dont se prévaut l’association pour tenter de faire annuler le redressement et la contrainte. Les consignes données par la fédération française de motocyclisme, derrière lesquelles s’abrite l’association, sont pourtant très claires puisqu’il y est dit que « les clubs sont dirigés par des bénévoles ; un bénévole ne doit pas être un amateur, il doit tendre vers le professionnalisme quand on parle d’organisation » ; le cahier des charges fixe ainsi les postes à pourvoir pour les organisations de courses ; un responsable de circuit, un responsable par « spéciale », des commissaires en nombre suffisant, des responsables des « emplacements-gardiennage- circulation », des personnes pour la gestion des paddocks, des personnes pour les vérifications administratives, pour les classements, pour la communication et pour le pot d’accueil, des personnes chargées des contrôles horaires dont un commissaire sportif, des personnes pour le contrôle des passages, des ouvreurs et des fermeurs, des équipes de 2 binômes de marshalls par contrôle, des personnes pour aider les commissaires techniques, un responsable sécurité et des personnes pour tenir la main courante au PC course. (annexe 18 de la lettre). Cette liste conforte la nécessité de « recruter » des bénévoles quasiment professionnels. Or, il convient de rappeler que, lorsqu’il intervient dans une association « à but non lucratif », le bénévole apporte un concours spontané et désintéressé, sans contrainte ni lien de subordination. Il ne peut y avoir de bénévolat si le bénévole contribue à la réalisation d’un profit pour lui-même ou pour la personne physique ou morale bénéficiaire de son intervention. L’association s’engageant à assumer le bon déroulement des manifestations était juridiquement tenue à l’égard des tiers (sponsors, annonceurs, publics, etc.) et ne pouvait donc pas tolérer d’erreurs dans la gestion de son organisation, à chaque manifestation ; cette responsabilité juridique impliquait donc que M. [Z] exerce un véritable pouvoir de contrôle et de sanction. Toute l’enquête de l’Urssaf montre que les « bénévoles » avaient été « recrutés » pour exercer des tâches imposées, quasiment professionnelles, après une sélection faite par M. [Z] dans le respect des consignes données par la fédération, sous le contrôle et la coordination, exercés par l’animateur commun de l’association et de la société CFO, à savoir M. [Z] également, et au profit de cette société commerciale. Le pouvoir de sanction pouvait se concrétiser soit par un rejet des demandes de remboursement de frais en prétextant qu’elles étaient incomplètes (et elles l’étaient souvent : cf. infra), soit par le fait de ne pas retenir telle ou telle candidature pour la manifestation suivante. Les « bénévoles » imposés pour chaque manifestation accomplissaient des tâches qui auraient pu être confiés à des professionnels embauchés par des contrats de travail, soit individuels soit par l’intermédiaire d’agences d’intérim ou de sociétés spécialisées dans le gardiennage, la sécurité, la restauration, la communication, etc. De plus, les remboursements des frais de 2010 à 2014, sous forme de 248 notes, qui ont été transmises par M. [Z] aux agents de l’Urssaf, ont été considérées comme inexploitables dans la mesure où les adresses des intéressés et les lieux de destination n’étaient pas indiqués, et où les bases de calcul étaient toujours les mêmes (kilométrage, découché et repas) et sans aucun justificatif joint à ces notes. Les prétendus « remboursements » n’étaient pas justifiés par une situation de déplacements liés à une activité accomplie pour le compte de l’association. Le redressement au titre des prétendus bénévoles était donc justifié. Concernant les pilotes qui avaient participé aux courses et autres manifestations organisées par l’association, celle-ci n’a fourni aucune pièce permettant de conforter ses affirmations selon lesquelles leurs interventions s’étaient inscrites dans le cadre des contrats les liant à tel ou tel club ou « écurie », pendant les cinq années objet du contrôle. D’après la lettre de la fédération française de motocyclisme (pièce 7 de l’association), les pilotes perçoivent des « primes d’arrivée » : en application de l’article 2.2.6.16 du Code Sportif FFM, si des primes d’arrivée sont prévues par l’organisateur d’une manifestation, celles-ci doivent figurer de manière exhaustive dans le règlement particulier de l’épreuve. L’Urssaf n’a pas eu connaissance des règlements des épreuves de la période contrôlée ou, du moins, l’association n’a pas fourni d’explication sur ce point, ni lors du contrôle ni devant la Cour, limitant ses explications par référence au défraiement des frais exposés par les pilotes pour leur venue dans les différentes manifestations. Ces notes de frais étant aussi succinctes que celles des « bénévoles » examinées ci-dessus, la Cour les qualifie de salaires déguisés. La Cour considère que chaque course de moto se déroulant à grand renfort de publicité, faisant appel à un large public, dans un contexte festif et musical grâce à la participations des danseuses (« pom pom girls ») qui assuraient la transition entre les différentes épreuves, doit être qualifiée de sport spectacle. C’est par une loi du 27 novembre 2015 qu’il a été expressément décidé que : « Le sportif professionnel qui participe librement, pour son propre compte, à une compétition sportive est présumé ne pas être lié à l’organisateur de la compétition par un contrat de travail. La présomption de salariat prévue à l’article L. 7121-3 du code du travail ne s’applique pas au sportif dont les conditions d’exercice sont définies au premier alinéa du présent article ». Toutefois, pour la période contrôlée (2010 à 2014), il existait, a contrario, une présomption de salariat par application des deux textes suivants. 1)- article L. 7121-3 du code du travail qui prévoit que : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. ». 2)- article L. 311-3-15° du code de la sécurité sociale qui prévoit que : « Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation prévue à l’article L. 311-2, même s’ils ne sont pas occupés dans l’établissement de l’employeur ou du chef d’entreprise, même s’ils possèdent tout ou partie de l’outillage nécessaire à leur travail et même s’ils sont rétribués en totalité ou en partie à l’aide de pourboires : (?)15°) les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 762-1 et suivants, L. 763-1 et L. 763-2 du code du travail. Les obligations de l’employeur sont assumées à l’égard des artistes du spectacle et des mannequins mentionnés à l’alinéa précédent, par les entreprises, établissements, services, associations, groupements ou personnes qui font appel à eux, même de façon occasionnelle ; (?) ». Par application de ces articles L. 7121-3 du code du travail et L. 311-3-15° du code de la sécurité sociale, et à défaut de preuve que les pilotes auraient été enregistrés, pour ces activités, au registre du commerce entre 2010 et 2014, il y a lieu d’appliquer la présomption de salariat, les frais remboursés étant considérés comme des salaires déguisés. Le redressement au titre des pilotes était donc justifié. Les modes de calcul de l’Urssaf n’ont pas été contestés par l’association. La Cour infirme le jugement dont appel »

1) ALORS QUE nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ; que, lorsqu’un redressement puis une contrainte portent sur la qualification des relations de travail liant des travailleurs à une entreprise et, partant, sur l’existence éventuelle d’une situation de travail dissimulé, la contestation ne peut être tranchée sans la mise en cause de ces travailleurs ; que la cour d’appel a validé la contrainte portant sur le travail dissimulé des « bénévoles » et des « pilotes » auxquels l’association avait recours lors des évènements sportifs qu’elle organisait, alors que les énonciations de l’arrêt font apparaître que le litige a opposé uniquement l’organisme social à l’association, sans qu’aucun des « bénévoles » ou des « pilotes » n’aient été entendus ou appelés ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 14 du code de procédure civile ;

2) ALORS – concernant les bénévoles – QUE, lorsqu’il intervient dans une association à but non lucratif, le bénévole apporte un concours ponctuel, spontané et désintéressé, sans contrainte ni lien de subordination, et il ne peut y avoir de bénévolat si le bénévole contribue à la réalisation d’un profit pour la personne physique ou morale bénéficiaire de son intervention ; que, pour valider la contrainte décernée à l’association, la cour d’appel a constaté que « toute l’enquête de l’Urssaf montre que les "bénévoles" avaient été "recrutés" pour exercer des tâches imposées, quasiment professionnelles, après une sélection faite par M. [Z] dans le respect des consignes données par la fédération, sous le contrôle et la coordination, exercés par l’animateur commun de l’association et de la société CFO, à savoir M. [Z] également, et au profit de cette société commerciale » (arrêt p.5 §8) ; qu’en constatant que le profit était réalisé par la société commerciale – sans jamais caractériser le moindre profit réalisé par l’association, à l’encontre de laquelle la contrainte pour travail dissimulé a été décernée – la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 242-1-1, L. 242-1-2, L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ;

3) ALORS – concernant les bénévoles – QUE les juges du fond ne sauraient justifier leur décision par une motivation hypothétique, laquelle s’entend de toute affirmation reposant sur un présupposé qu’aucune constatation ne vient corroborer et qui n’a pas la moindre justification réelle ; que pour estimer que le travail dissimulé des « bénévoles » était démontré, la cour d’appel retient que « les bénévoles imposés pour chaque manifestation accomplissaient des tâches qui auraient pu être confiées à des professionnels embauchés par des contrats de travail, soit individuels soit par l’intermédiaire d’agences d’intérim ou de sociétés spécialisées dans le gardiennage, la sécurité, la restauration, la communication, etc. » (arrêt p.5 §10) ; qu’en statuant ainsi, à partir d’un présupposé hypothétique sur le statut social des personnes à qui « les tâches auraient pu être confiées », la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS – concernant les bénévoles – QUE la contradiction de motifs équivaut l’absence de motifs ; que la cour d’appel constate d’abord que « les consignes données par la fédération française de motocyclisme sont très claires puisqu’il y est dit que « les clubs sont dirigés par des bénévoles – un bénévole ne doit pas être un amateur, il doit tendre vers le professionnalisme quand on parle d’organisation » – le cahier des charges fixe ainsi les postes à pourvoir pour les organisations de courses, un responsable de circuit, un responsable par "spéciale", des commissaires en nombre suffisant, des responsables des emplacements-gardiennage-circulation, des personnes pour la gestion des paddocks, des personnes pour les vérifications administratives, pour les classements, pour la communication et pour le pot d’accueil, des personnes chargées des contrôles horaires dont un commissaire sportif, des personnes pour le contrôle des passages, des ouvreurs et des fermeurs, des équipes de 2 binômes de marshalls par contrôle, des personnes pour aider les commissaires techniques, un responsable sécurité et des personnes pour tenir la main courante au PC course (annexe 18 de la lettre) » (arrêt p.5 §4) ; que – pour valider la contrainte portant sur le travail dissimulé des « bénévoles » auxquels l’association avait eu recours lors des évènements sportifs organisés – la cour d’appel affirme ensuite « que l’association s’engageant à assumer le bon déroulement des manifestations ? ne pouvait donc pas tolérer d’erreurs dans la gestion de son organisation, à chaque manifestation – cette responsabilité juridique impliquait donc que M. [Z] exerce un véritable pouvoir de contrôle et de sanction – toute l’enquête de l’Urssaf montre que les « bénévoles » avaient été « recrutés » pour exercer des tâches imposées, quasiment professionnelles, après une sélection faite par M. [Z] dans le respect des consignes données par la fédération » (arrêt p.5 §7-8) ; qu’en affirmant ainsi que, pour respecter les consignes de la Fédération française de motocyclisme, les bénévoles devaient faire preuve d’un professionnalisme qu’ils ne pouvaient atteindre à moins d’être salariés – propositions qui sont inconciliables entre elles – la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS – concernant les pilotes – QUE le sportif – qui n’est pas un artiste de spectacle lorsqu’il pratique son sport dans le cadre des épreuves d’une compétition – est présumé ne pas être lié à l’organisateur de la compétition par un contrat de travail lorsqu’il participe à celle-ci librement et pour son propre compte ; que, pour infirmer le jugement ayant retenu « qu’il ne résulte pas suffisamment des explications et des pièces versées aux débats par l’URSSAF que chacun des pilotes qui ont participé à des courses, organisées par l’association MOTO CLUB DE BOADE, peuvent être qualifiés d’artistes du spectacle salariés, qu’il ne résulte pas que le concours apporté par chaque coureur motocycliste a reçu, des directives de ladite société, que rien n’exclut que chacun d’entre eux a participé, à ses risques et périls et dans son intérêt personnel, à des compétitions organisées par l’association. Le lien de subordination n’est pas démontré » (jugement p.7-8), la cour d’appel retient « que chaque course de moto se déroulant à grand renfort de publicité, faisant appel à un large public, dans un contexte festif et musical grâce à la participations des danseuses (« pom pom girls ») qui assuraient la transition entre les différentes épreuves, doit être qualifiée de sport spectacle » (arrêt p.6 §6) et qu’en conséquence la présomption de salariat des artistes de l’article L. 7121-3 du code du travail s’applique ; qu’en statuant ainsi – par des motifs inopérants, tirés de la publicité, de la dimension du public, de la musique, de la présence de « pom pom girls » – et par des motifs qui sont surtout impropres à caractériser le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction que l’association aurait pu exercer sur les pilotes participant aux « épreuves » de chaque « course de moto » – la cour d’appel a violé, par refus d’application l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, et par fausse application l’article L. 311-3 15° du code de la sécurité sociale et l’article L. 7121-3 du code du travail ;

6) ALORS – concernant les pilotes – QUE durant un spectacle, les artistes sont en représentation vis-à-vis d’un public sans concurrence entre eux ; qu’à l’inverse, durant les épreuves d’une compétition, les sportifs ne sont pas en représentation vis-à-vis d’un public et sont en concurrence entre eux ; que, pour retenir la présomption de salariat de l’article L. 7121-3 du code du travail concernant les artistes, la cour d’appel « considère que chaque course de moto se déroulant à grand renfort de publicité, faisant appel à un large public, dans un contexte festif et musical grâce à la participations des danseuses (« pom pom girls ») qui assuraient la transition entre les différentes épreuves, doit être qualifiée de sport spectacle » (arrêt p.6 §6) ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations faisant apparaître que l’association organisait des « courses de motos » composées « d’épreuves », violant ainsi les articles L. 7121-3 du code du travail, ensemble les articles L. 311-2 et L. 311-3 15° du code de la sécurité sociale ;

7) ALORS – concernant les pilotes – QUE la contradiction de motifs équivaut l’absence de motifs ; que la cour d’appel a constaté que, pour les événements qu’elle a organisé, l’association avait respecté « les consignes données par la fédération française de motocyclisme [dont] le cahier des charges fixe ainsi les postes à pourvoir pour les organisations de courses, un responsable de circuit, un responsable par "spéciale", des commissaires en nombre suffisant, des responsables des emplacements-gardiennage- circulation, des personnes pour la gestion des paddocks, des personnes pour les vérifications administratives, pour les classements, pour la communication et pour le pot d’accueil, des personnes chargées des contrôles horaires dont un commissaire sportif, des personnes pour le contrôle des passages, des ouvreurs et des fermeurs, des équipes de 2 binômes de marshalls par contrôle, des personnes pour aider les commissaires techniques, un responsable sécurité et des personnes pour tenir la main courante au PC course (annexe 18 de la lettre) » (arrêt p.5 §4) ; que la cour d’appel a néanmoins retenue « que chaque course de moto se déroulant à grand renfort de publicité, faisant appel à un large public, dans un contexte festif et musical grâce à la participations des danseuses (« pom pom girls ») qui assuraient la transition entre les différentes épreuves, doit être qualifiée de sport spectacle » (arrêt p.6 §6) ; qu’une pareille motivation est totalement contradictoire – car il est nul besoin dans un spectacle de disposer d’un responsable de circuit, d’un responsable par spéciale, de personnes pour les classements, de personnes chargées des contrôles horaires et des passages, d’un commissaire sportif et de commissaires techniques, d’un PC course – de sorte que la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; Moyen produit au pourvoi incident par *

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR annulé la contrainte émise le 22 décembre 2015 par l’URSSAF Provence Alpes Côte d’Azur à l’attention de l’association Espace loisirs tout terrain [Localité 2] ;

Aux motifs que : « Concernant la contrainte du 22 décembre 2015, l’Urssaf a fait valoir que les deux bénévoles, Madame [H] et M. [R] avaient reçu des sommes en espèces de la part de M.F., qu’il s’agissait de rémunérations car ces deux personnes avaient, en réalité, travaillé pour le compte de l’association, Madame [H] ayant même été embauchée, ensuite, comme secrétaire, par la Sarl Concept [Z] organisation (CFO) gérée par M. [Z]. L’association a contesté le redressement et a fait valoir que son gérant, M.F., avait simplement remboursé les frais kilométriques des deux intéressés et qu’il n’y avait jamais eu de lien de subordination entre ces deux bénévoles et l’association. La cour constate que, la lettre d’observations du 2 septembre 2015 ayant servi de base à la mise en demeure puis à la contrainte du 22 décembre 2015, a été rédigée par l’agent de l’Urssaf à partir des auditions menées lors de l’enquête de la gendarmerie ; cependant, cette lettre d’observations, telle qu’elle est rédigée, ne fait pas apparaître quelles étaient les activités auxquelles ces deux personnes, nominativement désignées, se seraient livrées, ni de quelle manière le lien de subordination pouvait être établi. La lettre d’observations du 2 septembre 2015 est insuffisante pour permettre à la cour de caractériser et de retenir une situation de travail dissimulé. La contestation opposée par l’association est pertinente. La cour annule cette contrainte et infirme le jugement sur ce point. »

1/ Alors que l’opposition à contrainte permet uniquement de contester une irrégularité formelle du redressement et ne permet pas de remettre en question le principe même de la dette ; qu’en retenant que la lettre d’observations ayant servi de base à la mise en demeure et à la contrainte du 22 décembre 2015 ne faisait pas apparaître quelles étaient les activités auxquelles Mme [H] et M. [R] se seraient livrés ni de quelle manière le lien de subordination pouvait être établi de sorte qu’elle ne permettait pas de retenir une situation de travail dissimulé, quand cette opposition à contrainte ne pouvait porter sur le principe même du redressement opéré, la cour d’appel a violé les articles L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale,

2/ Alors que l’existence d’un contrat de travail et notamment d’un lien de subordination résulte d’un faisceau d’indices qui doivent être examinés dans leur ensemble ; qu’il ressort de la lettre d’observations que, si Mme [H] et M. [R] étaient qualifiés de bénévoles, ces derniers devaient cependant travailler en fonction d’horaires préalablement fixés et étaient rémunérés par l’association ; qu’en jugeant que la lettre d’observations était insuffisante pour retenir une situation de travail dissimulé, la cour d’appel a violé les articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que les articles L. 1221-1 et L. 8221-3 du code du travail,

3/ Alors que les mentions du procès-verbal des agents de contrôle, dont la lettre d’observations est un élément constitutif, font foi jusqu’à preuve contraire ; qu’en l’espèce, l’inspecteur du recouvrement avait fait ressortir dans la lettre d’observations l’existence d’un lien de subordination entre l’association et Mme [H] et M. [R] mis en évidence par l’existence d’horaires préalablement fixés et du versement d’une rémunération ; qu’en énonçant que la lettre d’observations était insuffisante pour permettre à la cour d’appel de retenir une situation de travail dissimulé quand il appartenait à l’association de contester l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l’article 1315 devenu 1353 du code civil.