Rugby bénévole non

Le : 05/12/2015

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 novembre 2015

N° de pourvoi : 14-12992

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01916

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que soutenant être lié à l’association Rugby athlétic club angérien (l’association) par un contrat de travail depuis le 2 août 2010, M. X..., joueur de rugby, a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de ce contrat ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l’arrêt retient, d’abord que M. X... verse aux débats un projet de contrat de joueur pour la saison 2010/2011 qui n’étant ni signé ni daté est dépourvu de valeur probante ainsi que des fiches et des chèques d’un montant variable correspondant à des remboursements de frais de repas et de déplacement pour la participation aux activités sportives du club, ensuite que le respect du règlement intérieur et les autres contraintes invoquées par lui sont de ceux qui s’imposent à tout participant aux activités d’un club sportif et ne sont pas de nature à établir l’existence d’un lien de subordination, enfin que l’activité salariée qu’il revendique est incompatible avec l’exercice concomitant d’une activité professionnelle à temps plein sous le statut de fonctionnaire territorial au cours de la période concernée qui serait par ailleurs illicite en application de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et des articles 4 et suivants du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 qui exigent l’autorisation préalable de l’employeur que l’intéressé ne justifie pas même avoir régulièrement sollicitée ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs pour partie inopérants tirés de l’exercice d’une activité professionnelle exercée parallèlement à temps complet par l’intéressé, et sans rechercher si, en cas de non-respect du règlement interne de l’association, des retenues ayant le caractère de sanctions pécuniaires n’étaient pas opérées sur les sommes versées au joueur en contrepartie de sa participation aux activités sportives du club, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déboute l’association Rugby athlétic club angérien de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l’arrêt rendu le 11 septembre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Limoges ;

Condamne l’association Rugby athlétic club angérien aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’association Rugby athlétic club angérien à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes de monsieur X... tendant à obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et la condamnation de l’Association Rugby Athlétic Club Angérien à lui verser un rappel de salaire, les congés payés afférents, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de requalification, une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, une indemnité à titre de préavis et de congés payés afférents, l’indemnité de précarité et une somme au titre du travail dissimulé ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’absence de contrat de travail écrit conclu entre les parties ou d’établissement de bulletins de paie, l’existence d’une relation de travail salarié dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle ; qu’en l’espèce, monsieur Samir X... produit aux débats un projet de contrat écrit intitulé contrat de joueur à durée déterminée établi à son nom pour la saison 2010/2011 qui n’étant ni signé ni daté est dépourvu de valeur probante pour établir la preuve de la conclusion d’un contrat de travail ; qu’il n’est produit par ailleurs aucun bulletin de salaire ; que les fiches produites aux débats et les chèques d’un montant variable correspondent à des remboursement de frais de repas et de déplacement pour la participation aux activités sportives du club qui ne sauraient suppléer à la carence de production des fiches de paie correspondant à l’activité salariée revendiquée par monsieur Samir X... ; que le respect du règlement intérieur et les autres contraintes invoquées par monsieur Samir X... dont témoignent diverses attestations sont de ceux qui s’imposent à tout participant aux activités d’un club sportif et ne sont pas de nature à établir l’existence d’un lien de subordination ; qu’enfin l’activité revendiquée par monsieur Samir X... est de fait incompatible avec son exercice concomitant d’une activité professionnelle à temps plein sous le statut de fonctionnaire territorial au cours de la période concernée, qui serait par ailleurs illicite en application de l’article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et des articles 4 et suivants du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 qui exigent l’autorisation préalable du conseil régional que monsieur X... ne justifie pas même avoir régulièrement sollicitée ainsi qu’en ont jugé les premiers juges par des motifs que la cour adopte ; qu’en l’absence de preuve rapportée de l’existence d’un lien de subordination caractérisant l’existence d’un contrat de travail, monsieur Samir X... sera débouté de l’ensemble de ses demandes ;

ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE le statut de fonctionnaire territorial de monsieur X... au cours de la période concernée n’est pas contesté ; qu’en droit, l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose en son chapitre I, alinéa 1, ce qui suit : « les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit » et en son dernier alinéa : « les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, à titre accessoire, une activité lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte pas leur exercice » ; que le décret n° 2007-658 du 02 mai 2007 précise en son article 4 que : « le cumul d’une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité dont relève l’agent intéressé » et en son article 5 que : « préalablement à l’exercice de toute activité soumise à autorisation, l’intéressé adresse à l’autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : 1°) Identité de l’employeur ou nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité envisagée ; 2°) Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité » ; qu’en son article 6, il est indiqué que : « l’autorité compétente notifie sa décision dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. En l’absence de décision expresse écrite contraire dans le délai de réponse mentionné aux premier et deuxième alinéas, l’intéressé est réputé autorisé à exercer l’activité accessoire. L’activité accessoire ne peut être exercée qu’en dehors dès heures de service de l’intéressé » ; qu’en l’espèce, monsieur X... ne justifie pas avoir sollicité l’autorisation indispensable de la part du conseil régional de la Vienne dans les formes prescrites par l’article 5 du décret rapporté supra, afin d’exercer une activité accessoire et ce, préalablement à son engagement par le Club de rugby de St Jean d’Angely ; qu’il fournit encore moins l’accusé de réception d’une telle demande d’autorisation ; que l’accord verbal que lui aurait donné monsieur Daniel Z... ne saurait se substituer à la demande préalable exigée par le décret susvisé ; que l’arrêt de la Cour de cassation cite par monsieur X... à l’appui de sa requête (Chambre sociale 28 avril 2011) ne constitue pas un argument susceptible d’être retenu, car le statut du joueur concerné, monsieur Y du Club de Marseille, est différent du sien ; que monsieur Y était chauffeur-livreur et non pas fonctionnaire territorial et n’était donc pas tenu par les mêmes contraintes préalablement à son engagement ; qu’il est de ce fait aisé de comprendre pourquoi monsieur X... n’a pas répondu aux demandes formulées à ce titre par le conseil du Rugby Athlétic Club Angérien dans ses courriers des 21 septembre 2011 et 14 novembre 2011 ; qu’en s’abstenant de respecter les termes de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et du décret n° 2007-658 du 02 mai 2007, monsieur X... ne pouvait conclure un contrat de travail avec le Rugby Athlétic Club Angérien ; qu’en outre et de surplus, les documents produits par monsieur X... sont dénués de toute valeur, qu’il s’agisse : - du document dénommé “contrat de travail”, incomplet, ni daté ni signé par les parties, - de l’absence de l’article 4 dudit “contrat”, - de l’incohérence du prétendu contrat selon lequel (article 3) la rémunération fixe mensuelle inclurait des indemnités kilométriques alors que le Club prendrait par ailleurs en charge l’intégralité des frais du véhicule mis à la disposition du requérant (assurance, essence, péages), - de la référence non justifiée au statut des joueurs de rugby de Fédérale 1 alors que le Rugby Athlétic Club Angérien évoluait en Fédérale 2 et non en Fédérale 1 ; - des fiches censées concerner les mois d’août, septembre, novembre, décembre 2010, janvier et mars 2011 ne portant aucune autre dénomination précise, sans aucune référence au Club, sans aucune date de paiement, sans le nom du dirigeant ayant effectué le prétendu règlement ; qu’en conséquence et sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres demandes de monsieur X..., le conseil dit qu’il n’y a pas eu de contrat de travail le liant au Rugby Athlétic Club Angérien et le déboute de l’ensemble des demandes qu’il a formulées à ce titre

1°) ALORS QUE l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs et que le salarié n’est pas tenu de produire des fiches de paie pour justifier d’un contrat de travail ; qu’en écartant l’existence d’un contrat de travail, motifs pris de ce que les chèques versés aux débats et les fiches produites ne pouvaient suppléer la carence de production des fiches de paie, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en constatant, d’une part, que monsieur X... était tenu de respecter le règlement intérieur du club et les autres contraintes « invoquées dont témoignent diverses attestations » et, d’autre part, que celui-ci percevait des sommes en contrepartie du temps passé pour la participation aux activités sportives du club, - ce dont il résultait que ces sommes constituaient la rémunération d’une prestation de travail - , et en décidant néanmoins que les parties n’étaient pas liées par un contrat de travail, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs et que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en statuant comme elle a fait, aux motifs inopérants tirés de l’exercice d’une activité professionnelle effectuée parallèlement à temps complet sous le statut le fonctionnaire territorial par monsieur X... et qui exclurait ainsi tout contrat de travail avec l’association de rugby, la cour d¿appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;

4°) ALORS QU’en affirmant que les fiches produites aux débats et les chèques d’un montant variable correspondaient à des remboursements de frais de repas et de déplacement pour la participation aux activités sportives du club sans motiver sa décision sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Poitiers , du 11 septembre 2013