Vrai travailleur indépendant

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 22 septembre 2015

N° de pourvoi : 14-15381

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01467

Non publié au bulletin

Rejet

M. Frouin, président

SCP Lesourd, SCP Marc Lévis, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 6 juin 2013), que M. X..., chauffeur de taxi, a saisi la juridiction prud’homale afin de se voir reconnaître la qualité de salarié de la société Loire taxis, de la société Taxis bloc, de la société Slota, et de la société Modernes Taxis parisiens (les sociétés), et d’obtenir la requalification de l’ensemble de ses contrats de location de véhicules équipés taxi conclus entre le 1er août 2006 et le 12 juin 2008 en un unique contrat de travail, ainsi que le paiement de diverses sommes liées à ses prestations de travail et à la rupture de la relation contractuelle ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de rejeter son contredit de compétence et dire le tribunal de grande instance de Paris compétent, alors, selon le moyen :

1°/ que les conditions particulières des contrats de location de véhicule signés par les parties prévoyaient expressément « que le locataire reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de location de véhicule équipé taxi, dont un exemplaire lui a été remis, le locataire déclare se conformer auxdites conditions » ; que c’est donc au prix d’une dénaturation des conditions particulières des contrats de location que la cour d’appel a écarté les conditions générales produites par l’exposant en estimant qu’elles n’avaient pas été annexées au contrats de location ; qu’ainsi, l’arrêt attaqué a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’il résultant en l’espèce des conditions générales et particulières des contrats conclus, que les locations étaient consenties pour une durée de trois mois avec tacite reconduction de mois en mois, le loueur ayant la faculté de résilier le contrat sans préavis en cas de retard ou de non-paiement sur les redevances de même qu’en cas de manquement du locataire à ses obligations, qu’il était également stipulé que la redevance était payable par acompte, par avance tous les lundis du mois, que le locataire devait assumer le prix du carburant, les cotisations sociales, salarié et employeur, ce qui au regard des coûts de redevance excluait pour lui toute liberté dans l’organisation du travail lui-même également encadré par la réglementation des taxis parisiens, que le contrat mettait à la charge du chauffeur de nombreuses obligations concernant l’utilisation et l’entretien du véhicule, dès lors qu’il ne pouvait faire effectuer les réparations, des échanges de pièces, des changements de pneus, non pas dans un établissement de son choix mais dans les locaux de la société Slota, qu’il ne pouvait mettre le véhicule à la disposition d’une tierce personne, ni conduire le véhicule hors de France sans l’autorisation du loueur, qu’il résulte de ces éléments que le loueur déterminait unilatéralement les conditions d’exécution du travail de M. X..., celui-ci étant en réalité placé dans un rapport hiérarchique incontestable et par suite dans un état de subordination à l’égard des sociétés, qu’il s’ensuit que sous l’apparence de contrats de location d’un véhicule équipé taxi était en réalité dissimulée l’existence d’un contrat de travail ; qu’en estimant que M. X... n’était pas placé dans un lien de subordination vis-à-vis des sociétés, la cour d’appel a violé les articles L. 1421-1 et L. 1242-1 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, qu’appréciant souverainement les éléments de preuve et hors toute dénaturation, la cour d’appel a estimé que l’intéressé n’établissait pas que les conditions générales contenues dans le document résultant d’une photocopie par lui produite étaient les conditions générales auxquelles se référaient les contrats de location de véhicules automobiles qu’il avait conclus ;

Attendu, ensuite, que la cour d’appel , appréciant les éléments de preuve qui lui ont été soumis, a retenu que M. X... ne produisait aucune pièce justifiant que les sociétés avaient le pouvoir de lui donner des ordres et des directives en ce qui concerne ses activités de chauffeur de taxi, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements, que, notamment, rien ne faisait apparaître que celles-ci organisaient son travail en lui fixant un périmètre géographique, des horaires, une durée du travail, des périodes de congés, ou en lui imposant la prise de certains clients, qu’aucune des pièces versées aux débats ne révélait que les conditions dans lesquelles les contrats se sont exécutés avaient placé M. X... dans une situation de précarité et de dépendance économique, qu’en l’état de ces constatations, elle a pu décider que M. X... n’était pas placé dans un lien de subordination à l’égard des sociétés ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR rejeté le contredit de compétence formé par M. X... et dit le tribunal de grande instance de Paris compétent ;

AUX MOTIFS QUE « M. Meziane X... produit divers documents émanant des sociétés du groupe Slota : -le contrat de location d’un véhicule équipé taxi conclu avec la SARL Loire Taxis le 1er août 2006, -sa lettre de résiliation, en date du 27 avril 2007, du contrat de location qu’il avait conclu le 1er août 2006 avec la SARL Loire Taxis, -le contrat de location d’un véhicule équipé taxi conclu avec la SARL Modernes Taxis Parisiens le 27 avril 2007, -des factures mensuelles et hebdomadaires pour la location de véhicules équipés taxi, -des attestations mensuelles de versement des cotisations sociales par les sociétés pour son compte, -des factures de carburant dont les dépenses restaient toujours à sa charge, -une photocopie des conditions générales du groupe Slota et un livret d’accueil, -un courrier de résiliation en date du 12 juin 2008 de la société Taxis Bloc mentionnant que, suite au fait qu’il n’était pas venu chercher le véhicule qui lui était réservé, son contrat était résilié, -une attestation en date du 7 juillet 2009 de la compagnie Slota certifiant que M. Meziane X..., chauffeur de taxe locataire indépendant du 1er août 2006 au 12 juin 2008 ne faisait plus partie des locataires du groupe ; que les contrats de location prévoyaient que la location était consentie à M. Meziane X..., en qualité de travailleur indépendant, sans condition de durée, moyennant le paiement d’un prix de location journalière, M. Meziane X... ayant la faculté de résilier le contrat avec un préavis de 15 jours, en cas de refus d’acceptation d’une augmentation de prix ; qu’ils ne mentionnaient aucune obligation particulière laissant supposer l’existence d’un quelconque lien de subordination ; que la photocopie des conditions générales des contrats, que M. X... verse aux débats pour la première fois en cause d’appel, n’a été ni annexée aux contrats de location, ni signé par les parties ; qu’ainsi, ce document ne peut être considéré comme étant un document contractuel imposant des obligations à M. Meziane X... ; que par ailleurs, il ne ressort d’aucun des documents produits que ces conditions générales auraient, dans les faits, été appliquées par l’une ou l’autre des trois sociétés avec lesquelles il a été lié, à savoir la SARL Loire Taxis, la SARL Modernes Taxis Parisiens et la société Slota ; qu’en conséquence, M. Meziane X... ne peut invoquer les conditions mentionnées sur ce document pour démontrer l’existence d’un lien de subordination ; que M. Meziane X... ne produit aucune pièce justifiant que les sociétés avaient le pouvoir de lui donner des ordres et des directives en ce qui concerne ses activités de chauffeur de taxi, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements ; que, notamment, rien ne fait apparaître que celles-ci organisaient son travail en lui fixant un périmètre géographique, des horaires, une durée du travail, des périodes de congés, ou en lui imposant la prise de certains clients ; qu’aucune des pièces versées aux débats ne révèle que les conditions dans lesquelles les contrats se sont exécutés ont placé M. Meziane X... dans une situation de précarité et de dépendance économique ; que le premier contrat de location, conclu avec la SARL Loire Taxis le 1er août 2006, a été rompu par M. Meziane X... le 27 avril 2007, sans aucun motif ; que les relations avec les sociétés du groupe se sont interrompues, au bout de trois années, du fait de M. Meziane X..., qui n’a pas pris possession du véhicule équipé taxi qui lui était réservé, à compter du 12 juin 2008, également sans aucun motif, étant observé qu’il n’a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de requalification des contrats que le 20 avril 2011, soit presque trois ans après la rupture des relations contractuelles ; qu’il résulte de ce qui précède que M. Meziane X... n’était pas placé dans un lien de subordination vis-à-vis de la SARL Loire Taxis, de la SA Slota, de la SARL Modernes Taxis Parisiens ou de la SAS Taxis Bloc » ;

ALORS 1°) QUE les conditions particulières des contrats de location de véhicule signés par les parties prévoyaient expressément « que le locataire reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de location de véhicule équipé taxi, dont un exemplaire lui a été remis, le locataire déclare se conformer auxdites conditions » ; que c’est donc au prix d’une dénaturation des conditions particulières des contrats de location que la cour d’appel a écarté les conditions générales produites par l’exposant en estimant qu’elles n’avaient pas été annexées au contrats de location ; qu’ainsi, l’arrêt attaqué a violé l’article 1134 du code civil ;

ALORS 2°) QUE l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’il résultant en l’espèce des conditions générales et particulières des contrats conclus (reproduits aux pages 11 et 16 des conclusions d’appel de l’exposant), que les locations étaient consenties pour une durée de trois mois avec tacite reconduction de mois en mois, le loueur ayant la faculté de résilier le contrat sans préavis en cas de retard ou de non-paiement sur les redevances de même qu’en cas de manquement du locataire à ses obligations, qu’il était également stipulé que la redevance était payable par acompte, par avance tous les lundis du mois, que le locataire devait assumer le prix du carburant, les cotisations sociales, salarié et employeur, ce qui au regard des coûts de redevance excluait pour lui toute liberté dans l’organisation du travail lui-même également encadré par la réglementation des taxis parisiens, que le contrat mettait à la charge du chauffeur de nombreuses obligations concernant l’utilisation et l’entretien du véhicule, dès lors qu’il ne pouvait faire effectuer les réparations, des échanges de pièces, des changements de pneus, non pas dans un établissement de son choix mais dans les locaux de la société Slota, qu’il ne pouvait mettre le véhicule à la disposition d’une tierce personne, ni conduire le véhicule hors de France sans l’autorisation du loueur, qu’il résulte de ces éléments que le loueur déterminait unilatéralement les conditions d’exécution du travail de M. X..., celui-ci étant en réalité placé dans un rapport hiérarchique incontestable et par suite dans un état de subordination à l’égard des sociétés, qu’il s’ensuit que sous l’apparence de contrats de location d’un véhicule équipé taxi était en réalité dissimulée l’existence d’un contrat de travail ; qu’en estimant que M. X... n’était pas placé dans un lien de subordination vis-à-vis de la SARL Loire Taxis, de la société Slota, de la SARL Moderne Taxis parisiens et de la SAS Taxis Bloc, la cour d’appel a violé les articles L. 1421-1 et L.1242-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 6 juin 2013