Requalification en CDI oui - recours au travail temporaire non justifié par l’entreprise utilisatrice

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 octobre 2020, 19-11.955 19-12.477, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 19-11.955, 19-12.477
ECLI:FR:CCASS:2020:SO00945
Non publié au bulletin
Solution : Rejet

Audience publique du mercredi 21 octobre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Toulouse, du 05 décembre 2018

Président
M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION


Audience publique du 21 octobre 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 945 F-D

Pourvois n°
N 19-11.955
E 19-12.477 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

I. La société BP France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-11.955 contre un arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d’appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. K... R..., domicilié [...] ,

2°/ à la Société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (SASCA), société en nom collectif, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

II. M. K... R... a formé le pourvoi n° E 19-12.477 contre le même arrêt rendu entre les mêmes parties.

La Société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BP France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. R..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la Société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation, après débats en l’audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 19-11.955 et E 19-12.477 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 5 décembre 2018), M. R..., salarié de différentes sociétés de travail intérimaire, a été mis à disposition du groupement d’intérêt économique nommé GIE GAT (groupement pour l’avitaillement de Toulouse) entre le 1er décembre 2003 et le 14 avril 2006.

3. Le 1er mai 2006, M. R... a été engagé par la société BP France.

4. Le 1er janvier 2001, la société BP France est entrée au sein du groupement d’intérêt économique GAT constitué le 10 février 1978 par les sociétés Elf Antar et Total raffinage distribution lequel avait pour objet la mise à bord de carburant dans les aéronefs de compagnies aériennes sous contrat d’avitaillement avec un des membres du groupement.

5. Le 25 novembre 2011, à effet au 1er janvier 2012, les sociétés Total et BP France ont procédé à un apport partiel d’actifs au bénéfice de la Société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (la société SASCA).

6. Le contrat de travail de M. R... a, en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, été transféré de la société BP France à la société Sasca le 1er janvier 2012.

7. M. R... a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.

Sur la demande de mise hors de cause

8. Il n’y a pas lieu de mettre hors de cause la société BP France dans le pourvoi n° E 19-12.477.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et la première branche du moyen du pourvoi incident du pourvoi n° E 19-12.477, ci-après annexés

9. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui sont irrecevables.

Sur le moyen du pourvoi n° N 19-11.955, pris en ses trois premières branches, le second moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, pris en ses deux dernières branches du pourvoi n° E 19-12.477, ci-après annexés

10. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° N 19-11.955, pris en ses quatrième à huitième branches

Enoncé du moyen

11. La société BP France fait grief à l’arrêt de requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à compter du 22 décembre 2003 et de la condamner au paiement de sommes, alors :

« 4°/ que les juges doivent respecter les termes du litige ; qu’en l’espèce, au soutien de sa demande de requalification, M. R... faisait valoir que seul le GIE GAT était, ainsi que le mentionnaient l’ensemble des contrats de mission, l’entreprise utilisatrice, ce à l’exclusion de la société BP France ; que, pour prononcer la requalification des contrats de mission à l’égard de cette dernière ainsi que de la SNC SASCA et condamner solidairement ces deux sociétés au paiement de sommes à ce titre, la cour d’appel a retenu que s’il résultait du contrat constitutif du GIE GAT autant que des contrats de mission que l’entreprise utilisatrice était le GIE GAT, dès lors que 3 contrats de mission mentionnaient le remplacement de M. W..., salarié de la société BP France, que trois autres contrats faisaient référence au remplacement d’avitailleurs BP, d’autres contrats mentionnant le remplacement d’avitailleurs de la société Total, et que le contrat d’embauche de M. R... prévoyait une reprise d’ancienneté de trois mois durant laquelle l’entreprise utilisatrice était le GIE GAT, les salariés intérimaires étant "rattachés" aux sociétés pétrolières et notamment la société BP France, laquelle aurait donc également la qualité d’entreprise utilisatrice ; qu’en statuant ainsi, en se fondant sur la qualité d’entreprise utilisatrice de la société BP France qui n’était nullement revendiquée par le salarié au soutien de sa demande de requalification, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5°/ que l’action en requalification instituée par l’article L. 1251-40 du code du travail ne peut être exercée qu’à l’encontre de l’entreprise utilisatrice ; que l’entreprise utilisatrice est le client utilisateur auprès duquel l’entreprise de travail temporaire met à disposition un salarié ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que tous les contrats de mission mentionnaient comme entreprise utilisatrice le GIE GAT, en sorte que ce dernier était "certes l’entreprise utilisatrice", la cour d’appel a retenu que la société BP France aurait "également" cette qualité, ce qu’elle a déduit de ce que six contrats de mission, sur les 68 revendiqués par le salarié, mentionnaient le remplacement de salariés de la société BP France, et de ce que cette dernière avait procédé à une reprise d’ancienneté ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du code du travail, dans leur rédaction applicable ;

6°/ qu’en cas de succession de contrats à mission pour le compte de plusieurs entreprises utilisatrices, la requalification ne peut s’opérer en un contrat à durée indéterminée auprès de l’une d’elle seulement, a fortiori avec une ancienneté remontant à la première mission effectuée pour cette entreprise ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que certains contrats de mission avaient été conclus pour procéder au remplacement d’avitailleurs BP et que d’autres mentionnaient des avitailleurs de la société Total, le salarié se prévalant également de ce que, sur la période concernée, il avait travaillé pour la société ELF Antar ; que la cour d’appel a estimé qu’ainsi, les salariés en contrat de mission pour l’opération d’avitaillement auraient été "rattachés aux sociétés pétrolières et notamment la société BP France" ; qu’en procédant néanmoins à la requalification auprès de la société BP France, ce à compter de la première mission effectuée pour ladite société, la cour d’appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du code du travail, dans leur rédaction applicable ;

7°/ qu’au soutien de sa demande de requalification, M. R... prétendait que les 68 contrats de mission qu’il avait signés avec le GIE GAT durant plus de deux années auraient permis à ce dernier de pourvoir à un emploi relevant de son activité normale et permanente ; qu’en retenant que la société BP France n’aurait pas justifié ce de que les salariés remplacés étaient absents, ce qui n’était nullement soutenu, la cour d’appel a violé l’article 4 et 5 du code de procédure civile ;

8°/ que la cour d’appel s’est exclusivement fondée, pour retenir que la société BP France avait la qualité d’entreprise utilisatrice, sur des contrats de mission mentionnant le remplacement d’avitailleurs de la société BP France ; qu’en considérant, pour procéder à la requalification à l’égard de la société BP France et la condamner au paiement de sommes à ce titre, que cette dernière ne justifiait pas de la réalité des surcroîts temporaires d’activité, ce qu’elle ne pouvait être tenue d’établir, la cour d’appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du code du travail, dans leur rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

12. La cour d’appel, appréciant la valeur et la portée des éléments produits, a retenu, sans méconnaître l’objet du litige, que la société BP France avait la qualité d’entreprise utilisatrice.

13. Estimant, ensuite, sans méconnaître l’objet du litige, que l’entreprise utilisatrice ne justifiait pas de la réalité du motif du recours au contrat de travail temporaire mentionné dans les contrats de mission, la cour d’appel en a exactement déduit que la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée prenait effet à la date du premier contrat de mission conclu avec la société BP France.

14. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit, au pourvoi n° N 19-11.955, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société BP France

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré recevables les demandes de Monsieur R... formées à l’encontre de la SA BP FRANCE et, infirmant le jugement de ces chefs, statuant à nouveau et y ajoutant, d’AVOIR requalifié les contrats de mission de Monsieur R... en contrat à durée indéterminée à compter du 22 décembre 2003 à l’égard de la SA BP FRANCE et à l’égard de la SNC SASCA par suite du transfert du contrat de travail, d’AVOIR condamné in solidum la SA BP FRANCE et la SNC SASCA à payer à Monsieur R... les sommes de 3.250 € à titre d’indemnité de requalification, 2.134 € à titre de prime d’ancienneté, 213,40 € au titre des congés payés afférents, et 77,26 € au titre du rappel sur le 13ème mois par suite de l’incidence de la prime d’ancienneté ;

AUX MOTIFS QUE « le 10 février 1978, les sociétés Elf Antar (Elf) et Total Raffinage Distribution (Total) ont constitué un GIE (groupement d’intérêt économique) nommé GIE GAT (groupement pour l’avitaillement de Toulouse) ayant pour objet la mise à bord de carburant dans les aéronefs de compagnies aériennes sous contrat d’avitaillement avec un des membres du groupement. A effet du 1er janvier 2001, le contrat de groupement du GIE GAT a été modifié par l’entrée de la SAS BP France. Le GIE GAT a été en contact avec plusieurs sociétés d’intérim pour la mise à disposition de travailleurs temporaires sur le site de l’aéroport de Toulouse. Le 25 novembre 2011, à effet du 1er janvier 2012, la société Total et la société BP France ont procédé à un apport partiel d’actif au bénéfice de la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation constituée sous la forme d’une société en nom collectif (SNC Sasca). M. K... R... a été salarié des sociétés d’intérim Vedior Bis et Adecco et a été mis à disposition du GIE GAT, du 10 décembre 2003 au 14 avril 2006. A partir du 1er mai 2006, ce salarié a été embauché en CDI par la société BP France, avec une reprise d’ancienneté de trois mois. Le contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2012 à la SNC Sasca par application des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail » ;

ET AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité des demandes relatives à la requalification des contrats de mission : La SNC Sasca n’a pas conclu dans le dispositif de ses écritures à l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre.La cour retient que l’article L1224-2 du code du travail ne prive pas le salarié, dont le contrat a été transféré de la possibilité d’agir directement contre l’ancien employeur pour obtenir l’indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l’exécution de ses obligations avant le transfert du contrat de travail. Dès lors, les moyens d’irrecevabilité tirés de la qualité de membre du GIE GAT et d’associé de la SNC Sasca de la société BP France seront écartés. Les demandes de M. R... seront donc déclarées recevables à l’égard de la SA BP France. Sur la demande de requalification des contrats de mission à l’encontre de la SNC Sasca et la société BP France : Selon l’article L1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Selon l’article L1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des articles L1251-5 à L1251-7, L1251-10 à 1251-12 et L1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. Le contrat constitutif du GIE GAT mentionne à l’article 2 B "objet" : "La gestion des opérations de stockage, de mises à bord de carburants et autres produits (additifs, méthanol, eau déminéralisée, etc...) et de toutes activités accessoires, l’entretien des bâtiments et véhicules, le contrôle de la qualité des produits, à l’aide des moyens ci- dessous définis : - soit par l’intermédiaire du personnel de chaque membre mis à la disposition du groupement, - soit par l’intermédiaire du personnel embauché et géré directement par le groupement, - soit par tout autre moyen." La cour constate que l’ensemble des contrats de mission produits par M. R... mentionnent seulement comme entreprise utilisatrice le GIE GAT. Toutefois, la cour constate également que : les contrats de mission des 22 décembre 2003, 2 février 2004 et 9 février 2004 mentionnent expressément le remplacement de M. W..., avitailleur, lequel avait qualité de salarié de la société BP France, les contrats de mission des 8 juin 2004, 16 mars 2005, 2 novembre 2005 font référence au remplacement d’avitailleurs BP, d’autres contrats de missions mentionnent des avitailleurs de la société Total, le contrat d’embauche de M. R... par la société BP France du 1er mai 2006 mentionne une reprise d’ancienneté de 3 mois à effet du ier février 2006, cette période correspondant à des contrats de mission dont l’entreprise utilisatrice est le GIE GAT. Il résulte de ces mentions sur les contrats de mission et sur le contrat constitutif, que le GIE GAT était certes entreprise utilisatrice des salariés en contrat de mission pour l’opération d’avitaillement mais que ceux-ci étaient rattachés aux sociétés pétrolières et notamment BP France pour les contrats sus-visés, ce qui est parfaitement cohérent avec l’objet du GIE GAT de réalisation de l’avitaillement en carburant des aéronefs de Toulouse par la mise à disposition des personnels de ses membres. En conséquence, la société BP France avait également qualité d’entreprise utilisatrice. En cas de litige sur le motif du recours au contrat de mission, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission. En l’espèce, la société BP France et la société Sasca se bornent à invoquer les mentions portées sur les contrats de mission mais ne rapportent pas la preuve de la réalité des motifs énoncés dans les contrats de mission relatifs à BP, ni au titre du remplacement d’un salarié, ni au titre de l’accroissement temporaire d’activité. Dès lors, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à l’encontre de BP France et de Sasca, venant aux droits de celle-ci, est encourue à compter du premier contrat de mission rattaché à BP France soit à la date du 22 décembre 2003. Le jugement sera réformé de ce chef. Sur les conséquences de la requalification : l’indemnité de requalification : A la suite de la requalification des contrats de mission, M. R... est fondé à obtenir, par application des dispositions de l’article L1251-41 une indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire. Compte tenu du salaire mensuel moyen de M. R..., à la date de la saisine du conseil de prud’hommes, d’un montant de 3 220,15 E (au vu des bulletins de paie de janvier, février et mars 2013), la société BP France et la société Sasca seront condamnées in solidum au paiement à M. R... de la somme de 3 250€ au titre de l’indemnité de requalification. les rappels au titre de la prime d’ancienneté : Par application de l’article L1251-40 du code du travail, le salarié bénéficie des droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. Ainsi, le travailleur intérimaire bénéficie rétroactivement de la qualité de salarié de l’entreprise utilisatrice, avec une ancienneté remontant au premier jour de la mission irrégulière, soit au 22 décembre 2003.La demande relative à la prime d’ancienneté concerne la période non prescrite à compter de mai 2008 à mai 2013, outre la réactualisation à la date du présent arrêt. Les périodes intersticielles des contrats de mission requalifiés pendant lesquelles le salarié n’a pas travaillé pour BP France n’ont pas d’incidence sur le calcul de l’ancienneté résultant de la requalification du contrat à durée indéterminée à compter du 22 décembre 2003. Par ailleurs, le travail à temps partiel n’a pas non plus d’incidence sur le calcul de l’ancienneté. L’article 405 de la convention collective nationale de l’industrie du pétrole prévoit une prime d’ancienneté ainsi décrite et calculée : "a) Il est attribué aux ouvriers, employés, agents de maîtrise ou assimilés, ayant plus de 3 ans d’ancienneté, une prime déterminée en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. Cette prime est calculée sur le salaire minimum de l’emploi correspondant à la classification de l’intéressé augmenté éventuellement des majorations en points ou en pourcentage prévues pour certains emplois. Elle subit, le cas échéant, les majorations pour heures supplémentaires. Les taux de la prime sont les suivants : Après 1 an d’ancienneté dans l’entreprise : 1 % (1) Après 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 2 % (2) Après 3 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 3 % Après 4 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 4 %Après 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 5 % ; Après 6 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 6 % : Après 7 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 7% ; Après 8 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 8% ; Après 9 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 9 % ; Après 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 10 % ; Après 11 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 11 % ; Après 12 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 12 % ; Après 13 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 13 % ; Après 14 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 14% ; Après 15 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 15% ; Après 16 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 16 % ; Après 17 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 17% ; Après 18 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 18% ; Après 19 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 19 % (3) ; Après 20 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 20 % (4) ; A compter du 1er janvier 2007 (1). A compter du 1er janvier 2006 (2) ;A compter du 1er janvier 2008. (3) A compter du 1er janvier 2010 (4)." Par application de ces dispositions, après rectification des décomptes du salarié pour tenir compte de la date de départ de l’ancienneté et du montant du salaire minimal conventionnel, celui-ci est fondé à obtenir paiement de la somme de 2 134,04 € au titre du rappel de la prime d’ancienneté, outre les congés payés afférents. Il lui sera également alloué la somme de 77,26 €, conformément à la demande, au titre du rappel sur le 13ème mois par suite de l’incidence de la prime d’ancienneté. Par ailleurs, il sera fait droit à la demande tendant à condamner la société Sasca à réactualiser et à régler les sommes dues au titre de la prime de fin d’année et de ses incidences sur les congés payés et les primes de 13eme mois à la date du présent arrêt (
) ; Les sociétés BP France et Sasca, parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sont tenues des dépens de première instance et d’appel. M. R... est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion des procédures de première instance et d’appel. La société Sasca sera donc condamnée à payer à M. R... la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 al, 1er 10 du code de procédure civile, outre la confirmation de la condamnation prononcée de chef par les premiers juges. La société BP France et la société Sasca, parties perdantes, ne sont pas fondées à réclamer l’indemnisation de ses frais non compris dans les dépens » ;

1. ALORS QUE sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d’apport, l’apport partiel d’actif emporte, lorsqu’il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d’activité qui fait l’objet de l’apport ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que, le 25 novembre 2011, les sociétés TOTAL et BP FRANCE avaient procédé à un apport partiel d’actif au bénéfice de la SNC SASCA ; que la société BP FRANCE avait précisé que ledit transfert avait été placé sous le régime de scissions et fait valoir qu’en conséquence, les demandes présentées à son égard par Monsieur R... étaient irrecevables, la SNC SASCA étant seule responsable des obligations de la société BP FRANCE dépendantes de la branche d’activité apportée, consistant dans la distribution de carburant aviation sur l’aéroport de TOULOUSE ; qu’en disant recevables les demandes présentées à l’égard de la société BP FRANCE, requalifiant les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à son égard ainsi que de la société SASCA, et en condamnant solidairement ces deux sociétés au paiement de différentes sommes, sans rechercher si l’apport partiel d’actif qu’elle a constaté n’emportait pas transfert des obligations de la société BP FRANCE à la SNC SASCA, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce ;

2. ET ALORS en tout état de cause QUE les juges doivent répondre aux moyens dont ils sont saisis ; qu’en s’abstenant de répondre au moyen d’irrecevabilité de la société BP FRANCE tiré de l’application des articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce et du transfert universel à la SNC SASCA des obligations dépendant de la branche d’activité faisant l’objet de l’apport (conclusions, pp.15 et 16), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3. ET ALORS QUE les juges doivent répondre aux moyens dont ils sont saisis ; qu’en l’espèce, la société BP FRANCE avait souligné, sans être contredite, que Monsieur R... ne recherchait sa responsabilité qu’en sa qualité de membre du GIE GAT et que, faute d’avoir mis en demeure ce dernier ainsi que l’imposait l’article L. 251-6 du code de commerce, ses demandes étaient irrecevables (conclusions p.14) ; qu’en s’abstenant de également de répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4. ET ALORS subsidiairement QUE les juges doivent respecter les termes du litige ; qu’en l’espèce, au soutien de sa demande de requalification, Monsieur R... faisait valoir que seul le GIE GAT était, ainsi que le mentionnaient l’ensemble des contrats de mission, l’entreprise utilisatrice, ce à l’exclusion de la société BP FRANCE ; que, pour prononcer la requalification des contrats de mission à l’égard de cette dernière ainsi que de la SNC SASCA et condamner solidairement ces deux sociétés au paiement de sommes à ce titre, la cour d’appel a retenu que s’il résultait du contrat constitutif du GIE GAT autant que des contrats de mission que l’entreprise utilisatrice était le GIE GAT, dès lors que 3 contrats de mission mentionnaient le remplacement de Monsieur W..., salarié de la société BP FRANCE, que trois autres contrats faisaient référence au remplacement d’avitailleurs BP, d’autres contrats mentionnant le remplacement d’avitailleurs de la société TOTAL, et que le contrat d’embauche de Monsieur R... prévoyait une reprise d’ancienneté de trois mois durant laquelle l’entreprise utilisatrice était le GIE GAT, les salariés intérimaires étant « rattachés » aux sociétés pétrolières et notamment la société BP FRANCE, laquelle aurait donc également la qualité d’entreprise utilisatrice ; qu’en statuant ainsi, en se fondant sur la qualité d’entreprise utilisatrice de la société BP FRANCE qui n’était nullement revendiquée par le salarié au soutien de sa demande de requalification, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5. ET ALORS subsidiairement QUE l’action en requalification instituée par l’article L. 1251-40 du code du travail ne peut être exercée qu’à l’encontre de l’entreprise utilisatrice ; que l’entreprise utilisatrice est le client utilisateur auprès duquel l’entreprise de travail temporaire met à disposition un salarié ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que tous les contrats de mission mentionnaient comme entreprise utilisatrice le GIE GAT, en sorte que ce dernier était « certes l’entreprise utilisatrice », la cour d’appel a retenu que la société BP FRANCE aurait « également » cette qualité, ce qu’elle a déduit de ce que six contrats de mission, sur les 68 revendiqués par le salarié, mentionnaient le remplacement de salariés de la société BP FRANCE, et de ce que cette dernière avait procédé à une reprise d’ancienneté ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du code du travail, dans leur rédaction applicable ;

6. ET ALORS subsidiairement QU’en cas de succession de contrats à mission pour le compte de plusieurs entreprises utilisatrices, la requalification ne peut s’opérer en un contrat à durée indéterminée auprès de l’une d’elle seulement, a fortiori avec une ancienneté remontant à la première mission effectuée pour cette entreprise ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que certains contrats de mission avaient été conclus pour procéder au remplacement d’avitailleurs BP et que d’autres mentionnaient des avitailleurs de la société TOTAL, le salarié se prévalant également de ce que, sur la période concernée, il avait travaillé pour la société ELF ANTAR ; que la cour d’appel a estimé qu’ainsi, les salariés en contrat de mission pour l’opération d’avitaillement auraient été « rattachés aux sociétés pétrolières et notamment la société BP FRANCE » ; qu’en procédant néanmoins à la requalification auprès de la société BP FRANCE, ce à compter de la première mission effectuée pour ladite société, la cour d’appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du code du travail, dans leur rédaction applicable ;

7. ET ALORS subsidiairement QU’au soutien de sa demande de requalification, Monsieur R... prétendait que les 68 contrats de mission qu’il avait signés avec le GIE GAT durant plus de deux années auraient permis à ce dernier de pourvoir à un emploi relevant de son activité normale et permanente ; qu’en retenant que la société BP FRANCE n’aurait pas justifié ce de que les salariés remplacés étaient absents, ce qui n’était nullement soutenu, la cour d’appel a violé l’article 4 et 5 du code de procédure civile ;

8. ET ALORS subsidiairement QUE la cour d’appel s’est exclusivement fondée, pour retenir que la société BP FRANCE avait la qualité d’entreprise utilisatrice, sur des contrats de mission mentionnant le remplacement d’avitailleurs de la société BP FRANCE ; qu’en considérant, pour procéder à la requalification à l’égard de la société BP FRANCE et la condamner au paiement de sommes à ce titre, que cette dernière ne justifiait pas de la réalité des surcroîts temporaires d’activité, ce qu’elle ne pouvait être tenue d’établir, la cour d’appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-5, L. 1251-6, et L. 1251-40 du code du travail, dans leur rédaction applicable. Moyens produits, au pourvoi principal n° E 19-12.477, par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. R...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que la demande relative à la prime d’intéressement et de participation est prescrite.

AUX MOTIFS QUE par application des dispositions des articles L3245-1 du code du travail et 2224 du code civil, dans leur version applicable à la date du litige, l’action en paiement ou en répétition du salaire et les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans ; que la demande porte sur les droits à intéressement et participation correspondant à la période antérieure au 1er mai 2006 ; qu’or la demande a été formée le 22 mai 2013 soit 7 ans après le dernier plan d’intéressement concerné de 2006.

ALORS QUE la prescription quinquennale ne s’applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui, comme la participation aux fruits de l’expansion et l’intéressement, ne sont pas connus du bénéficiaire ; que la cour d’appel, après avoir rappelé que l’action en paiement des salariés se prescrivait par 5 ans, a déclaré les demandes prescrites au motif qu’elles correspondaient à la période antérieure au 1er mai 2006 et qu’elles avaient été formées le 22 mai 2013, soit 7 ans après le dernier plan d’intéressement concerné de 2006 ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L.3311-1, L.3321-1 et s. et L.3245-1 du code du travail, ensemble l’article 2224 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de rappel de salaires correspondant à la rémunération du temps d’habillage et de déshabillage.

AUX MOTIFS QUE M. R... a été embauché par la société BP France en qualité d’avitailleur d’aéronefs et que son contrat de travail a été transféré à la société SASCA ; qu’il est établi par les productions que la tenue de travail du personnel avitailleur de la société SASCA est imposée pour des raisons de sécurité compte tenu de la nature des produits manipulés, consistant en du carburant pour aéronefs ; que la fiche relative au port des équipements de protection individuelle au sein de la société SASCA décline 7 équipements distincts : vêtements de travail antistatiques, gilet haute visibilité, casquette coquée, casque anti-bruit, chaussures de sécurité montantes, gants protecteurs résistants aux hydrocarbures, lunettes de sécurité ou surlunettes ; que la fiche de données de sécurité relative à la manipulation de ces hydrocarbures de type" carburéacteur Jet A-1" mentionne que tout vêtement souillé ou éclaboussé doit être enlevé immédiatement ; que par ailleurs, il n’est pas contesté que l’employeur met à disposition des salariés des vestiaires et casiers et que le nettoyage de la tenue sa travail est assumé par la société SASCA, tout entretien domestique étant impossible ; que toutefois, l’employeur produit de nombreuses attestations concordantes émanant des chefs et adjoints des différentes stations de la société SASCA, dont le chef et l’adjoint de station de Toulouse, parfaitement concordantes, desquelles il résulte que les salariés n’ont pas l’obligation de se changer dans les locaux de l’entreprise et dans lesquelles les témoins affirment que plusieurs salariés arrivent sur le lieu de travail en tenue et que ceux qui se changent sur le lieu de travail le font sur le temps de travail ; que par ailleurs, la liste de fourniture des tenues aux 28 avitailleurs de la société SASCA, rapprochée des statistiques de nettoyage des tenues de travail par le prestataire démontre que les vêtements se salissent très peu du fait des processus de sécurité des avitaillements qui se passent en circuit étanche et fermé pour éviter toute fuite ; qu’il résulte de ces éléments que l’habillage et le déshabillage relatif à la tenue de travail n’est pas obligatoirement réalisé au sein de l’entreprise SASCA.

1° ALORS tout d’abord QUE en vertu de l’article L.3121-3 du code du travail, les contreparties au temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation cumulative des deux conditions cumulatives qu’il édicte, à savoir l’obligation du port d’une tenue de travail et l’obligation de réaliser l’habillage et le déshabillage dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ; qu’un avitailleur, exposé aux hydrocarbures, a pour obligation de confier le nettoyage de sa tenue de travail à l’entreprise ; qu’il s’en déduit que les conditions d’insalubrité dans lesquelles il exerce lui imposent de procéder aux opérations d’habillage et de déshabillage sur son lieu de travail, de sorte qu’il est en droit de prétendre à une contrepartie pour le temps d’habillage et de déshabillage ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L.3121-3 du code du travail.

2° ALORS ensuite QUE en vertu de l’article L.3121-3 du code du travail, les contreparties au temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation cumulative des deux conditions cumulatives qu’il édicte, à savoir l’obligation du port d’une tenue de travail et l’obligation de réaliser l’habillage et le déshabillage dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ; qu’un avitailleur, exposé aux hydrocarbures, a pour obligation de confier le nettoyage de sa tenue de travail à l’entreprise ; qu’il s’en déduit que les conditions d’insalubrité dans lesquelles il exerce lui imposent de procéder aux opérations d’habillage et de déshabillage sur son lieu de travail, de sorte qu’il est en droit de prétendre à une contrepartie pour le temps d’habillage et de déshabillage, peu important que certains salariés de l’entreprise procèdent autrement ; qu’en déboutant l’exposant, au motif que plusieurs salariés de l’entreprise arrivent sur le lieu de travail en tenues, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l’article L.3121-3 du code du travail.

3° ALORS encore QUE en vertu de l’article L.3121-3 du code du travail, les contreparties au temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation cumulative des deux conditions cumulatives qu’il édicte, à savoir l’obligation du port d’une tenue de travail et l’obligation de réaliser l’habillage et le déshabillage dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ; qu’un avitailleur, exposé aux hydrocarbures, a pour obligation de confier le nettoyage de sa tenue de travail à l’entreprise ; qu’il s’en déduit que les conditions d’insalubrité dans lesquelles il exerce lui imposent de procéder aux opérations d’habillage et de déshabillage sur son lieu de travail, de sorte qu’il est en droit de prétendre à une contrepartie pour le temps d’habillage et de déshabillage ; que la circonstance que certains salariés de l’entreprise se changent sur le lieu et durant le temps de travail ne signifie pas pour autant qu’une contrepartie est versée par l’employeur ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article L.3121-3 du code du travail.

4° ALORS enfin QUE en vertu de l’article L.3121-3 du code du travail, les contreparties au temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation cumulative des deux conditions cumulatives qu’il édicte, à savoir l’obligation du port d’une tenue de travail et l’obligation de réaliser l’habillage et le déshabillage dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ; qu’un avitailleur, exposé aux hydrocarbures, a pour obligation de confier le nettoyage de sa tenue de travail à l’entreprise ; qu’il s’en déduit que les conditions d’insalubrité dans lesquelles il exerce lui imposent de procéder aux opérations d’habillage et de déshabillage sur son lieu de travail, de sorte qu’il est en droit de prétendre à une contrepartie pour le temps d’habillage et de déshabillage, peu importe à cet égard que l’activité ne revête pas en outre de caractère salissant ; qu’en relevant, pour débouter l’exposant, que les vêtements de travail se salissaient très peu du fait des processus de sécurité des avitaillements se passant en circuit étanche et fermé pour exercer toute fuite, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l’article L.3121-3 du code du travail. Moyen produit, au pourvoi incident n° E 19-12.477, par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la Société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir requalifié les contrats de mission du salarié en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 décembre 2003 à l’égard de la société Bp France et à l’égard de la société Sasca par suite du transfert du contrat de travail, condamné in solidum la société Bp France et la société Sasca à payer au salarié une somme à titre de l’indemnité de requalification, un rappel de salaire au titre de la prime d’ancienneté, et les congés payés y afférents, ainsi qu’un rappel de salaire sur le 13ème mois par suite de l’incidence de la prime d’ancienneté, et d’avoir condamné la société Sasca à réactualiser à la date de l’arrêt et à régler au salarié les sommes dues au titre de la prime d’ancienneté et de ses incidences sur les congés payés et les primes de fin d’année,

AUX MOTIFS QUE

Sur la recevabilité des demandes relatives à la requalification des contrats de mission :

La SNC Sasca n’a pas conclu dans le dispositif de ses écritures à l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre,

La cour retient que l’article L. 1224-2 du code du travail ne prive pas le salarié, dont le contrat a été transféré de la possibilité d’agir directement contre l’ancien employeur pour obtenir l’indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l’exécution de ses obligations avant le transfert du contrat de travail,

Dès lors, les moyens d’irrecevabilité tirés de la qualité de membre du Gie Gat et d’associé de la SNC Sasca de la société Bp France seront écartés,

Les demandes de M. R... seront donc déclarées recevables à l’égard de la SA Bp France,

Sur la demande de requalification des contrats de mission à l’encontre de la SNC Sasca et la société BP France :

Selon l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise,

Selon l’article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission,

Le contrat constitutif du Gie Gat mentionne à l’article 2 B "objet" :

"La gestion des opérations de stockage, de mises à bord de carburants et autres produits (additifs, méthanol, eau déminéralisée, etc...) et de toutes activités accessoires, l’entretien des bâtiments et véhicules, le contrôle de la qualité des produits, à l’aide des moyens ci-dessous définis :

 soit par l’intermédiaire du personnel de chaque membre mis à la disposition du groupement,

 soit par l’intermédiaire du personnel embauché et géré directement par le groupement,

 soit par tout autre moyen",

La cour constate que l’ensemble des contrats de mission produits par M. R... mentionnent seulement comme entreprise utilisatrice le Gie Gat, Toutefois, la cour constate également que :

* les contrats de mission des 22 décembre 2003, 2 février 2004 et 9 février 2004 mentionnent expressément le remplacement de M. W..., avitailleur, lequel avait qualité de salarié de la société Bp France,

* les contrats de mission des 8 juin 2004, 16 mars 2005, 2 novembre 2005 font référence au remplacement d’avitailleurs Bp,

* d’autres contrats de missions mentionnent des avitailleurs de la société Total,

* le contrat d’embauche de M. R... par la société BP France du 1er mai 2006 mentionne une reprise d’ancienneté de 3 mois à effet du 1er février 2006, cette période correspondant à des contrats de mission dont l’entreprise utilisatrice est le Gie Gat,

Il résulte de ces mentions sur les contrats de mission et sur le contrat constitutif, que le Gie Gat était certes entreprise utilisatrice des salariés en contrat de mission pour l’opération d’avitaillement mais que ceux-ci étaient rattachés aux sociétés pétrolières et notamment Bp France pour les contrats susvisés, ce qui est parfaitement cohérent avec l’objet du Gie Gat de réalisation de l’avitaillement en carburant des aéronefs de Toulouse par la mise à disposition des personnels de ses membres. En conséquence, la société Bp France avait également qualité d’entreprise utilisatrice,

En cas de litige sur le motif du recours au contrat de mission, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission,

En l’espèce, la société Bp France et la société Sasca se bornent à invoquer les mentions portées sur les contrats de mission mais ne rapportent pas la preuve de la réalité des motifs énoncés dans les contrats de mission relatifs à BP, ni au titre du remplacement d’un salarié, ni au titre de l’accroissement temporaire d’activité,

Dès lors, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à l’encontre de Bp France et de Sasca, venant aux droits de celle-ci, est encourue à compter du premier contrat de mission rattaché à BP France soit à la date du 22 décembre 2003,

Le jugement sera réformé de ce chef.,

Sur les conséquences de la requalification :

* l’indemnité de requalification :

A la suite de la requalification des contrats de mission, M. R... est fondé à obtenir, par application des dispositions de l’article L. 1251-41 une indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire,

Compte tenu du salaire mensuel moyen de M. R..., à la date de la saisine du conseil de prud’hommes, d’un montant de 3 220,15 € (au vu des bulletins de paie de janvier, février et mars 2013), la société Bp France et la société Sasca seront condamnées in solidum au paiement à M. R... de la somme de 3 250 euros au titre de l’indemnité de requalification,

* les rappels au titre de la prime d’ancienneté :

Par application de l’article L. 1251-40 du code du travail, le salarié bénéficie des droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission,

Ainsi, le travailleur intérimaire bénéficie rétroactivement de la qualité de salarié de l’entreprise utilisatrice, avec une ancienneté remontant au premier jour de la mission irrégulière, soit au 22 décembre 2003,

La demande relative à la prime d’ancienneté concerne la période non prescrite à compter de mai 2008 à mai 2013, outre la réactualisation à la date du présent arrêt,

Les périodes intersticielles des contrats de mission requalifiés pendant lesquelles le salarié n’a pas travaillé pour Bp France n’ont pas d’incidence sur le calcul de l’ancienneté résultant de la requalification du contrat à durée indéterminée à compter du 22 décembre 2003. Par ailleurs, le travail à temps partiel n’a pas non plus d’incidence sur le calcul de l’ancienneté,

L’article 405 de la convention collective nationale de l’industrie du pétrole prévoit une prime d’ancienneté ainsi décrite et calculée :

"a) Il est attribué aux ouvriers, employés, agents de maîtrise ou assimilés, ayant plus de 3 ans d’ancienneté, une prime déterminée en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise,

b) Cette prime est calculée sur le salaire minimum de l’emploi correspondant à la classification de l’intéressé augmenté éventuellement des majorations en points ou en pourcentage prévues pour certains emplois,

Elle subit, le cas échéant, les majorations pour heures supplémentaires,

c) Les taux de la prime sont les suivants :

Après 1 an d’ancienneté dans l’entreprise : 1% (1),

Après 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 2% (2),

Après 3 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 3%,

Après 4 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 4%,

Après 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 5%,

Après 6 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 6%,

Après 7 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 7%,

Après 8 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 8%,

Après 9 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 9%,

Après 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 10%,

Après 11 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 11%,

Après 12 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 12%,

Après 13 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 13%,

Après 14 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 14%,

Après 15 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 15%,

Après 16 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 16%,

Après 17 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 17%,

Après 18 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 18%,

Après 19 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 19% (3),

Après 20 ans d’ancienneté dans l’entreprise : 20% (4),

(1) A compter du 1er janvier 2007, (2) A compter du 1er janvier 2006, (3) A compter du 1er janvier 2008, (4) A compter du 1er janvier 2010",

Par application de ces dispositions, après rectification des décomptes du salarié pour tenir compte de la date de départ de l’ancienneté et du montant du salaire minimal conventionnel, celui-ci est fondé à obtenir paiement de la somme de 2 134,04 euros au titre du rappel de la prime d’ancienneté, outre les congés payés afférents,

Il lui sera également alloué la somme de 77,26 euros, conformément à la demande, au titre du rappel sur le 13ème mois par suite de l’incidence de la prime d’ancienneté,

Par ailleurs, il sera fait droit à la demande tendant à condamner la société Sasca à réactualiser et à régler les sommes dues au titre de la prime de fin d’année et de ses incidences sur les congés payés et les primes de 13ème mois à la date du présent arrêt,

1° ALORS QUE les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ; que les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé, qu’après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire ; que l’acte extrajudiciaire de mise en demeure prévu à l’article L. 221-1 du code de commerce ne peut émaner que d’un huissier de justice ; qu’en écartant les dispositions impératives de l’article L. 221-1 du code de commerce au prétexte que la Snc Sasca n’avait pas conclu dans le dispositif de ses écritures à l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre, et que l’article L.1224-2 du code du travail ne privait pas le salarié, dont le contrat avait été transféré de la possibilité d’agir directement contre l’ancien employeur pour obtenir l’indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l’exécution de ses obligations avant le transfert du contrat de travail, la cour d’appel a violé l’article L. 221-1 du code de commerce,

2° ALORS QUE suivant l’article L. 251-6 du code de commerce "les membres du groupement sont tenus des dettes de celui-ci sur leur patrimoine propre. Toutefois, un nouveau membre peut, si le contrat le permet, être exonéré des dettes nées antérieurement à son entrée dans le groupement. La décision d’exonération doit être publiée. Ils sont solidaires, sauf convention contraire avec le tiers cocontractant ; Les créanciers du groupement ne peuvent poursuivre le paiement des dettes contre un membre qu’après avoir vainement mis en demeure le groupement par acte extrajudiciaire" ; que l’acte extrajudiciaire de mise en demeure prévu par ce texte ne peut émaner que d’un huissier de justice ; qu’en décidant que la Snc Sasca était tenue des obligations du Gie Gat, cependant qu’il était constant que le salarié n’avait pas observé les prescriptions du texte précité, la cour d’appel a violé l’article L. 251-6 du code civil,

3° ALORS QUE l’apport partiel d’actifs emporte, lorsqu’il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d’activité qui fait l’objet de l’apport ; qu’en considérant que la société Sasca était tenue des obligations pesant sur les sociétés composant le Gie Gat, au motif que le contrat constitutif du Gie Gat mentionnait à l’article 2 B "objet" : "La gestion des opérations de stockage, de mises à bord de carburants et autres produits (additifs, méthanol, eau déminéralisée, etc...) et de toutes activités accessoires, l’entretien des bâtiments et véhicules, le contrôle de la qualité des produits, à l’aide des moyens ci-dessous définis : - soit par l’intermédiaire du personnel de chaque membre mis à la disposition du groupement, - soit par l’intermédiaire du personnel embauché et géré directement par le groupement, - soit par tout autre moyen", sans rechercher comme elle y était tenue, si le traité d’apport partiel d’actifs au profit de la Sasca, placé sous le régime juridique des scissions, par lequel l’activité d’avitaillement d’aéronefs était précédemment exploitée par les sociétés Total Raffinage Services et Bp France par l’intermédiaire du Gie Gat, concernait bien les obligations liées au recours au travail intérimaire en question, la cour d’appel a violé les articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce.