Utlisateur employeur de fait - emploi permanent

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 13 décembre 2006

N° de pourvoi : 05-44956

Publié au bulletin

Cassation

M. Sargos, président

Mme Martinel, conseiller apporteur

M. Mathon, avocat général

Me Blanc, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été engagé par la société Relais intérim, entreprise de travail temporaire, pour effectuer différentes missions d’intérim pour le compte de la société Mazzer et associés sur une période allant du 1er mars 1999 au 14 décembre 1999 ; qu’après une période d’arrêt-maladie, il s’est présenté le 3 janvier 2000 dans les locaux de l’entreprise utilisatrice, laquelle a refusé de poursuivre la relation de travail ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification des contrats de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de la société Le Menes, venant aux droits de la société Mazzer et associés au paiement de diverses sommes à titre d’indemnité de requalification, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de congés payés sur préavis, et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation de la société Relais intérim au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l’article L. 124-7 du code du travail et inobservation des dispositions des articles L. 124-2 et L. 124-2-4 du même code ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Le Menès, la cour d’appel a retenu que la société utilisatrice s’était conformée aux dispositions légales, aucune irrégularité formelle ne pouvant être invoquée, que M. X... avait travaillé pendant neuf mois et qu’il n’était aucunement démontré que l’emploi qu’il avait tenu, à des tâches diverses de manutention, constituait un emploi permanent ;

Attendu cependant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 124-2 du code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ; que selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée “mission”, et seulement dans les cas énumérés à l’article L. 124-2-1, et notamment en cas d’accroissement temporaire d’activité ; qu’il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d’une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu’il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher si, pendant la période d’emploi du salarié intérimaire, l’entreprise avait ou non dû faire face à un accroissement temporaire d’activité, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l’article 1153, alinéa 3, du code civil ;

Attendu que la cour d’appel a rejeté l’intégralité des demandes du salarié et a ordonné le remboursement à la société utilisatrice de la somme de 1 171,80 euros versée au titre de l’exécution du jugement du 18 octobre 2002, date du paiement de la somme, à compter du 6 janvier 2003 ;

Attendu cependant que la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 124-2 et L. 124-7 du Code du travail ;

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de requalification dirigée contre la société Relais Intérim et de sa demande en dommages-intérêts , la cour d’appel a retenu que le fondement juridique de la demande était inexistant et qu’en tout état de cause l’existence d’un préjudice lié à l’absence de contrat de mission écrit n’était pas caractérisé ;

Attendu cependant que les dispositions de l’article L. 124-7 du Code du travail qui sanctionnent l’inobservation, par l’entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du même Code, n’excluent pas la possibilité, pour le salarié, d’agir contre l’ entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre est interdite, n’ont pas été respectées ; qu’il en est ainsi lorsqu’aucun contrat de mission n’a été établi par écrit, ce manquement de l’entreprise de travail temporaire causant nécessairement au salarié intérimaire un préjudice qui doit être réparé ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté qu’aucun contrat de mission écrit n’avait été établi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 janvier 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Condamne la société Relais interim et la société Le Menes aux dépens ;

Vu l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, les condamne à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, à charge pour cette dernière de renoncer à l’indemnté prévue par l’Etat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille six.

Publication : Bull. 2006, V, n° 385, p. 372

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 18 janvier 2005

Titrages et résumés : TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Conditions de forme - Contrat écrit - Défaut - Portée

Les dispositions de l’article L. 124-7 du code du travail qui sanctionnent l’inobservation, par l’entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du même code, n’excluent pas la possibilité, pour le salarié, d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre est interdite, n’ont pas été respectées. Il en est ainsi lorsqu’aucun contrat de mission n’a été établi par écrit, ce manquement de l’entreprise de travail temporaire causant nécessairement au salarié intérimaire un préjudice qui doit être réparé. Doit donc être cassé l’arrêt d’une cour d’appel, qui pour débouter le salarié de sa demande de requalification dirigée contre une entreprise de travail temporaire et de sa demande en dommages-intérêts, retient que le fondement juridique de la demande est inexistant et qu’en tout état de cause l’existence d’un préjudice lié à l’absence de contrat de mission écrit n’est pas caractérisé

TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Validité - Conditions - Inobservation - Recours du salarié - Etendue

TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Requalification en contrat à durée indéterminée - Cas

Textes appliqués :
• Code du travail L124-2 à L124-2-4, L124-7